Genre : Thriller
Durée : 118’
Acteurs : Emilia Jones, Nicholas Braun, Geraldine Viswanathan, Isabella Rossellini, Hope Davis...
Synopsis :
C’est l’histoire d’un garçon qui rencontre une fille. Ou plutôt... d’un homme qui rencontre une fille. Margot, étudiante, fait la connaissance du trentenaire Robert à la caisse du cinéma dans lequel elle travaille. Ils flirtent, échangent leur numéro et les messages ne tardent pas à fuser. Margot trouve Robert spirituel et drôle mais aussi maladroit et énigmatique. Cependant, au fur et à mesure de leurs rendez-vous, la dynamique change. Margot ne sait plus si elle trouve Robert mignon ou menaçant. Que sait-elle vraiment de lui ? Sa méfiance passe à la vitesse supérieure. Celle de Robert aussi... avec des conséquences dramatiques. D’après la nouvelle à succès du New Yorker.
La critique de Julien
Basé sur la nouvelle du même nom publiée dans le magazine The New York par Kristen Roupenian en 2017, "Cat Person" est un thriller psychologique dans l’air du temps, réalisé par Susanna Fogel, laquelle est connue pour avoir coécrit la comédie à succès "Booksmart" et réalisé "L’Espion qui m’a Larguée" (2018). Tandis qu’elle mettra en scène cette année-ci l’histoire de Reality Winner (comme l’a fait l’année dernière Tina Satter dans "Reality") avec l’actrice Émilia Jones (découverte dans la série Netflix "Locke ans Key"), la réalisatrice la dirige déjà ici dans le rôle de Margot, vingt ans, une étudiante en deuxième année à l’université, laquelle travaille dans un cinéma local, et vit en coloc avec son ami Taylor (Géraldine Viswanathan), ayant tendance à voir le pire chez les hommes. La demoiselle commencera alors à sortir avec un fréquent visiteur dudit cinéma, Robert (Nicholas Braun). Les tourtereaux s’échangeront alors leurs numéros. Rapidement, le trentenaire se révélera maladroit, quelque peu collant, intéressant, énigmatique, et de surcroît fan d’Harrison Ford. La demoiselle, elle, se fera rapidement - et littéralement - des films, sans suivre les conseils en matière de relation de pouvoir avec l’homme de son amie paranoïaque. La relation des jeunes amoureux prendra d’ailleurs une inquiétante tournure, entre messages et attitudes douteuses. Robert a-t-il ainsi réellement deux chats, ou est-ce une ruse pour paraître moins menaçant ? Le connaît-elle vraiment ? Margot doit-elle succomber à ses pulsions ou écouter sa raison ? A-t-elle le droit de se raviser et dire non à Robert après avoir poussé les choses ?
Quel étrange film que ce "Cat Person", lequel est un thriller psychologique contemporain déguisé en comédie romantique, questionnant alors les relations toxiques homme-femme, nourries par la peur de l’autre, de l’inconnu, de dire "non", notamment face aux représailles, et cela à l’ère du mouvement #MeToo, du délitement des langues qui s’en est suivi, et cela dans un monde qui pointe systématiquement du doigt, et part même en croisade contre n’importe qui (semble) se comporte(r) mal à l’égard de la femme ou de l’homme. Susanna Fogel illustre également l’impact des écrans sur nos vies, où la télévision et les réseaux sociaux nous font interpréter et croire des choses qui ne sont pas réelles, mais qui influencent durablement notre façon de penser et d’agir. Car la méfiance que va développer ici l’héroïne vis-à-vis de son partenaire est digne d’un (réel) cauchemar. Mais est-il seulement justifié ?
À sa faveur, le film use à bon escient d’une mise en scène hallucinatoire, voire fantasmée, Margot s’imaginant elle-même se faire attaquer ou poursuivre en rue par ledit garçon qu’elle ne connaît pas encore très bien, comme si son subconscient cherchait (déjà) à l’effrayer ou à la mettre sur ses gardes. Ainsi, les scènes d’absences de la demoiselle dans des scénarios violents alors qu’elle se tient au même moment à côté du principal intéressé, ou encore celle du passage à l’acte consenti - bien que très malaisant - reflètent particulièrement l’idée d’entre-deux dans lequel la demoiselle se retrouve, ne sachant pas quoi faire, mais surtout ne pas blesser son conjoint. Cette n’est d’ailleurs pas pour rien qu’elle ne cesse jamais de s’excuser, elle qui va même jusqu’à se parler à soi-même pour se rassurer, via son double, lequel lui parle depuis le coin de la pièce pendant qu’elle est en train de faire l’amour avec Robert, et essaie alors de la convaincre de lui dire qu’elle a finalement changé d’avis. Perturbant !
"Cat Person", c’est un film surprenant, qui parle du rapport difficile et complexe entre les sexes, mais plus globalement du manque de communication au sein d’une relation, campée ici par deux épatants acteurs, Émilia Jones et Nicholas Braun, indirectement responsables de ce qui va leur arriver. Susanna Fogel et le directeur de la photographie Manuel Billeter usent alors d’artifices qui sèment d’autant plus le doute, l’interrogation, la démesure. Le jeu de lumière, lugubre et rougeâtre, les décors cliniques de la coloc ou encore du cagibi de la salle de classe installent alors une ambiance anxiogène, tandis que la musique originale et tendue d’Heather McIntosh y participe également. C’est un étonnant mélange des genres auquel on ne s’attendait pas, et qui déstabilise dans sa manière de jouer avec le feu...
Si on avait donc tendance à dire que "Cat Person" est une très bonne surprise, c’est malheureusement au détriment de la dernière partie du film, qui se termine en eau de boudin, reposant alors sur de malheureux et improbables hasards poussifs, venant même desservir les propos du film. Cela dit, le plaisir et l’embarras contradictoires que procure ce film le font sortir de l’ordinaire, lequel dit bien des choses vraies sur notre manière de voir, d’appréhender et redouter l’individu, ici du sexe opposé...