Genre : Action, aventure
Durée : 105’
Acteurs : Tomer Sisley, James Franco, Clotilde Hesme, Elise Tilloloy, Denis O’Hare, Koen De Bouw...
Synopsis :
Depuis l’enlèvement brutal de son fils Noom, Largo Winch fait l’objet d’une impitoyable machination cherchant à l’anéantir et à détruire le groupe W. Pour faire éclater la vérité et retrouver son fils, Largo se lance dans une traque sans relâche. Des forêts canadiennes, en passant par Bangkok jusque dans les profondeurs des mines birmanes il ne sait pas encore qu’il devra faire face aux démons du passé.
La critique de Julien
Treize ans après ses dernières aventures cinématographiques, Largo Winch reprend du service, et cela toujours sous les traits de Tomer Sisley (49 ans), tout en étant adapté de la bande dessinée du même nom de Jean Van Hamme et Philippe Francq, et plus particulièrement du "Prix de l’Argent" (2013), le 13ème album de la série. Or, treize ans, cela peut paraître une éternité, surtout pour une suite. Mais de l’eau à couler sous les ponts pour l’homme d’affaires et héritier de l’empire financier de Nerio Winch, lui qui est aujourd’hui lui-même père d’un adolescent, tandis qu’il chapeaute le Groupe W, basé au Québec, dont les enjeux - très actuels - sont dirigés vers l’agriculture biologique et les énergies vertes. Sauf que le magnat sera témoin de l’enlèvement de son fils, tout en étant victime d’une machination visant à l’anéantir et à détruire son empire. Et si ces deux événements étaient donc liés ? Sans doute. Et si quelqu’un en voulait à Largo ? Sans encore moins doute. Quoi qu’il en soit, il ne lui en faudra pas plus pour se lancer dans une traque sans merci, et cela des forêts canadiennes (en réalité bulgares), en passant par Bangkok, jusqu’aux profondeurs des mines birmanes (filmées... à Charleroi !).
La plus grande curiosité de ce troisième opus, c’est bien évidemment celle d’être réalisé, non plus par Jérôme Salle (le metteur en scène des deux premiers), mais par le cinéaste belge Olivier Masset-Depasse, lequel vient ainsi du cinéma d’auteur, étant donné qu’on lui doit les métrages "Illégal" (2010) et "Duelles" (2019), ce dernier ayant d’ailleurs étant récompensé de neuf Magritte du cinéma en 2020, en plus d’avoir connu un remake américain sorti plus tôt cette année. Pourtant, lorsque son producteur lui a proposé de réaliser les nouvelles aventures de Largo Winch, Olivier Masset-Depasse n’a pas hésité une seule seconde, voyant cela comme un défi, en plus d’être passionné par la BD, lui qui a commencé très jeune par le dessin, alors marqué par l’univers de Jean Van Hamme, lui qui l’a ensuite eu comme professeur pendant deux ans à l’IAD. La boucle est donc bouclée, alors accrochez votre ceinture !
En plus d’avoir voulu montrer ici "la face cachée des nouvelles technologies qu’on a tendance à porter aux nues et qui n’ont pas que des aspects positifs…", le cinéaste et ses coscénaristes Domenico la Porta et Giordano Gederlini nous parlent ici de filiation, et cela via la figure du fils de Largo (Noom, joué par Narayan David Hecter), un jeune activiste allant profondément à l’encontre des nouvelles technologies utilisées par son père, contribuant, malgré elles, à polluer la planète. Le film traite également de la relation père/fils en confrontant Largo Winch à ses fantômes du passé, lequel souffre toujours de l’abandon et d’un rapport amour-haine avec son propre père, lequel voyait bien plus en lui un héritier qu’un fils adopté. Mais cette figure paternelle est également visible vis-à-vis des motivations de l’antagoniste sociopathe et insensible à la douleur (...) du film, joué par James Franco, lequel, devenu persona non grata à Hollywood depuis des accusations avérées de violences sexuelles commises sur ses anciennes étudiantes, doit encore gagner sa vie (ici en Europe), et a donc accepté le rôle du méchant, lui qui n’avait jamais pourtant entendu parler, auparavant, de Largo Winch. Enfin, le film, et thriller d’espionnage à la "Jason Bourne", oppose un Largo vieillissant à la modernité et à la jeunesse, ce qui pimentera quelque peu ses affaires...
Par ses biais narratifs, et à sa faveur, "Largo Winch : le Prix de l’Argent" propose ainsi de découvrir un antihéros plus faillible, moins froid et sensible que jamais autrefois, alors en pleine lutte pour retrouver son fils, et celle de s’innocenter. Or, dans le rôle principal, Tomer Sisley ne s’est jamais montré aussi convaincant, sans avoir pris un seul kilo, bien qu’il se soit blessé à plusieurs reprises sur le tournage lors de ses propres cascades. Face à lui, on retrouve donc un James Franco machiavélique et pas franchement causant, et cela dans la peau d’un monstre qui, avant de l’avoir été, a été une victime, prête donc à se venger. Un casting masculin musclé, donc, mais aussi entouré de femmes, dont une jeune influenceuse québécoise (Élise Tilloloy, qui ne l’est pourtant pas !) au tempérament de feu, ainsi qu’une assistante plus ou moins dévouée (Clotilde Hesme, punk et à contre-emploi)...
Dommage finalement que tout s’enchaîne trop rapidement dans ce "Largo Winch", ce qui empêche finalement toute profondeur de réellement d’exister et aux émotions d’émerger, en plus de manquer parfois de crédibilité dans l’enchaînement de ses péripéties, étant donné quelques facilités d’écriture assez déconcertantes, ce qui appuie finalement la touche superficielle de l’ensemble. Mais Olivier Masset-Depasse s’en sort tout de même avec les honneurs, étant donné une mise en scène efficace et sans temps mort, en plus de profiter de plusieurs séquences d’action assez impressionnantes (celle du pick-up est audacieuse, mais pas toujours lisible) et de quelques plans tapageurs (quel générique d’ouverture !), mais que l’on doit aussi au budget de production du film très confortable, à savoir 17 millions d’euros. D’ailleurs, on doute que le film puisse rentrer dans ses frais, étant donné qu’il a engendré le plus faible démarrage de la franchise au box-office français, lequel ne cumule qu’un peu plus de 250 milles entrées après deux semaines d’exploitation, là où les deux premiers opus avaient réalisé respectivement 556 milles et 475 milles entrées en une semaine. Oui, ça fait (très, très) mal ! Et ça risque de faire d’autant plus mal que "Le Prix de l’Argent" ne va pas au bout de ce qu’il a entrepris, avec une fin - risquée - on ne peut plus ouverte. Sauf qu’on risque de ne jamais la voir. Mais ça, c’est une autre histoire. Quoi qu’il en soit, le monde des finances semble bel et bien en vouloir au personnage sur grand écran. Peut-être est-il donc venu le moment pour le "James Bond de la finance" de rester définitivement dans les planches ?