Genre : Comédie dramatique
Durée : 119’
Acteurs : Fanny Ardant, Mathieu Kassovitz, Nicolas Duvauchelle, Laetitia Dosch, Ben Attal, Michel Vuillermoz...
Synopsis :
Rachel, sorte de Ma Dalton, a élevé ses fils Sam et Jérémie, et son petit-fils, Nathan, dans le culte de l’arnaque. De plans foireux en petits larcins, cette sympathique famille de bras cassés court toujours après le gros coup. Chance ou fatalité, lors d’un cambriolage, ils volent sans en connaitre sa valeur, une toile de Tamara de Lempicka. Céleste, une détective rusée et charmeuse, et Gauthier, son fidèle acolyte, se lancent à leur poursuite...
La critique de Julien
Sept ans déjà que le réalisateur Thierry Klifa n’avait plus réalisé pour le cinéma, son dernier film en date étant le polar "Tout nous Sépare", porté par Catherine Deneuve, Diane Kruger, le rappeur Nekfeu, ainsi que par Nicolas Duchauvelle, tandis qu’il avait réalisé entre-temps le documentaire "André Téchiné, cinéaste insoumis" (2019). Présenté en clôture du dernier Festival du Film Francophone de Namur, sa nouvelle réalisation, "Les Rois de la Piste", est sans aucun doute l’un de ses films les plus réussis, empreint de légèreté, de comédie et d’amour, autour d’une irrésistible famille fantasque composée de bras cassés, laquelle vit, de génération en génération, d’arnaques, de petites combines, et de débrouille. Le genre de famille qui sort donc de l’ordinaire, où l’on s’aime et se déteste en même temps, où l’on est unis et individualiste, mais où l’on ne pose pas de congé ! Emmenée par une matriarche "toxique" haute en couleur (Fanny Ardant), cette dernière verra son petit-fils Nathan (Ben Attal) être emprisonné à la suite d’un cambriolage qu’elle a organisé, alors que Sam, le père de ce dernier, s’en sortira (Mathieu Kassovitz), au même titre que son oncle Jérémie (et frère de Sam, joué par Nicolas Duvauchelle), lequel est quant à lui reparti avec une célèbre toile de Tamara de Lempicka, d’une valeur de cinq millions d’euros, laquelle est convoitée par Madonna en personne. Alors que tous les membres de la famille Zimmermann se seront séparés après ce casse, Nathan, sans avoir dénoncé personne, écopera de cinq ans de prison, mais en sortira au bout de trois, tandis que ni son père ni sa grand-mère ne lui auront donné signe de vie durant son incarcération, que ça soit par honte et autoprotection. Une détective privée, Céleste (Laetitia Dosch), sera alors engagée par l’inspecteur de police Boyer (Sébastien Houbani), afin de mener l’enquête, et ainsi retrouver ledit tableau, avec l’aide de son complice Gauthier (Michel Vuillermoz)...
Si "Les Rois de la Piste" laisse place à une enquête policière déguisée et tarabiscotée en parallèle des retrouvailles houleuses entre les Zimmermann, le film de Thierry Klifa est surtout un prétexte pour mettre en scène l’histoire d’une famille pas comme les autres, et de surcroît très attachante. Et cela n’est guère étonnant de retrouver ici aux crédits du scénario du film un certain Benoît Graffin (avec qui Thierry Klifa travaille pour la première fois), lui qui a beaucoup travaillé avec Pierre Salvadori, dont sur son superbe "En Liberté !" (2018). Et autant dire que les personnages, et "rois de la piste", sont magnifiquement dessinés, joués, et développés. Fanny Ardant, tout d’abord, dans le rôle d’une Ma Dalton entraînant les siens dans des plans foireux, laquelle n’a peur de rien, et surtout pas des conséquences, tout en aimant ses enfants avec passion. Aventureuse, perspicace et n’ayant pas la langue dans sa poche, l’actrice est splendide dans les tenues de cette femme charismatique au parler si particulier. Il y a bien évidemment Mathieu Kassovitz, dans la peau d’un père à qui "le bonheur ne réussit pas", n’ayant plus vu son fils depuis trois ans, très anxieux à l’idée de le retrouver, lequel vit avec la terrible sensation de l’avoir abandonné le soir où tout a basculé. Se nourrissant d’anxiolytiques, ce dernier travaille depuis comme agent de la sécurité dans un casino, tandis qu’il y rencontrera une certaine Nelly, à qui il va, de fil en aiguille, se livrer. Or, Mathieu Kassovitz est également formidable et terriblement généreux dans le rôle de ce père abîmé, s’étant privé de tout à l’idée de savoir son fils en prison, et victime malgré lui de bouffées d’angoisses. L’acteur est la plus belle surprise de ce film ! Quant à Nicolas Devauchelle, il retrouve ici Thierry Klifa sous les traits très féminins d’un homme mal dans sa peau, ayant alors disparu avec ledit tableau, et fuit sa condition de Zimmerman, pour la vie qu’il avait toujours désirée. Enfin, Ben Attal (avec la voix de son père) complète ce portrait de famille d’exception, lequel souhaite rattraper le temps perdu, et retrouver ainsi "son" Tamara de Lempicka, pour lequel il a payé cher... Quant à Laetitia Dosch (qui fait de "la retape dans les salles de jeux") et Michel Vuillermoz, ces derniers se livrent à un magnifique cinéma, prêts à tout pour retrouver l’œuvre d’art volée, qui, aux dernières nouvelles, étaient entre les mains de Jérémie. On n’en dira pas plus les concernant afin de ne pas gâcher la surprise.
On adore dès lors suivre les péripéties de cette tendre famille, entre règlements de comptes, regrets, pardon, rédemption, et mélancolie. Or, on ne s’attendait pas à autant de justesse de propos et de sentiments au sein des relations complexes d’amour/haine que le film propose au travers de cette famille, tandis que les dialogues, eux, ne passent pas inaperçus. Et quand bien même son déroulé policier tire en longueur, mais ne manque pas de rebondissements et de quiproquos, l’ensemble entre rapidement en piste, et ne nous lâche pas d’une semelle, notamment par l’émotion qu’il dégage, portée par la douce composition musicale d’Alex Beaupain, mais surtout par la sincérité de ses acteurs, portant à bras-le-corps ces personnages atypiques. Bref, "Les Rois de la Piste" est une rafraîchissante et belle proposition de cinéma, dans la lignée des comédies de Jean-Paul Rappeneau, Philippe de Broca, et de Michel Berger. Rien que ça.