Genre : Drame
Durée : 112’
Acteurs : Marc-André Grondin, Yves Jacques, Louis Champagne, Anne-Elisabeth Bossé, Blandine Bury...
Synopsis :
Heureux et accompli, Ellias devient le nouveau directeur artistique d’une célèbre maison de Haute Couture française. Quand il apprend que son père, qu’il ne voit plus depuis de nombreuses années, vient de mourir d’une crise cardiaque, Ellias se rend au Québec pour régler la succession. Le jeune créateur va découvrir qu’il a hérité de bien pire que du cœur fragile de son père.
La critique de Julien
C’est peu dire que nous attendions la nouvelle réalisation de Xavier Legrand au tournant, tant son premier film, "Jusqu’à la Garde" (2018), nous avait tétanisés, en plus d’avoir notamment remporté tout légitimement le César du Meilleur film en 2019. Tandis qu’il a notamment participé à la campagne d’appels à témoignage pour la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE) et coréalisé la mini-série télévisée "Tout va Bien" (2023), le cinéaste revient aujourd’hui au cinéma avec "Le Successeur", librement inspiré du roman d’Alexandre Postel, "L’Ascendant" (2015). Et si son précédent film nous avait donc particulièrement secoués, on ne pourra malheureusement pas en dire autant de son deuxième essai, malgré son haut potentiel...
Après avoir traité des violences conjugales, le réalisateur met ici en scène l’héritage insoupçonné du poids et des horreurs du patriarcat, en la personne du père d’un jeune directeur artistique d’une célèbre maison de Haute Couture française. En effet, Ellias Barnès (Marc-André Grondin, révélé dans "C.R.A.Z.Y." de Jean-Marc Vallée), le "nouveau prince de la mode", va découvrir qu’il a bien plus hérité de son père que d’un cœur fragile, lequel devra d’ailleurs inopinément retourner au Québec pour s’occuper de la succession de son père, lui qui vient de mourir d’un arrêt cardiaque. Entre le tri dans ses affaires, l’organisation des obsèques, ou encore la revente de sa voiture et de sa maison, le jeune homme sera aussi confronté aux sentiments enfouis revenant à la surface, lequel avait une relation conflictuelle avec son paternel, lui qui il a "tout fait pour ne pas lui ressembler", tandis qu’un voisin (Yves Jacques) quelque peu intrusif, et ami de son père, cherchera à entrer en contact avec lui. Mais Ellias connaissait-il vraiment son père ? Il ne lui faudra pas longtemps avant de le découvrir...
Avec sa bande-annonce anxiogène qui n’en dévoile - fort heureusement - rien quant à la rapide découverte et chute à laquelle sera confronté son personnage principal, "Le Successeur" est un thriller poussivement inéluctable qui met tout instantanément dans l’ambiance, notamment grâce à la musique électronique branchée de SebastiAn, rythmant froidement un défilé de mode circulaire (comme celui que l’on peut voir sur le crâne de l’acteur principal sur l’affiche du film). Car on sent dans ce retour tendu au pays natal quelque chose de louche doucement se révéler, quelque chose de fataliste, comme une tumeur incurable, au même qu’Ellias semble de plus en plus victime de maux dans la poitrine. Le suspense retient alors notre souffle jusqu’à la garde, avant de retomber comme un soufflé. Car si on comprend le désarroi auquel Ellias sera confronté face à l’impensable, force est de constater que ses réactions n’auront aucun sens, tandis que s’ensuivra un effet boule de neige absolument improbable, et de surcroît dommageable pour le couturier et sa carrière. Car le hasard ne fera pas si bien ici les choses ; que du contraire !
Sorte de tragédie grecque de prime abord virtuose, "Le Successeur" prend alors une tournure d’une noirceur indélébile et d’une ironie malaisante, d’actualité, mais ne tenant malheureusement pas la route, et refermant aussitôt les portes ouvertes... Or, ce n’est pas faute pour Xavier Legrand de pouvoir compter sur le charisme de son acteur Marc-André Grondin, lequel se donne à cent pour cent dans son rôle. Mais l’écriture irréaliste des actions de son personnage et les poussives péripéties dans lesquelles il se retrouve ici ne nous aident aucunement à avoir de l’empathie pour ce dernier, mais plutôt à lever les yeux au ciel. Le film s’enfonce alors dans un grand n’importe quoi, malgré de très bonnes idées dans l’absolu, comme une terrible scène de funérailles (où les paroles de la chanson de Michel Fugain "Fais Comme l’Oiseau" résonnent cyniquement), où d’autres révélations viendront encore plus changer à jamais le destin d’Ellias. Dommage alors que les rouages du mécanisme implacable de ce drame reposent malencontreusement sur de mauvais coups du sort... Bref, c’est typiquement le genre de film qui nous fait regretter de s’être rongé les ongles !