Genre : Drame, thriller
Durée : 124’
Acteurs : Alexandra Lamy, Félix Moati, Sofian Khammes, Julie Chen, Antoine Bertrand, Philippe Torreton...
Synopsis :
Pour tenter de sauver son fils Martin injustement condamné à mort en Indonésie, Carole se lance dans un combat inégal contre les exploitants d’huile de palme responsables de la déforestation et contre les puissants lobbies industriels.
La critique de Julien
Fils d’agriculteurs, Edouard Bergeon sortait en 2019 son premier film "Au nom de la Terre", lequel était un terrible drame tiré de sa propre histoire familiale, lequel y portait alors un "point de vue humain sur l’évolution du monde agricole de ces 40 dernières années". Pour son second long métrage, le cinéaste quitte quelque peu sa terre natale pour l’Indonésie, tout en n’abandonnant cependant pas le milieu de l’agriculture, étant donné qu’il y est question de la culture écocide d’huile de palme, destinée aux biocarburants, en guise de "promesse verte". Produite à l’autre bout du monde, pour un faible coût, l’huile de palme est un véritable désastre écologique, bien qu’elle représente en Asie du Sud-Est l’une des plus grosses parties des PIB des pays producteurs, tout en générant beaucoup d’emplois. Mais à quel prix ? Sans doute celui des plus de 26 millions d’hectares de la couverture forestière que l’Indonésie (plus gros exportateurs d’huile de palme) a perdue entre 2002 et 2019 ! La déforestation massive est dès lors terrible pour l’écosystème local (expropriation des peuples autochtones, pollution des sols, etc.) et mondial (réchauffement climatique, pollution des mers, etc.), et donc aucunement durable pour notre planète. Mais devant l’incroyable manne financière que cette huile représente, de trop nombreux dirigeants politiques ferment encore les yeux sur les conséquences de son juteux commerce, bien que le Parlement européen, lui, ait voté (en 2018) "l’élimination progressive" de cette graisse végétale des agrocarburants. Bref, une situation alarmante qui a inspiré de manière fictive Edouard Bergeon, pour "La Promesse Verte", porté par Alexandra Lamy et Félix Moati...
Le film suit alors le périple sur l’île de Bornéo de Martin (Félix Moati), un jeune homme anthropologue étudiant les conséquences de la déforestation sur la société, ici dans l’une des régions d’Indonésie abritant l’une des plus grandes forêts primaires au monde. Mais pour combien de temps encore ? Tandis que résonne en lui la citation de Chateaubriand "Les forêts précèdent les peuples, les déserts les suivent" (1896), Martin y réalise alors ses recherches sans permis, lequel est bénévole pour une ONG. Il y fera la rencontre avec Nila (Julie Chen), une activiste locale, laquelle se bat notamment contre une entreprise qui espère exploiter les terres ancestrales d’un peuple autochtone. Mais après avoir fourré son nez dans des affaires auxquelles il ne faut pas toucher, tout en étant témoin d’une scène criminelle lors d’un mariage, orchestrée par des mercenaires, Martin prendra la poudre d’escampette. Sauf qu’il se retrouvera emprisonné après qu’on ait découvert de la drogue dans son sac à l’aéroport. Sa mère, Carole (Alexandre Lamy), jouera le tout pour le tout afin de le sortir de là, alors que la justice Indonésie - ultra corrompue - ne rigole aucunement avec les stupéfiants, tandis que la peine de mort est toujours d’application dans cette région reculée du monde. Mère et fils se frotteront donc à bien plus qu’à des palmiers, et donc à un système de capitaux mondial injectant dans la production aveugle d’huile de palme, et cela au cœur d’un enjeu économique et politique qui les dépassent...
Pessimiste, songeur, "La Promesse Verte" est un drame qui ne laisse pas indifférent dans sa manière de traiter la question épineuse et contradictoire de l’exploitation des ressources de notre planète, jusqu’à la détruire à petit feu. Et cela même dans le cas ici de carburant vert, que l’huile de palme n’est aucunement, laquelle est ainsi responsable de déforestation, d’expropriation, de la disparition de nombreuses espèces, ou encore de pollution. Cependant, son exploitation enrichit les industriels, ce qui laisse peu de place à la raison. Le film dénonce alors l’hypocrisie des soi-disant "biocarburants", des lobbies industriels, des politiciens, et donc de tous ceux qui y participent, et cela pour des intérêts davantage personnels que communs. Edouard Bergeon nous confronte alors à un système pernicieux qui tourne en rond, où tout le monde se jette la pierre, sans regarder plus loin que le bout de son nez, quitte à y trouver son intérêt personnel, en témoigne la position de bouc émissaire politique que représente finalement ici le personnage de Félix Moati.
Si on se retrouve alors captivé par ce thriller écologique, ce dernier s’éloigne tout de même de sa question initiale, sur laquelle la notion de justice bafouée prédomine. Le scénario de cette enquête très écrite joue alors la carte du suspense, avec des seconds rôles prononcés, mais archétypes, permettant à celle-ci d’avancer avec incertitude, jusqu’au dénouement, peu réjouissant, mais d’autant plus intéressant qu’il invite à continuer le combat. Mais il s’agit avant tout ici de celui d’une mère (Lamy, sans maquillage et engagée) pour sauver son fils du couloir de la mort, plutôt que d’un plaidoyer nerveux contre l’usage de l’huile de palme. Cependant, les dialogues à son égard, et les conséquences de son exploitation ne laissent aucun doute quant au danger qu’elle représente, tandis que vous vérifierez dorénavant à deux fois les étiquettes des produits que vous achèterez, bien qu’elle soit (déjà) partout...