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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews sur la radio RCF Bruxelles (celle-ci n’est aucunement responsable du site ou de ses contenus et aucun lien contractuel ne les relie). Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques et en devient le principal rédacteur depuis 2022.

Sean Durkin
The Iron Claw
Sortie du film le 06 mars 2024
Article mis en ligne le 11 mars 2024

par Julien Brnl

Genre : Drame, biographie

Durée : 133’

Acteurs : Zac Efron, Jeremy Allen White, Harris Dickinson, Holt McCallany, Maura Tierney, Lily James, Stanley Simons...

Synopsis :
"The Iron Claw" est inspiré de l’histoire vraie de l’ascension et de la chute de la célèbre famille de catcheurs Von Erich. Sous la conduite de leur père Fritz, la fratrie inséparable composée de Kerry, Kevin, Mike et David bouleverse le haut niveau mondial du catch dans les années 80. Si tout va pour le mieux dans le ring, une véritable "malédiction Von Erich" semble régner sur la famille et la route vers la gloire éternelle se retrouve barrée par d’atroces tragédies familiales.

La critique de Julien

Inconnu dans nos contrées, cela faisait depuis longtemps que le cinéaste canadien Sean Durkin ("Martha Marcy May Marlene", "The Nest", sortis respectivement en 2011 et 2019) aspirait à raconter l’histoire tragique de la famille Von Erich, laquelle était une célèbre famille de lutteurs professionnels, alors intronisée depuis 2009 au WWE (World Wrestling Entertainment) Hall of Fame. Réputée comme "maudite" et ayant notamment connu la gloire grâce à leur "Iron Claw" (littéralement la "griffe de fer", qui est une prise de soumission par compression des tempes de l’adversaire), la famille était alors dirigée par le patriarche Fritz Von Erich, propriétaire de la World Class Championship Wrestling (WCCW), lequel a été triple champion du monde et 6 fois champion NWA des États-Unis, avant de préparer ses fils de 1979 au début des années 1990, afin de faire d’eux d’aussi grands champions. Sauf que le destin en aura décidé autrement...

Si "The Iron Claw" est un drame qui se déroule en milieu sportif et nous emmène précisément dans le monde de la lutte, il s’agit surtout ici d’une lente lutte d’enfants envers leur père (joué ici par Holt McCallany), lequel représente le patriarcat corrosif qui, s’il ne soumettait pas ses enfants à sa propre prise, exerçait bien une pression sur ces derniers, lui qui les a poussés à s’engager dans le catch et à se surpasser, et à ainsi faire briller leur nom de famille dans toute la discipline. Et bien que ses fils l’aimaient et croyaient dur comme fer en les dires de leur père, seul Kevin Von Erich a survécu à cette emprise destructrice, et dramatique. Et ce qui frappe tel un uppercut dans le scénario écrit par Sean Durkin lui-même, c’est la trajectoire de ce dernier, c’est-à-dire celle de dénoncer la masculinité toxique par le biais de ce patriarche, lequel réprimandait les émotions au sein de sa famille, et n’avait, semble-t-il, aucun scrupule à favoriser l’un de ses fils devant les autres, ou de leur dire ses préférences, lui qui ambitionnait ainsi pour son nom au travers du service que lui rendaient ses fils. Le film prend alors le parti-pris du point de vue de Kevin Von Erich, joué ici par Zac Efron (qui, pour faire taire les mauvaises langues, n’a pas fait de chirurgie esthétique, mais s’est brisée la mâchoire, d’où la transformation de son visage), souhaitant devenir le champion du monde de lutte poids lourd, afin de rendre fier son père. Dans le déni, ce dernier intériorisera alors ici la déception de celui-ci à son égard, sans cesse effrayé et rabaissé malgré son dévouement à toute épreuve. Inquiet quant à la fameuse "malédiction" de la famille Von Erich (Fritz a pris le nom de famille de sa mère, laquelle aurait subi des malheurs dans sa vie), Kevin ira même jusqu’à abandonner son épouse Pam (Lily James) et leur nouveau-né Ross, d’ailleurs baptisé Ross Adkisson (d’après le vrai nom de famille son père), de peur que ladite malédiction se répande jusqu’à eux, avant d’ouvrir les yeux face aux drames se jouant devant, et d’oser sortir (tardivement) de l’impasse, à l’égard de son père ; la véritable malédiction de la famille...

Tandis que le film est soutenu par Kevin Von Erich lui-même, "The Iron Claw" est également porté par les prestations exemplaires de Jeremy Allen White (Carmen "Carmy" Berzatto dans la série "The Bear"), Harris Dickinson et Stanley Simons, tous trois dans la peau d’un des enfants Von Erich, bien que l’un d’eux - Chris Von Erich - manque à l’appel, sous prétexte que cela aurait alors alourdi la durée du film (lequel a pourtant connu aussi une terrible fin). La beaucoup trop rare Maura Tierney (Abby Lockhart dans la célèbre série "Urgences") vient alors compléter le portrait de famille dans le rôle de la matriarche, alors quelque peu vide, renfermée dans le chagrin, et Jésus-Christ, à qui elle ramène d’ailleurs tout dans l’éducation de ses enfants, tout en n’intervenant aucunement dans le rapport exigeant que son époux entretient avec eux.

On est alors touché par cette fratrie et l’ensemble de ces personnages voués à la solitude, et à la perte, mais tout de même beaucoup moins par la figure nocive du père, pour lequel l’idéal égoïste du rêve américain n’a d’égal que le sacrifice, et peu en importe le sacrifice... Or, s’il y a bien une chose que fait le film de Sean Durkin, c’est d’installer une ambiance pesante et de plus en plus étouffante, à l’issue inéluctable, même si un espoir s’y dessine, à la sortie du ring. Et c’est d’ailleurs ce qu’on pourrait lui reprocher, c’est-à-dire de jouer sans doute trop sur le côté dramatique et répétitif de cette histoire martyrisante, tel un apitoiement, sans finalement raconter autre chose que la descente aux enfers des Von Erich. Le film contient aussi plusieurs inexactitudes historiques, en plus de ne jamais parvenir à véritablement marquer au fer rouge l’apogée de la famille dans la lutte, bien que les scènes de catch brillent ici par leur réalisme, lesquelles ont d’ailleurs été secondées par le catcheur professionnel Chavo Guerrero, Jr. On ressort alors particulièrement K.O. de ce film, sublimé par la photographie texane des années quatre-vingt de l’Hongrois Matyás Erdély, et la désillusion tragique qu’elle dépeint...



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