Genre : Comédie dramatique
Durée : 133’
Acteurs : Paul Giamatti, Dominic Sessa, Da’Vine Joy Randolph, Carrie Preston...
Synopsis :
Hiver 1970. M. Hunham est professeur d’histoire ancienne dans un prestigieux lycée d’enseignement privé pour garçons de la Nouvelle-Angleterre. Pédant et bourru, il n’est apprécié ni de ses élèves ni de ses collègues. Alors que Noël approche, M. Hunham est prié de rester sur le campus pour surveiller la poignée de pensionnaires consignés sur place. Il n’en restera bientôt qu’un : Angus, un élève aussi doué qu’insubordonné. Trop récemment endeuillée par la mort de son fils au Vietnam, Mary, la cuisinière de l’établissement, préfère rester à l’écart des fêtes. Elle vient compléter ce trio improbable.
La critique de Julien
On ne pouvait mieux terminer l’année ou commencer la nouvelle avec cette irrésistible comédie dramatique, signée Alexandre Payne, lequel retrouve pour l’occasion l’acteur Paul Giamatti, 19 ans après "Sideways". Car "Winter Break" est une douceur intelligemment bien écrite et réconfortante, laquelle plante son décor durant les deux semaines de congés scolaires des vacances d’hiver, en décembre 1970, dans une prestigieuse école de bonne famille et pensionnat de la Nouvelle-Angleterre, où trois individus diamétralement opposés vont devoir cohabiter, et donc apprendre à (mieux) se connaître, et donc par la même occasion à changer leurs perceptions... Il y a d’une part un professeur "loucheur" célibataire, sévère et mal-aimé de lettres classiques, Paul Hunham (Giamatti), et d’autre part Angus Tully (Dominic Sessa), l’un de ses étudiants irrévérencieux et fils à papa, pour qui la mère a préféré partir en lune de miel avec son nouveau beau-père plutôt que de l’emmener avec eux en vacances. Ces derniers seront alors nourris par l’administratrice de la cafétéria, Mary Lamb (Da’Vine Joy Randolph), restée également sur place, elle qui pleure la perte de son fils et ancien élève de Barton, mort au combat pendant la guerre du Vietnam. C’est donc l’histoire de trois personnes laissées seules pour Noël, lesquelles vont en écriture une nouvelle, ensemble...
C’est après avoir vu "Merlusse" (Marcel Pagnol, 1935) - dans lequel un professeur coriace (Henri Poupon) s’occupait d’élèves laissés dans un internat pendant les vacances de Noël et relevant le défi de mieux comprendre les garçons dont il avait la garde - qu’Alexander Payne a souhaité mettre en scène une telle histoire, lequel a pour cela sollicité le scénariste David Hemingson, lui avait déjà écrit un pilote pour une série allant dans ce sens. Or, en transposant les événements au début des années 1970, tout en tournant entièrement dans des décors naturels (avec de la vraie neige !), Alexandre Payne réussit là un tour de force avec ce film qu’on croirait réalisé à l’époque. De par sa cinématographie très léchée, ses couleurs désaturées, ses décors à l’esthétique des années en question, ses costumes, sa bande-originale entraînante, sa bande-son grésillante au son audio mono contrebalançant avec de la technologie sonore Dolby Atmos, ou encore par le simple graphisme rétro du logo dans son générique des studios qui le produisent, "Winter Break" est une petite merveille dont l’enveloppe corporelle nous donne à elle seule l’envie de nous y coller pour en partager sa chaleur. Et pourtant, son intrigue se déroule en plein hiver !
Et c’est avec autant de générosité et d’humanisme qu’Alexandre Payne ("Nebraska", 2013) dresse ici le portrait de trois oubliés, ou plutôt de trois "vestiges" ou "consignés" (le titre original du métrage est "The Holdovers"), lesquels vont donc être forcés de vivre ensemble pendant quinze jours, ce qui ne sera pas une partie de plaisir pour ces derniers, au contraire du spectateur. Malicieuse, parsemée de savoureux dialogues (ledit professeur remet les pendules à l’heure à ses élèves par l’usage acerbe de la litote en confrontant ainsi leurs plaintes quotidiennes de privilégiés aux conditions de vie passées à travers l’Histoire), touchante et fondamentalement empathique, cette histoire est un véritable cadeau de Noël/de nouvelle année. C’est typiquement le genre de film qui se regarde le sourire aux lèvres, tant on sent la bienveillance qui s’en dégage, l’amour du réalisateur et du scénariste pour leurs personnages, sans parler de son art doux-amer d’y parler de bons sentiments sans jamais les forcer, mais aussi subtilement des fractures sociales américaines de l’époque (toujours bien vides aujourd’hui), ou encore de rédemption, de deuil, de résolutions. Et même si l’on voit rapidement où cette histoire veut en venir, voir de nos yeux ces individus hétérogènes avancer ensemble, avec humour et émotion, dans leurs chemins respectifs tout en acceptant leurs failles, et en apprenant à vivre avec leurs traumatismes, est un joyau de tous les instants qui réchauffe le cœur.