Genre : Science-fiction action
Durée : 148’
Acteurs : Anya Taylor-Joy, Chris Hemsworth, Tom Burke, Quaden Bayles, Nathan Jones, Angus Sampson, Daniel Webber, Goran D. Kleut, Lachy Hulme...
Synopsis :
Alors que le monde s’écroule, la jeune Furiosa tombe entre les mains d’une horde de motards dirigée par le seigneur de la guerre Dementus. En traversant le Wasteland, ils tombent sur la Citadelle présidée par l’Immortan Joe. Alors que les deux tyrans se battent pour la domination, Furiosa doit survivre à de nombreuses épreuves pour trouver le moyen de rentrer chez elle. Un prequel de "Mad Max : Fury Road" centré sur le personnage de Furiosa.
La critique de Julien
En route pour le Valhalla ! 9 ans (déjà !) après le tonitruant "Mad Max : Fury Road" (2015) et 2 ans après son précédent et trop méconnu métrage "3000 Ans à t’Attendre" (2022), George Miller nous replonge dans le Wasteland de sa vrombissante saga "Mad Max", et cela avec "Furiosa", lequel est le cinquième film de sa franchise, tout en étant une préquelle de son aîné. Présenté à Cannes en sélection officielle hors compétition, le film revient d’ailleurs sur la genèse du personnage introduit et campé dans "Fury Road" par Charlize Theron, à savoir la Prétorienne et Imperator Furiosa, jouée successivement ici par Alyla Browne et Anya Taylor-Joy. Autant donc dire que ce film était attendu au tournant, tout en espérant que sa mécanique ne soit pas rouillée. S’il n’en est rien, "Furiosa : une Saga Mad Max" ne joue pourtant pas dans la même cour que son modèle. Et c’est tant mieux ! Car du spectacle, en veux-tu en voilà !
Pas donc ici - à priori - de Max Rockatansky (à qui Mel Gibson et Tom Hardy ont prêté leurs traits). Cette histoire débute plusieurs années après une catastrophe écologique d’ampleur mondiale, soit dans un monde post-apocalyptique irradié, où le dérèglement climatique a transformé la Terre en zones dévastées, en proie de plus à des conditions météorologiques imprévisibles, où les denrées - épuisées - se font rares, et où la crise du pétrole fait rage. Or, c’est dans la rare zone fertile de la Terre Verte que la jeune Furiosa et sa sœur Valkyrie vivent, entourées des leurs, les Vuvalini. Or, Furiosa y sera enlevée par des hommes l’ayant découverte, lesquels travaillent pour le chef de guerre effronté et sans pitié de la Horde des Motards, Dementus (Chris Hemsworth), lui qui parcourt justement le Wasteland à la recherche de terres d’abondances. Décimés dans leur fuite par la mère de Furiosa (Charlee Fraser), lesdits hommes de main ne parviendront cependant pas dire où ils ont trouvé la gamine, elle qui ne révélera rien quant à l’existence de la Terre Verte, malgré le fait que sa mère soit brûlée vive devant ses yeux par Dementus. En espérant qu’elle le guide, Furiosa sera, dès lors, faite prisonnière. Dans sa quête, Dementus tombera alors sur la Citadelle d’Immortan Joe (Lachy Hulme, succédant à Hugh Keays-Byrne après son décès en 2020), abritant de l’eau douce et des récoltes en abondance, le provoquant ainsi en duel. Mais c’était sans compter sur son armée maladive de fanatiques (et de chair à canon), les War Boys. Au sein de cette guerre tyrannique, et ballotée tel un lot de consolation, Furiosa devra, elle, trouver le moyen de rentrer chez elle, tout en se vengeant...
D’emblée, alors que "Fury Road" était menée sur les chapeaux de roue et se suivait telle une furieuse course contre la montre, "Furiosa : une Saga Mad Max" se veut davantage suivre la voix d’une origin-story, aboutissant aux premières images de "Fury Road", et donc à l’aura qu’y dégageait le personnage de Charlize Theron, intelligente et intuitive, et aux capacités de conductrice extraordinaires. Car là où se termine cette histoire, commence donc celle du précédent film, lequel avait d’ailleurs réussi, de manière inespérée, à ressusciter la franchise, trente ans après "Mad Max 3 : au-delà du Dôme du Tonnerre".
Divisé en cinq chapitres (le pôle d’inaccessibilité, la leçon de la désolation, le passage clandestin, en route vers la maison, au-delà de la vengeance), "Furiosa" de George Miller parvient à son tour à raviver la flamme rallumée neuf ans plus tôt, après donc le percutant "Fury Road". Plus encore, son film est une épopée de survie et de vengeance en terres hostiles menée tambour battant qui, malgré l’effet de surprise en moins, nous plonge davantage dans l’univers dantesque créé par son metteur en scène visionnaire, George Miller, qui, on le rappelle, a également réalisé "Babe 2" (1998) ou encore "Happy Feet" (2006). La première force de "Furiosa" est dès lors de prolonger dans ce monde de chaos désertique totalement hypnotisant, où le métal chromé des cylindrées déboule depuis des dunes et vole littéralement dans les airs au rythme de courses-poursuites endiablées. Outre la Citadelle, Miller nous permet ainsi d’en découvrir deux autres forteresses, que sont "Gazland" et "Le Moulin à Balles" (respectivement "Gastown" et "The Bullet Farm en VO), la première étant l’avant-poste riche en pétrole du Wasteland (là où Immortan Joe fait le plein pour sa belle Citadelle), et l’autre une raffinerie de métaux (où des armes, des munitions ou encore des pièces peuvent y être achetées pour créer/restaurer des véhicules en tous genres), lesquels seront les proies de la guerre sans merci auquel se livreront Immortan Joe et Dementus. Or, celle-ci aurait pu durer encore plus longtemps à l’image que ce que nous en montre le film (incroyable et audacieuse parenthèse des "40 Jours de Désolation"). Oui, George Miller et le co-scénariste Nico Lathouris en avaient sous le capot, et auraient pu faire durer encore plus le plaisir !
Plus dure, meilleure, plus rapide et plus forte, la saga "Mad Max" prend donc ici des allures de fresque épique étalée sur plusieurs années (dix-huit), avec, toujours en son cœur, guidée par les étoiles, Furiosa, que l’actrice Anya Taylor-Joy porte avec incroyable ténacité, et détermination. Le film enchaîne alors les séquences d’action aussi hallucinantes que pleines d’inventivité, en témoigne, par exemple, celle de l’assaut du War Rig (faisant office d’ancêtre au Porte-Guerre), laissant davantage la place aux cascades et aux décors plutôt qu’aux effets spéciaux, résultant ainsi d’un film davantage storyboardé qu’il n’est scénarisé. On est dès lors ahuri par la fougue, par la rage au ventre que ce film a à revendre, avec sa cinématographie unique, aux couleurs arides. Ainsi, malgré ses presque deux heures et demie, on en redemande encore ! George Miller nous offre là un spectacle unique et de tous les instants, à la mécanique huilée, où voitures, motos, camions, monster trucks, parachutes et autres paramoteurs réparés et customisés se succèdent, dans le style rat rod. Dommage pour les quelques effets numériques ratés en début de film, concernant les gros plans de la Terre Verte. Mais c’est aussi par ses excès assumés de folie propre à son ADN que la saga "Mad Max" pousse les curseurs encore plus haut, mais certes dans une autre direction que celle de "Fury Road". Le film parvient alors à maintenir un rythme de croisière trépidant, avec des moments cependant plus calmes, pour alors laisser place à l’émotion, et au face-à-face. Car oui, il n’y a pas que des engins thermiques et du carburant en combustion dans "Furiosa"...
Brutal, féministe et plein de résilience, le film de George Miller met en scène une femme brisée, dont la quête de vengeance n’a d’égale que le mal qu’on lui a fait subir, que l’enfance et les amours qu’on lui a enlevées. "Furiosa" questionne alors le besoin d’assouvir la vengeance, et cela par le biais d’un excellent antagoniste (et son char à trois motos), Dementus, joué par un Chris Hemsworth absolument épatant (malgré son faux nez). Car il est clair que ce personnage n’est autre que le fruit - gangréné - du Wasteland, lequel cache, derrière sa brutalité, une tout autre nature (l’ours en peluche), que Furiosa percera, lesquels sont liés ici par leur histoire, Dementus la considérant comme le vestige de ses enfants perdus. Car alors que Dementus cherche à survivre, ce dernier pose finalement la question de la vengeance si l’on est déjà mort à l’intérieur, étant donné que cela ne ramènera aucunement ce que l’on a perdu ? Que reste-t-il aussi de nous lorsque l’on a tout perdu ? Quitte à ne pas être oublié en retour, ne faudrait-il pas trouver le courage de réaliser quelque chose de mémorable, quitte à ne pas être oublié, ni brutalement éliminé ? Voilà ici les fondements de cet horrible homme, de ce charognard avide de pouvoir et d’abondances, lequel subira le châtiment de "l’Ange Noir", du "Cinquième Cavalier de l’Apocalypse", alias Furiosa. Car c’est elle, l’héroïne de cette aventure hors normes, elle qui va, en réponse aux questions de son interlocuteur, libérer les cinq épouses d’Immortan Joe, et façonner définitivement sa propre légende, et trouver sa place dans le Wasteland, aussi amèrement que nécessairement.
Que serait évidemment la saga Mad Max sans une bande originale pétaradante ? Immersive à souhait, on retrouve pour le plus grand plaisir - également - de nos oreilles la musique de Tom Holkenborg, déjà aux commandes de celle de "Fury Road", tandis que Miller, qui ne change pas une équipe qui gagne, y retrouve également la monteuse Margaret Sixel, la costumière Jenny Beavan, ou encore le chef décorateur Colin Gibson, pour boucler la boucle de l’histoire de Furiosa, jusqu’à "Fury Road". Pourtant le raccord successif entre les deux films n’est pas des plus évidents, ou en tout cas ne sonne pas aussi naturel que le reste, notamment en matière de temporalité. Mais sans doute cette impression est due aux deux interprètes différentes pour le même personnage ? Car, au cas où vous ne l’auriez pas encore compris, nous aurions bien encore suivi le personnage de Anya Taylor-Joy dans d’autres péripéties, tant il est porteur de puissance, de furie et de soif explosive de justice. Peut-être aura-t-on la chance de retrouver Furiosa dans le futur ? Mais George Miller aime les fins. Et les films populaires ! Et nous aussi ! Quoi qu’il en soit, il nous a fait atteindre le Valhalla avec son flamboyant imaginaire ! Et on ne le remerciera jamais assez pour ça ! Voilà la vraie puissance du cinéma de divertissement !