Genre : Biopic
Durée : 120’
Acteurs : Raphaël Personnaz, Doria Tillier, Jeanne Balibar, Emmanuelle Devos, Vincent Perez, Sophie Guillemin, Anne Alvaro...
Synopsis :
Paris, les années folles. Les oreilles de Maurice Ravel bourdonnent quand Ida, chorégraphe sensuelle et audacieuse, lui commande la musique de son prochain ballet. Tétanisé, Ravel ne sait plus où chercher l’inspiration. C’est en puisant dans ses souvenirs et en s’inspirant des femmes de sa vie que le compositeur créera sa plus grande œuvre : Le Boléro.
La critique de Julien
Anne Fontaine n’est jamais là où on l’attend. Fille d’un compositeur, professeur de musique et organiste à la cathédrale de Lisbonne lorsqu’elle était enfant, la réalisatrice et scénariste a baigné "toute" sa "vie dans une atmosphère musicale", d’ailleurs marquée par le "Boléro" joué dès 1979 au Ballet de l’Opéra de Paris dans la chorégraphie de Maurice Béjart dansée par le soliste Jorge Donn. Elle ressentait dès lors depuis longtemps le désir de mettre en scène un film sur la musique et la danse, tandis qu’elle savait peu de choses sur la personnalité corsetée de Maurice Ravel et la naissance de son œuvre la plus emblématique qu’est le Boléro. Librement adapté de la biographie de son auteur, et sobrement intitulé "Boléro", son film s’écarte alors parfois "de l’exactitude historique, notamment en ce qui concerne la vie personnelle du compositeur, et les conditions de la création du ballet Boléro à l’Opéra de Paris", pour alors "mieux exprimer la vérité du personnage", tel que nous l’apprend le dossier de presse du film, ce qui est en soi un étrange paradoxe, au service dès lors d’un métrage maniéré et romanesque, qui épingle furtivement la fin de vie de l’artiste (décédé d’un dérèglement neurologique en 1937) sur différentes notes...
Joué par le trop rare et amaigri Raphaël Personnaz, collant parfaitement à la peau de Maurice Ravel, entre sensibilité, mystère et sèche rigidité, "Boléro" pointe notamment l’impact du décès de la mère (Anne Alvaro) de Ravel sur sa vie, sa relation avec sa muse (et sans doute plus que ça) Misia Sert (Doria Tillier), mais aussi la remise en question de son œuvre ("je crois que je me suis surtout perdu dans ma propre musique" ; "la valse m’est soudain apparue étrangère", tel qu’on peut l’entendre dire à sa lucide amie pianiste et pédagogue de renommée internationale Marguerite Long, incarnée par Emmanuelle Devos), et surtout ici la naissance et la conception houleuse dudit "ballet à l’espagnole", qu’il voyait initialement comme "une ode à la modernité, une métaphore du monde mécanique", plutôt que charnel et érotique, et que lui commanda en 1927 son amie et mécène Ida Rubinstein (volcanique Jeanne Balibar, face au "volcan de glace", quant à elle n’ayant froid aux yeux, et non doublée lors des scènes de danse), ancienne égérie des Ballets russes de Diaghilev.
Construit autour des prémices de sa malade, et doté d’une mise en scène sensorielle et sonore (ressentir l’impression des sons de la mécanique d’une usine, écouter le son de la peau sur laquelle des gants glissent, etc.) secondée par la musique du pianiste Alexandre Tharaud, le film rend un juste hommage à l’artiste, faisant davantage parler la musique (tel qu’il le souhaitait) que lui-même, au travers dès lors d’une petite partie de son œuvre, ou encore des femmes de sa vie, mais avec un tempo qui n’est cependant pas aussi constant que celui du Boléro. Tandis qu’il ne s’écoulerait jamais plus d’un quart d’heure sans qu’on entende le Boléro quelque part dans le monde, tel que nous l’apprend le générique final, alors que celui d’ouverture nous en montre différentes interprétations à travers le monde, Anne Fontaine réalise là un film d’époque visuellement charmant, situé dans l’entre-deux-guerres, à la photographie soignée et colorée, et tourné en partie dans le Belvédère de Ravel à Montfort-Lamaury, pour encore plus d’authenticité. En ciblant ainsi son histoire sur une courte période de sa vie, et nous en apprend dès lors moins que la page Wikipédia de Ravel, tout en en faisant parfois de trop, à l’image de la scène finale, dans sa volonté démonstrativement évocatrice de marquer la pérennité de l’artiste, "Boléro" nous laisse en tête avec l’un des plus célèbres crescendo au monde, qu’Anne Fontaine ne transforme, hélas, pas ici en chef-d’œuvre de cinéma. Pour autant, son film n’en demeure pas moins une proposition, certes classique, mais respectueuse et honnête de l’insaisissable Maurice Ravel.