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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews sur la radio RCF Bruxelles (celle-ci n’est aucunement responsable du site ou de ses contenus et aucun lien contractuel ne les relie). Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques et en devient le principal rédacteur depuis 2022.

Matteo Garrone
Moi, Capitaine (Io Capitano)
Sortie du film le 10 janvier 2024
Article mis en ligne le 1er février 2024

par Julien Brnl

Genre : Drame

Durée : 124’

Acteurs : Seydou Sarr, Moustapha Fall, Issaka Sawadogo, Bamar Kane, Hichem Yacoubi, Oumar Diaw...

Synopsis :
Seydou et Moussa, deux jeunes sénégalais de 16 ans, décident de quitter leur terre natale pour rejoindre l’Europe. Mais sur leur chemin les rêves et les espoirs d’une vie meilleure sont très vite anéantis par les dangers de ce périple. Leur seule arme dans cette odyssée restera leur humanité.

La critique de Julien

Récompensé à la dernière Mostra de Venise du Lion d’argent du meilleur réalisateur et du prix Marcello Mastroianni du meilleur espoir pour Seydou Sarr, "Io Capitano" est la nouvelle réalisation du cinéaste italien Matteo Garrone, lequel, après avoir adapté le roman "Pinocchio" (2020) de Collidi, s’empare du sujet de l’immigration irrégulière, et en l’occurrence ici de celle des africains du Nord, en la personne de deux sénégalais mineurs, dans l’espoir d’une vie meilleure, en Europe, par les routes de la Méditerranée centrale...

Concourant pour l’Oscar du meilleur film en langue étrangère, cette co-production belge parlée en wolof est un subtil et puissant drame qui s’inspire de réels récits d’émigration, et tout particulièrement de celui de Fofana Amara, 15 ans à l’époque, ayant ainsi quitté, un soir de 2013, sa Guinée natale. Aujourd’hui épanoui en région liégeoise, ce jeune homme avait, en effet, entreprit un voyage vers ses rêves, avant de vivre un enfer encore plus grand que celui de la pauvreté, lui qui a notamment été esclave en Libye. C’est pourtant à lui que 250 personnes lui doivent la vie, lequel a mené à destination au cours de son périple un bateau de pêcheur jusqu’en Italie...

Et c’est de manière immersive et sans passer par quatre-chemins dans sa mise en scène que Matteo Garrone raconte cet éprouvant récit saharien, sans pour autant jouer la carte du sensationnel, en étant ainsi totalement dédié à son jeune héros. Joué par le touchant et déterminé Seydou Sarr, "Io Capitaine" nous montre d’ailleurs un autre regard sur les migrants, soit celui de héros, dont on a trop vite fait de juger, ou de catégoriser. Pourtant, en voyant les images tristement répétitives de migrants à la télévision, ou de leur sauvetage en mer, on ne peut s’imaginer, d’une part, ce qui les a profondément amenés à risquer leur vie, mais surtout ce qu’ils ont dû endurer pour parvenir à traverser la Méditerranée, soit depuis le moment où ils ont quitté leur maison. Car dans le cas du jeune personnage principal de cette épopée, la traversée maritime à bord d’une embarcation de fortune ne représente qu’une infime partie du chemin (entre esclavagisme, torture, travail forcé, etc.), et sans doute pas la dernière...

Sublimé par une photographie désertique et aride, les paysages que traversent les jeunes hommes et de très nombreux autres migrants nous mènent alors à la confrontation entre la beauté et la dangerosité des lieux. Pourtant, ce long et périlleux voyage laisse place à une forme d’onirisme et, quelque part, de poésie, face à l’horreur de la situation, et cela par le regard de Seydou, notamment lorsqu’il s’imagine pouvoir sauver une femme laissée mourante dans le désert par le groupe (car le passeur, lui, n’attend pas), celle-ci volant littéralement derrière lui, alors qu’il lui tient la main, et la ramène avec eux. "Io Capitano" est donc également, et de surcroît, porté par l’amour entre humains, l’espoir et la raison, ce qui permettra ici à ses sujets de surmonter les pires horreurs, et à ne jamais faire un pas en arrière, même si la question de savoir s’ils auraient dû rester chez eux les taraude à plusieurs moments. Et on les comprend, l’empathie étant manifestement au rendez-vous.

Tandis qu’il nous avait habitué à autopsier de l’intérieur son pays d’origine, Matteo Garrone nous montre alors en quoi il est une aspiration pour toute une Afrique de l’Ouest (dans ce cas), une ouverture vers l’Europe, vue comme une terre de liberté, loin de "toute" pauvreté. Mais surtout, le cinéaste, qui nous montre ici un autre point de vue de l’immigration, nous fait autant grandir que ses protagonistes, en nous ouvrant à de nouveaux horizons sur ce phénomène de masse qui existe depuis la nuit des temps, mais qui est pourtant on ne peut plus contemporain, et d’actualité, et qui nécessite plus que jamais aujourd’hui une remise en question et action urgente...



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