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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews sur la radio RCF Bruxelles (celle-ci n’est aucunement responsable du site ou de ses contenus et aucun lien contractuel ne les relie). Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques et en devient le principal rédacteur depuis 2022.

Julien Carpentier
La Vie de ma Mère
Sortie du film le 13 mars 2024
Article mis en ligne le 15 mars 2024

par Julien Brnl

Genre : Comédie dramatique

Durée : 105’

Acteurs : Agnès Jaoui, William Lebghil, Alison Wheeler, Salif Cissé, Noémie Zeitoun...

Synopsis :
Pierre, 33 ans, fleuriste à succès, voit sa vie basculer lorsque sa mère, Judith, fantasque et excessive, débarque dans sa vie après deux ans sans se voir. Pierre n’a qu’une idée, reprendre le cours normal de sa vie, mais rien ne se passe comme prévu. Leurs retrouvailles, aussi inattendues qu’explosives, vont transformer Pierre et Judith à jamais.

La critique de Julien

Dans "Ma Mère est Folle" (2018) de Diane Kurys, Vianney jouait pour la première fois au cinéma, face à nulle autre que Fanny Ardant, lesquels interprétaient un fils et sa mère fantasque éloignés, lesquels renouaient des liens au cours d’un road-trip inattendu. Dans "La Vie de ma Mère", beaucoup plus touchant, fin et profond que son homologue, ce sont les personnages de William Lebghil et d’Agnès Jaoui qui se retrouvent, le temps de l’évasion de cette dernière d’un établissement où elle est soignée pour sa bipolarité, alors que son fils, lui, avait fait le choix de ne plus aller lui rendre visite, payant les pots cassés des folies de celle-ci, et tirant dès lors un trait sur le passé afin de s’occuper de lui, et de se protéger...

Prix du public au Festival du Film Francophone d’Angoulême et au Festival 2 Cinéma de Valenciennes 2023, le premier film réalisé par Julien Carpentier s’appuie sur une partie de son histoire familiale, lequel connaît dans son entourage quelqu’un qui souffre de la même pathologie que le personnage d’Agnès Jaoui, soit ici la bipolarité, et sait donc ce que c’est de souffrir en silence, ou du moins du côté des personnes qui voient l’un de leurs proches touchés par la maladie, se sentant dès lors démunies face à elle. Le réalisateur libère alors la parole autour de la santé mentale ("Je ne fais pas exprès d’être comme ça, je ne m’en rends pas compte en fait.", dira cette maman à son fils, alors lucide sur sa maladie, et se sait donc maniaco-dépressive), touche sensiblement à la peur d’hérédité maladive, et égratigne poliment les conditions cliniques de patients enfermés contre leur gré, mais pour le bien de tous, tout en nous parlant bien évidemment d’amour maternel inconditionnel, porté alors par le très beau duo que forment William Lebghil et d’Agnès Jaoui. Si cette dernière, fantasque et exubérante, est particulièrement convaincante dans son rôle, tout en forçant parfois le trait et en faisant beaucoup (trop) de bruit, le premier brille d’autant plus, et campe un jeune homme d’une petite trentaine d’années, lequel s’est alors réfugié dans son travail de fleuriste, tout en se barricadant de ses propres sentiments. Pauvre en amour, Pierre ne parvient même pas à trouver les mots pour dire à sa meilleure amie (Alison Wheeler) qu’il l’aime plus que d’une simple amitié. L’acteur, qui dégage d’habitude beaucoup de luminosité et de sympathie, révèle dès lors ici une belle intensité dramatique, laquelle évolue crescendo vis-à-vis du travail intérieur que fait son personnage, lui qui, malgré la honte et la peine qui peuvent le traverser, va baisser la garde, et réapprendre à tendre la main à sa mère, comme si, quelque part, il lui redonnait une nouvelle chance...

Bien que la mise en scène de Julien Carpentier n’invente rien de nouveau, et surfe même sur une recette bien connue, où toute péripétie est bonne à offrir à ses protagonistes pour leur permettre de poursuivre leur folle virée, et ainsi de dialoguer, "La Vie de ma Mère" est un beau et tendre film, qui émeut alors par le jeu de ses acteurs en parfaite harmonie, mais aussi par la manière dont le metteur en scène pose justement son regard sur l’ensemble de ses personnages, et la manière dont il les met justement en scène, et cela jusqu’aux seconds rôles. En effet, certains plans clefs, très symboliques, sont absolument magnifiques, et en disent plus qu’ils n’en disent, en font plus pour ces personnages que des années de thérapie. L’écriture de ses dialogues joue aussi son rôle dans la réussite de ce métrage, lesquels vont jusqu’à la signification des choses, des mots, comme le prénom que ladite mère a donné à son fils à sa naissance, mais aussi celui de fleurs, elle qui a transmis sa passion à ce dernier, lequel en a fait son métier. On y ressent dès lors la peine, mais également l’espoir d’une paix retrouvée malgré l’incurabilité de la maladie, la renaissance de l’amour intact d’un fils pour sa mère. C’est un film auquel on a dès lors envie de faire une place (ce n’est pas pour rien si on y entend au karaoké le titre "Fais-moi une place" de Julien Clerc, 1990), et qui réchauffe le cœur autant qu’un couscous préparé en famille...



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