Genre : Comédie dramatique
Durée : 120’
Acteurs : Chiara Mastroianni, Catherine Deneuve, Fabrice Luchini, Nicole Garcia, Benjamin Biolay, Melvil Poupaud, Hugh Skinner...
Synopsis :
C’est l’histoire d’une femme qui s’appelle Chiara. Elle est actrice, elle est la fille de Marcello Mastroianni et Catherine Deneuve et le temps d’un été, chahutée dans sa propre vie, elle se raconte qu’elle devrait plutôt vivre la vie de son père. Elle s’habille désormais comme lui, parle comme lui, respire comme lui et elle le fait avec une telle force qu’autour d’elle, les autres finissent par y croire et se mettent à l’appeler "Marcello".
La critique de Julien
Voilà une proposition de cinéma pour le moins inédite. "Marcello Mio", quinzième long métrage de Christophe Honoré après "Le Lycéen" (2022), "Chambre 212" (2019) ou encore "Plaire, Aimer et Courir Vite" (2018), est un objet de cinéma introspectif, dans lequel plane l’ombre de Marcello Mastroianni, cette figure mythique du cinéma italien et français des années 60-70, avec qui Catherine Deneuve avait jadis entretenu une liaison, ayant alors donné naissance à Chiara, elle-même actrice... Alors que les eaux de la fontaine de Trevi à Rome furent arrêtées lors du décès de Marcello en 1996, laquelle était le cadre d’une scène majeure de "La Dolce Vita" (Federico Fellini, 1959), c’est aujourd’hui par les traits de sa fille questionnant son héritage et sa vie et grimée en son père que revit l’artiste, et cela devant la caméra du cinéaste passionné, Christophe Honoré...
S’il s’agit en partie d’un hommage audit Monsieur, traitant également de questions solennelles et d’arrière-monde, Christophe Honoré souhaitait par son film explorer la vie d’une actrice lorsqu’elle ne travaille pas, lorsqu’elle est "dans un état de non-travail, un néant mystérieux où son identité devient incertaine et malléable". Et qui de mieux que celle avec qui il collabore pour la septième fois, jouant ici une propre version d’elle-même en train d’affronter sa propre vie, mais face au miroir dans lequel elle voit de plus en plus son père, tandis que son talent est sans cesse ici ramené fictivement à la filiation, comme si elle n’était finalement qu’une image projetée de ses parents. D’ailleurs, Chiara Mastroianni joue ici aux côtés de sa mère, Catherine Deneuve, également dans une fiction d’elle-même, au même titre que les seconds rôles campés par Fabrice Luchini, Nicole Garcia, Benjamin Biolay et Melvil Poupaud (sans oublier l’acteur britannique Hugh Skinner, le seul à véritablement jouer ici un personnage qui n’est pas lui-même). Un film quelque peu familial, donc, mais surtout romanesque et psychanalytique, présenté en Sélection officielle en compétition au dernier Festival de Cannes.
Très bavard et autocentré, "Marcello Mio" est un film d’auteur à réserver à un public averti. De tous les plans, Chiara Mastroianni joue donc une partition d’elle-même, alors que l’image qu’elle voit d’elle de l’extérieur ne correspond pas à celle qu’elle espérait renvoyer de l’intérieur. Autrement dit, Chiara/Marcello cherche ici son identité, dans un dédoublement de personnalité, vivant ainsi non pas sa vie, mais celle de son père, et épousant pour cela son physique, son style vestimentaire, ou encore sa gestuelle, quitte à être confondue par son entourage. Christophe Honoré plonge alors sa muse - outre que dans la fontaine de Trevi - dans un troublant et fantaisiste autoportrait fictif, dans lequel plane le fantôme d’un héritage, soit celui d’un père (et pas n’importe lequel).
Alors oui, l’idée est très originale, ne ressemble à aucune autre, alors emprunte alors de nostalgie et de cinéma, et de chants (aussi), mais "Marcello Mio" montre très vite à ses limites, comme celle finalement de ramener tout à lui, n’offrant ainsi pas une histoire qui partage des émotions, mais qui donne à voir des émotions que l’on ne ressent pas. Car l’auto-personnage complexe joué par Chiara Mastroianni garde ici beaucoup en lui, et n’offre finalement que peu de profondeur au concept de mise en scène du film, dans sa mise en abîme existentielle et artistique, jusqu’à sa symbolique scène de baignade en mer quelque peu impromptue, et par laquelle on doit sans doute comprendre qu’il s’agit là d’une renaissance. Sans doute pas assez universel dans son approche, "Marcello Mio" peine alors à nous prendre par la main, à raisonner autant en nous qu’il secoue son actrice principale et sa mythologie familiale, envers laquelle il faut sans doute être (plus) amoureux pour, à son tour, y plonger et en apprécier les références, alors pleines de tendresses, de vie, de comédie... Une proposition de cinéma hybride, jamais donc dénuée de charme, de second degré et de mise(s) à nu, mais qui exclue sans le voir le spectateur.