Genre : Fantastique, science-fiction
Durée : 125’
Acteurs : Ryûnosuke Kamiki, Minami Hamabe, Yûki Yamada...
Synopsis :
Le Japon se remet à grand peine de la Seconde Guerre mondiale qu’un péril gigantesque émerge au large de Tokyo. Koichi, un kamikaze déserteur traumatisé par sa première confrontation avec Godzilla, voit là l’occasion de racheter sa conduite pendant la guerre.
La critique express de Julien
Il ne faut jamais oublier d’où l’on vient. 37ème long-métrage centré sur le célèbre monstre, "Godzilla Minus One" est le 33ème film produit par le studio Tōhō. Figure emblématique de la culture populaire, et cela depuis sa création en 1954 par Tomoyuki Tanaka et Ishir Honda, cette créature n’a jamais cessé d’inspirer le cinéma, en témoigne le récent Monsterverse de Warner Bros., produit par Legendary Pictures, justement en partenariat avec la Tōhō, et jusqu’à présent composé de cinq films, dont "Godzilla x Kong : le Nouvel Empire" d’Adam Wingard qui sortira en mars prochain, alors que la (décevante) série "Monarch : Legacy of Monsters" est actuellement diffusée sur Apple TV+. Imprégné par la peur du nucléaire dans un Japon traumatisé par les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, et faisant la part belle à l’émotion mélodramatique japonaise, ce film a la particularité de n’avoir été produit "que" pour 15 millions de dollars, ce qui est dérisoire au regard de ses cousins nord-américains, dont les budgets étaient compris entre 160 et 200 millions de dollars. Or, cette différence... de taille ne lui enlève en rien en qualité. Que du contraire !
Premier film nippon mettant en vedette ledit monstre depuis "Godzilla Resurgence (Shin Godzilla)" de Shinji Higuchi et Hideaki Anno, sorti 2016, "Minus One" est réalisé par Takashi Yamazaki, à qui l’on doit plusieurs adaptations cinématographiques d’animes, de romans et de mangas populaires. L’intrigue débute alors peu de temps avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, alors qu’un kamikaze, Kichi Shikishima (Rynosuke Kamiki), atterrit sur l’île d’Odo, feignant un problème technique, désertant ainsi son poste, afin de rester en vie. Mais le soir même, l’endroit sera attaqué par un monstre surnommé "Godzilla", détruisant les lieux. Envahi par la peur, le jeune homme ne parviendra même pas à tirer à l’aide des mitrailleuses de son avion posé au sol, lui qui sera jugé responsable de la mort de plusieurs soldats par le chef ingénieur en chef de la base, Tachibana (Munetaka Aoki), ayant de plus compris la supercherie du soldat quelques heures plus tôt... Un an plus tard, rongé par la culpabilité et le sentiment de ne pas avoir accompli son destin, Kichi n’aura d’autres choix que d’affronter les conséquences de la guerre, ayant décimé sa famille, et tout le quartier. Il hébergera alors dans les ruines de la maison familiale une femme qui vit dans la rue, Noriko (Minami Hamabe), ainsi qu’un bébé orphelin, Akiko. Tandis que Kichi deviendra dragueur de mines, Godzilla, lui, touché par les radiations issues des tests nucléaires réalisés par l’armée américaine dans l’océan Pacifique sur l’atoll de Bikini dans l’archipel des Marshall, grandira en conséquence, tandis qu’il se dirigera vers le Japon, détruisant sur son passage des navires militaires...
Loin de n’être qu’un divertissement XXL laissant toute la place à Godzilla, "Minus One" est avant tout un film de guerre, ce qu’il ne tarde pas à nous montrer, étant donné les premières minutes du film, où l’on découvre la mission-suicide de son personnage principal. En effet, fin 1944, l’état-major japonais recrutait des "unités spéciales d’attaque", dont le seul but était de se sacrifier sur l’ennemi (et leurs navires), telles des bombes humaines. Sauf qu’il préférera la vie au patriotisme morbide, et on le comprend, d’autant plus que la défaite était inéluctable pour les Japonais. Cette histoire se construit donc dans un contexte particulier, dans un Japon en ruine, soit un terrain de jeu propice pour Godzilla, alors que les forces armées du pays sont à néant, et que les États-Unis, en froid avec l’URSS, ne peuvent venir en aide au Japon afin de contrer la bête, ses citoyens ne pouvant ainsi compter que sur leur propre courage et celui des soldats (en s’appuyant sur les scientifiques), dont sur Kichi Shikishima, en quête de rédemption... L’émotion est également ici au rendez-vous, Takashi Yamazaki privilégiant également la reconstruction personnelle et familiale, étant donné la famille que formera Kichi avec Noriko et Akiko. Le scénariste et réalisateur réussit aussi à créer la surprise dans sa propre dramaturgie, avec un twist final intense. En résulte une larme à l’œil, inévitable, malgré l’extraversion des émotions. Dommage cependant que le rythme du film pâtisse de ses ruptures de ton, lui qui balance entre le drame, le film de guerre et de science-fiction. Certes, peut-être les enjeux et stratégies auraient-ils pu être plus condensés pour améliorer l’efficacité de l’ensemble. Car il faut bien dire que ce qu’on attend avant tout ici, c’est de voir Godzilla !
Outre ces qualités, "Godzilla : Minus One" met surtout une claque visuelle à ses cousins ricains. Au regard de son budget, force est de constater que Takashi Yamazaki et son équipe technique n’ont pas perdu un seul yen dans l’exécution du projet, étant donné des effets maniant très habilement le numérique, mais également le traditionnel, comme des maquettes et des marionnettes. Or, le résultat s’avère stupéfiant (malgré une photographie orangé-jaune pas très nette ni agréable), tandis que Godzilla, lui, apparaît plus gigantesque, monstrueux que jamais, avec un physique absolument dévastateur, en témoigne son effrayante gueule, et son regard qu’on n’aimerait pas croiser, lequel détruit tout sur son passage. Ainsi, la scène à Ginza (quartier chic de Tokyo) est absolument dantesque et époustouflante, et renvoie même à des visions horrifiques, Godzilla tuant des dizaines de milliers de personnes avec son rayon thermique bleu provoquant une explosion nucléaire effaçant la ville de la carte, tandis que l’affrontement naval final est bien le climax du film, mené tambour battant par l’excellente, entraînante et vrombissante musique de Naoki Sat, qui nous met dans l’ambiance, et nous fait profondément ressentir l’ampleur du spectacle qu’il nous offre. Et quel spectacle ! Or, il est fort à parier qu’on regrettera déjà "Minus One" dans quelques mois à la vue du prochain film du Monsterverse, "Nouvel Empire", alors qu’on peut y voir, dans sa bande-annonce, Godzilla y piquer improbablement un sprint devant King Kong...