Genre : Science-fiction
Durée : 166’
Acteurs : Timothée Chalamet, Zendaya, Rebecca Ferguson, Josh Brolin, Austin Butler, Florence Pugh, Dave Bautista, Christophe Walken, Léa Seydoux, Souheila Yacoub, Stellan Skarsgard, Charlotte Rampling, Javier Bardem...
Synopsis :
Paul Atreides s’unit à Chani et aux Fremen pour mener la révolte contre ceux qui ont anéanti sa famille. Hanté par de sombres prémonitions, il se trouve confronté au plus grand des dilemmes : choisir entre l’amour de sa vie et le destin de l’univers.
La critique de Julien
"Celui qui contrôle l’épice contrôle l’univers". Et si "Dune : Partie Deux" était le "Mahdi", le "Lisan al Gaib" ou, en d’autres termes, le messie, l’Élu des salles obscures, leur amenant ainsi prospérité après un morne début d’année ? C’est tout le mal qu’on lui et leur souhaite ! Attendu depuis le mois de novembre étant donné son report à la suite des conflits de travail ayant historiquement touché Hollywood, la suite de "Dune" (2021) de Denis Villeneuve confirme en tout cas la promesse qu’il avait éveillée en nous, à la suite d’un premier épisode venant conjurer le sort des précédentes adaptations du roman de Frank Herbert (1965). Œuvre fondamentalement sensationnelle, le réalisateur était alors "parvenu à bâtir sur du sable une œuvre aussi bien imprégnée de son cinéma (et de ses fantasmes) que par celle dont il s’inspire", d’après nos dires. Or, cette suite débute aussitôt le générique de fin du précédent épisode, et en corrige même ce qu’on a pu lui reprocher, à savoir d’une part sa fin ouverte (!), et d’autre part ses longueurs, ne permettant pas, selon nous, à tenir pleinement en haleine les moins érudits de l’œuvre originale. Et autant dire que "Dune : Partie Deux" devrait combler les amateurs du genre, et du roman d’Herbert. Rien là de bien prophétique en soi, mais uniquement la prémonition du fruit amplement mérité de l’immense travail et de la passion que Denis Villeneuve, ses acteurs et son équipe artistique ont mis à l’œuvre pour nous livrer aujourd’hui un film épique et messianique digne de la meilleure science-fiction contemporaine.
Souvenez-vous. En l’an 10191 du Calendrier Impérial, le duc Leto Atréides (Oscar Isaac) recevait de l’empereur Shaddam IV le fief de la planète désertique Arrakis, également connu sous le nom de "Dune", alors prisée par l’Épice ; la substance la plus précieuse de l’Imperium, comme base de toute son économie. Le duc y emmena alors sa concubine Bene Gesserit (une sororité matriarcale de pouvoir politique, spirituel et religieux sans équivalent) Dame Jessica (Rebecca Ferguson), son jeune fils et seul héritier Paul (Timothée Chalamet) et ses soldats les plus loyaux, dont Gurney Halleck (Josh Brolin). Sauf que la Grande Maison Atréide allait y être décimée après une haute trahison complotiste, motivée par l’impitoyable Vladimir Harkonnen (Stellan Skarsgard) et ses sbires, dont son neveu Rabban (Dave Bautista) et ses troupes d’élite, les Sardaukars, alors que la Maison Harkonnen avait précédé les Atréides sur Arrakis et s’était enrichie pendant plus de quatre-vingts ans grâce à l’exploitation de l’Épice. Fuyant vers le désert, et nourrit jusque-là par des prémonitions l’y amenant à la rencontre d’une demoiselle guerrière Fremen (Zendaya), Paul se rendra alors avec sa mère enceinte dans le désert, jusqu’à ces derniers, soit le peuple autochtone de la planète, vivant terré au plus profond de celle-ci, dans l’attente du "Mahdi", soit le messie qui les libérera de l’oppression de l’Imperium. Or, après avoir gagné un duel rituel à mort face à un Fremen, Paul les rejoignit, avec pour objectif, tel que son père le souhaitait, d’apporter la paix, tandis que le naib (chef) de la tribu Fremen à Sietch Tabr, Stielgar (Javier Bardem), voyait en lui des signes avant-coureurs du "Mahdi"...
Dans "Dune : Partie Deux", le jeune homme, tout en préparant sa vengeance, va dès lors devoir s’accoutumer aux Fremen et à leurs méthodes, et faire ses preuves afin de gagner leur confiance, lequel deviendra ainsi un combattant Fedaykin (de l’arabe "Fedayin", "ceux qui sont prêts à se sacrifier"), et participera aux raids sur les récolteurs d’Épice Harkonnen. En parallèle, il nouera une relation avec Chani, la demoiselle de ses précédentes visions, lesquelles se sont depuis transformées en celles d’une guerre sainte. Paul Muad’Dib [1] Usul [2] Atréides, en atteignant un sens plus clair du passé et du futur, devra dès lors faire des choix pour empêcher un terrible futur que lui seul semble pouvoir prédire...
Bien plus soutenu que son prédécesseur, "Dune : Partie Deux" est sans doute ce que l’on fait de mieux en matière de divertissement à Hollywood. Car on replonge avec énormément d’attente et d’excitation à Arrakis, que Denis Villeneuve et le directeur de la photographie Greg Fraser mettent en scène avec une nuance de couleurs crépusculaires absolument sublimes. La planète Dune brille ici de mille feux, tandis que d’autres scènes stériles contrebalancent avec des nuances de noir et blanc absolument dantesques, et on pense là à la séquence d’anniversaire en mode gladiateur de Feyd-Rautha (Austin Butler, méconnaissable dans la peau de l’autre neveu de Vladimir Harkonnen, remplaçant au pied levé l’incompétence de Rabban), filmée avec des caméras infrarouges spécialement conçues pour l’occasion. De nombreuses scènes sortent alors du lot, notamment la chevauchée par Paul du plus gros Shai-Hulud qui n’ait jamais existé, lesquelles participent alors au spectacle que nous offre cette seconde partie, encore plus ambitieuse et généreuse que l’était la partie une. C’est que Denis Villeneuve a eu ici champ libre, et ne s’est donc pas gêné. L’auteur nourrit alors son film de toute l’aura et la mythologie du roman de Frank Herbert, et nous parle succinctement de réalisation de soi, de destinée, de foi, d’exploitation humaine, d’une lutte de pouvoir, de puissance nucléaire, mais aussi d’amour impossible. Oui, ce blockbuster d’auteur est quelque part un miroir funeste, mais heureusement rempli d’espoir, de notre époque, mais que son casting porte finalement autant sur ses épaules que la réalisation en elle-même. Car bien que certains des nombreux personnages du film n’aient droit ici qu’à quelques dialogues à l’économie, chacun d’eux a ici un rôle prépondérant à jouer, faisant écho aux précédents événements, au présent déterminant, ou au futur de l’Imperium, que l’intrigue installe déjà, étant donné certaines conséquences en attente, ou du moins en suspens... Chaque acteur est ici impliqué avec intensité, parmi lequel on trouve évidemment Timothée Chalamet, lequel prend ici du galon, et offre à Paul Atréide une remarquable transformation. Et si chacun d’eux est donc exceptionnel dans sa partition, Javier Bardiem, Dave Bautista et Austin Butler retiennent tout particulièrement notre attention.
Si l’ensemble manque très certainement d’émotion, mais pas de conviction, tout en étant porté par une musique moins prédominante que d’accoutumé signée Hans Zimmer, "Dune : Deuxième partie" est beaucoup plus fluide et grandiose dans sa réalisation que l’était "Dune : Partie Une", et manie avec efficacité les prises de vues réelles et les effets numériques, quant à eux impressionnants et parfaitement exécutés. On sent l’entreprise maîtrisée d’un bout à l’autre, et chaque plan pensé pour servir les propos intéressants, et jamais redondants du film. L’articulation, et donc le montage de Joe Walker nous bluffe dès lors, et nous donne l’envie, voire nous fait ressentir le besoin de voir la suite. Et quand bien même certains passages semblent couper court par rapport à d’autres, il ressort de ce "Dune" un équilibre plus solide, qui fait plaisir à voir, et qui s’apprécie sur toute la longueur de cette œuvre solennelle et monumentale. On s’impatiente donc déjà d’en découvrir ainsi le troisième - et dernier volet, lequel devrait s’intituler "Dune Messiah". Car nul doute que celui-ci verra le jour étant donné l’engouement que soulève cette suite immensément attendue, et à hauteur des espérances. En attendant, on se redélectera au cinéma de "Dune : Partie Deux" !