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Fede Álvarez
Alien : Romulus
Sortie du film le 14 août 2024
Article mis en ligne le 17 août 2024

par Julien Brnl

Genre : Science-fiction, horreur

Durée : 119’

Acteurs : Cailee Spaeny, Isabela Merced, David Jonsson, Archie Renaux, Spike Fearn, Aileen Wu...

Synopsis :
Alors qu’il entreprend des fouilles dans une station spatiale abandonnée, un groupe de jeunes voyageurs se retrouve confronté à la forme de vie la plus terrifiante de l’univers...

La critique de Julien

Tant attendu, "Alien : Romulus" débarque enfin dans nos salles ! Alors certes, il s’agit là du septième film de la saga initiée en 1979 par Ridley Scott avec "Alien, le Huitième Passager", mais il s’agit surtout du premier à sortir sous la bannière Disney, étant donné le rachat de la 21st Century Fox par la Walt Disney Company en 2019. Un temps destiné à sortir directement sur la plateforme Hulu aux États-Unis (comme ce fut le cas du réussi "Prey", cinquième volet de la franchise "Predator", sorti en 2022, et réalisé par le génial Dan Trachtenberg), "Alien : Romulus" est pourtant parvenu à se frayer un chemin dans les salles. Et celui-ci est mis en scène par Fede Álvarez, réalisateur uruguayen à qui l’on doit notamment le remake de "Evil Dead" (2013) et ses 25 000 litres de faux sang, ainsi que le surprenant et sadique home invasion "Don’t Breathe : la Maison des Ténèbres" (2016) (ayant connu une décevante suite, sortie cinq ans plus tard, et réalisée par son fidèle collaborateur à l’écriture Rodo Sayagues). Situant ses événements entre ceux du premier film et de "Aliens, le Retour" (James Cameron, 1986), "Alien : Romulus" avait donc la lourde tâche de redorer le blason de la saga après les décevants résultats de "Alien : Covenant" (2017), lequel déroulait quant à lui son intrigue après celle de "Prometheus" (2012), tous deux réalisés par le père de la franchise, Ridley Scott, tandis que ce dernier revenait aux origines de l’humanité et des xénomorphes. Vous savez, ces vilaines bébêtes extraterrestres redoutables, et au processus de reproduction assez abominable, ayant d’ailleurs fait le sel (et le sang) de la saga, et responsable de bien des cauchemars et des maux de ventre ? Et ça tombe bien, car dans "Alien : Romulus", vous en serez servis ! Or, dès ses premiers visuels et sa bande-annonce sombre et atmosphérique dévoilée en mars dernier, les fans de l’univers avaient de quoi être rassurés (et nous avec). Mais le seront-ils définitivement au vu du résultat ? Ce qui est certain, en tout cas, c’est que "dans l’espace, personne ne vous entendra crier"...

"Romulus" débute alors en 2142, soit vingt ans après la désintégration du Nostromo, alors que Ellen Ripley (Sigourney Weaver), elle, est toujours introuvable (elle ne sera découverte, souvenez-vous, qu’en 2179), et donc en cryostase dans une navette, quelque part dans l’espace, en tant que seule survivante (avec un chat) du xénomorphe ayant pénétré ledit vaisseau, et cela après que son équipage ait fait une escale sur la planète LV-426 à la suite d’un signal crypté provenant d’un vaisseau spatial extraterrestre abandonné, et brisé ainsi les règles de la quarantaine. Et tandis que les débris du Nostromo sont toujours à la dérive, le film nous emmène à la rencontre de Rain Carradine (Cailee Spaeny), une jeune orpheline travaillant sur la colonie minière de Jackson’s Star, et cela avec son frère adoptif Andy (David Jonsson), un humain synthétique défectueux reprogrammé par le père de Rain afin de la protéger, elle qui rêve d’un coucher de soleil sur la planète isolée Yvaga, alors que Jackson’s Star, elle, est sans cesse plongée dans l’obscurité. Mais à la suite d’un contrat de travail prolongé de manière inattendue, Rain acceptera l’offre de la dernière chance de son ami Tyler (Archie Renaux), soit celle de fuir leurs conditions de vie difficiles de jeunes colons, et ce à bord d’un vaisseau appelé Corbelan IV, lequel les emmènera sur une station spatiale abandonnée et appelée Renaissance Station, en orbite autour de leur planète. Avec l’aide précieuse d’Andy, qui peut accéder à l’appareil et en ouvrir les portes via son système informatique, Tyler et d’autres jeunes membres d’équipage espèrent ainsi récupérer des chambres de stase cryogénique, et cela afin de pouvoir rejoindre Yvaga, à plusieurs années de trajet, nécessitant ainsi d’entrer en hypersommeil. Sauf que ce qu’ils découvriront dans le vaisseau contrecarrera évidemment leurs plans...

On sent Fede Álvarez fans de la saga "Alien", lequel a souhaité ici autant faire aussi bien plaisir aux fans de la première heure qu’à la nouvelle génération. Mais son film, qui ne manque pas de bonnes idées, lequel a été coécrit avec Rodo Sayagues, est surtout un hommage assez linéaire au premier film. En effet, dès l’ouverture, "Romulus" filme l’espace et son silence, tel que Ridley Scott le faisait dans le film original. Mais surtout, une fois la première confrontation entre le nouvel équipage avec des facehuggers, le film suit, dans les grandes lignes, et avec quelques facilités à la clef, le même procédé narratif que son modèle (absolu), ce qui se traduit malheureusement par un manque de prise de risques, et donc une certaine prévisibilité, que filme d’ailleurs ici le metteur en scène dans son action, comme s’il nous invitait volontairement à anticiper ce qu’on allait déguster quelques minutes plus tard, à l’écran. Dans son enveloppe corporelle, le film apparaît alors comme une fidèle réplique, et bien plus encore comme un "Alien" qui se veut d’autant plus parfait, plus actuel et effrayant, comme si on lui avait finalement injecté un sérum de xénomorphe afin de gommer les imperfections de "Alien" (1979) (surtout au regard du progrès technologique), et ainsi le voir comme sa propre mutation, plus unique encore en son genre, alors que la vérité, elle, n’est pas tout à fait la même...

Disons-le : "Alien : Romulus" est un film qu’on veut défendre corps et âme, et qui mérite d’être vu, lequel est une dédicace loin d’être dépourvue d’intérêts, et de bonnes surprises. La première, sans doute, est celle de présenter de nouveaux personnages, et d’un jeune âge (histoire d’identification par le jeune public), tout en les faisant coexister dans un univers répondant aux enjeux primaires de la saga, questionnant l’humanité et son autodestruction. Car l’être humain n’est ici qu’un pion répondant aux objectifs de la cupidité et de l’exploitation des ressources de Weyland-Yutani, et cela au détriment de l’humanité, laquelle veut donc fuir ici sa condition, et cela manifestement par le biais d’une sœur et de son frère, pas comme les autres. Dommage seulement que "Alien : Romulus" n’exploite pas davantage l’histoire et le contexte dans lequel les événements s’inscrivent, tandis que l’on se retrouve rapidement en mission. En d’autres termes, "Romulus" fait table rase de ses prémisses, au service donc de l’action, de l’exécution, d’immersion dans l’horreur, qu’on attendait finalement tous, mais qu’on aurait préférés plus contextualisée, ou certainement avec plus de réponses qu’on en trouve ici...

L’autre bonne idée du métrage, c’est certainement celle du personnage joué par le Britannique David Jonsson, faisant presque ici ses débuts au cinéma (crédité dans "Rye Lane", premier film inédit de Raine Allen-Miller), et cela dans le rôle d’un androïde, au même titre qu’Ian Holm (Ash) dans "Alien". Or, plus que d’un surprenant clin d’œil ici à ce dernier, le film ne conçoit aucunement sa destinée sans l’usage de son impitoyable technologie, au cœur de la saga et des visées douteuses des mégacorporations. Mais surtout, ce rôle en question permet ici à David Jonsson de briller, étant donné son jeu impassible, et cela surtout face à ses camarades de jeu finalement aussi humains que lui (ou presque). À cet égard, Cailee Spaeny, majoritairement découverte cette année-ci dans "Priscilla" (Sofia Coppola) et "Civil War" (Alex Garland), est écrasée ici par l’héritage et le poids de ce qui l’entoure, ne trouvant pas la place qu’elle aurait ainsi méritée, mais ne se laissant pas longtemps effrayer par les xénomorphes, lesquels sont d’ailleurs dans tous les coins, même s’ils reculent surprenamment devant les armes...

Fasciné par l’horreur et ses effets, ce qui caractérise toujours le cinéma de Fede Álvarez, c’est le réalisme de son exécution, lequel privilégie le moins possible l’usage des écrans verts. Or, ses monstres sont ici - à quelques effets spéciaux près - réalisés en animatroniques, augmentant ainsi l’authenticité de sa démarche, et donc l’aspect littéralement horrible de ces/ses bestioles, dont celui d’un chestburster, lors d’une célèbre - et immanquable - scène d’éclosion depuis une poitrine. Les décors, aussi, sombres et en huis clos, permettent à son film d’installer une tension assez soutenue, tout comme le travail sonore (tel que dans "Alien"). D’intéressantes idées de mise en scène (au sein de son écriture globale moins audacieuse) viennent aussi pimenter cette nouvelle aventure. On pense notamment à cette scène où les protagonistes esquivent, en gravitation, des litres du sang acide des xénomorphes. D’ailleurs, jamais sans doute ce liquide n’était apparu aussi réel et corrosif que dans ce "Romulus", et cela très certainement grâce à la volonté de son réalisateur de privilégier les effets pratiques aux CGI. Pourtant, que serait son film sans ses envolées spatiales absolument somptueuses, notamment lorsqu’il filme Jackson’s Star et ses anneaux ? Car la franchise "Alien", c’est aussi ça, soit la grandeur de l’espace, mais aussi la peur du vide, du danger qui pourrait rôder au-dessus de nos têtes, et nous détruire, et cela même dans sa simple recherche scientifique, sans éthique, dans cette quête inaccessible de survie à long terme de l’humanité, alors que tout est paradoxalement à faire sur Terre...

"Alien : Romulus" n’est donc certainement pas là pour réécrire l’histoire d’une des plus emblématiques sagas de la science-fiction horrifique, de laquelle elle s’inspire sans doute un peu trop, quitte à nous resservir ce qui avait bien fonctionné à l’époque, alors inscrit dans ses fondamentaux, mais toujours avec respect. Après son travail sur "Evil Dead" (2013), ou encore sur "Millénium : Ce Qui ne me Tue Pas" (2018), Fede Álvarez prouve qu’il n’est peut-être pas un cinéaste avant-gardiste, mais très certainement l’un de ceux qui parviennent à faire implanter, non pas un embryon de xénomorphe, mais des idées dans celles des autres, et cela avec la même manière insidieuse qu’un facehugger pour s’emparer d’un hôte... Autrement dit, "Alien : Romulus" est suffisamment dense et généreux pour s’apprécier de ceux qui sont friands de son univers, et devrait pouvoir plaire aussi aux néophytes, ou en tout cas leur donner l’envie de découvrir les six autres films de la saga, histoire de prolonger l’horreur. Mais en posant ses fesses entre deux chaises, le réalisateur uruguayen, lui, ne choisit jamais, sans trouver alors sa propre recette, laquelle aurait pu lui permettre de sortir ainsi son film du lot, étant donné son respect incommensurable pour le matériau d’origine, quitte même à le rejouer, même s’il le fait plutôt bien, et dans les règles de son art...



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