Genre : Drame
Durée : 127’
Acteurs : Mads Mikkelsen, Amanda Collin, Simon Bennebjerg, Kristine Kujath Thorp, Gustav Lindh, Jacob Lohmann, Magnus Krepper...
Synopsis :
1755, Danemark. Le capitaine Ludvig Kahlen s’est fixé pour objectif de rendre les landes danoises sauvages habitables afin d’y établir une colonie au nom du roi Frédéric V. En échange, il attend un titre royal accompagné d’honneurs et de richesses. Cependant, Kahlen a rapidement un ennemi sur place. En effet, selon l’impitoyable propriétaire terrien Frederik de Schinkel, le terrain est déjà en sa possession. Lorsque De Schinkel découvre que deux de ses ouvriers se sont échappés pour rejoindre Kahlen, il jure de se venger. Kahlen ne se laisse pas intimider et entre dans la mêlée, au péril de sa vie et de celle de sa communauté naissante.
La critique express de Julien
Candidature officielle danoise pour le titre de meilleur long métrage en langue étrangère lors de la 96e cérémonie des Oscars (sans pour autant faire partie de la short list finale), "King’s Land" est un drame épique se situant dans les landes danoises du milieu des années 1700, tout en étant basé sur l’histoire "The Captain and Ann Barbara" (2020) écrite par Ida Jessen. Et c’est évidemment à Mads Mikkelsen que le réalisateur Nikolaj Arcel a offert le premier rôle, lequel joue ici Ludvig Kahlen, un officier danois modeste de naissance, prenant sa retraite après 25 ans de service dans l’armée allemande, mais ayant un projet de grande ampleur dans la tête. Bénéficiant d’une maigre pension, celui-ci souhaite, en effet, la mettre à profit pour construire une propriété sur la lande du Jutland, afin d’y cultiver la pomme de terre, ce qui serait une première sur ces terres sauvages, arides et reculées. Ayant alors obtenu l’autorisation de la Cour royale, ce dernier espère y établir une colonie au nom du Roi et, en échange, obtenir un titre de noblesse, ainsi qu’un manoir associé. Sauf que l’ambitieux projet de Kahlen sera vu d’un mauvais œil par Frederik de Schinkel (Simon Bennebjerg), un riche seigneur et magistrat foncier s’accaparant la propriété de la lande, lequel fera tout pour faire obstacle à Ludvig...
De facture classique, "King’s Land" est un film qui a pour paysage des décors comme on n’a pas l’habitude d’en voir au cinéma, à une époque lointaine, soit dans le Danemark du milieu du dix-huitième siècle. Mais c’est bien un Mads Mikkelsen charismatique qui est ici de tous les plans. Et l’acteur en impose dans son rôle, lequel évolue au grès des nombreuses déconvenues auxquelles il fera face ("rien ne se passe jamais comme prévu, lui dira-t-on), tandis qu’il sera amené à briser sa carapace émotionnelle, de prime abord impénétrable, et cela au contact de magnifiques personnages féminins (interprétés par Amanda Collin et Melina Hagberg). Car s’il emprunte au western, le film de Nikolaj Arcel est bien un drame à la fois rude et (très) romanesque, qui se suit par la force et l’efficacité de son écriture, tout comme par le jeu de ses acteurs, dans la peau de personnages qui dégagent des émotions d’une puissance folle, confrontés d’une manière ou d’une autre une multitude de notions extrêmes, comme le sacrifice, la trahison, l’amour, la superstition, l’intimidation, la vengeance, la torture, la rancœur, la jalousie, la folie... Les liens indéfectibles qui se construisent dès lors entre ses personnages principaux se révèlent alors dignes et évocateurs des plus grandes histoires du cinéma, tandis qu’on adore aussi détester son impitoyable antagoniste sans scrupule, car menacé de son piédestal, et joué par un épouvantable Simon Bennebjerg. Le combat de coqs obsessionnel que s’y livrent ce dernier et Mads Mikkelsen est dès lors passionnant d’un bout à l’autre de ce film, lequel est une violente lutte acharnée pour la survie, ainsi que des classes, chacune tentant respectivement d’assouvir son pouvoir ou de prétendre légitimement à en obtenir. Mais à son désavantage, "King’s Land" pousse sans doute trop le curseur de l’intensité, en appuyant encore plus là où ça fait mal envers son tiraillé et taiseux héros. Pourtant, au bout d’un moment, on comprend les choses, d’autant qu’on se doute comment toute cette histoire va finir...
Dans l’absolu, "King’s Land" est une épopée dans laquelle on plonge donc corps et âme, et de laquelle on ressort avec la satisfaction d’avoir vu un grandiose divertissement objectivement qualitatif. C’est ce qu’on appelle du beau et grand cinéma, alors situé à des années-lumière de la précédente réalisation du cinéaste Nikolaj Arcel, qu’était "La Tour Sombre" (2017), adapté de la série de romans du même nom de Stephen King. Retrouver ses terres lui a été plus que bénéfique ! Et tant mieux pour nous, spectateur !