Genre : Drame
Durée : 135’
Acteurs : Paolo Pierobon, Barbara Ronchi, Fabrizio Gifuni, Fausto Russo Alesi, Filippo Timi, Paolo Calabresi...
Synopsis :
En 1858, dans le quartier juif de Bologne, les soldats du Pape font irruption chez la famille Mortara. Sur ordre du cardinal, ils sont venus prendre Edgardo, leur fils de sept ans. L’enfant aurait été baptisé en secret par sa nourrice étant bébé et la loi pontificale est indiscutable : il doit recevoir une éducation catholique. Les parents d’Edgardo, bouleversés, vont tout faire pour récupérer leur fils. Soutenus par l’opinion publique de l’Italie libérale et la communauté juive internationale, le combat des Mortara prend vite une dimension politique. Mais l’Eglise et le Pape refusent de rendre l’enfant, pour asseoir un pouvoir de plus en plus vacillant...
La critique express de Julien
Reparti injustement les mains vides du dernier Festival de Cannes où il a été présenté en Sélection officielle en compétition, "Rapito (L’Enlèvement)" est un film secouant, qui traite d’une incroyable histoire vraie, comme on n’en avait encore jamais vu au cinéma, et inspirée de celle d’Edgardo Mortara (1851-1940)...
Alors qu’il n’était qu’un jeune garçon juif de six ans, celui-ci fut enlevé de force en 1858 de sa famille bolonaise sous ordre de l’Église, et donc du Pape Pie IX. En effet, sous prétexte qu’il fut ondoyé secrètement par sa nourrice catholique, ayant ainsi craint pour sa vie alors qu’il n’avait que six mois, le petit Bolognais [1], selon le Code de droit canonique des États pontificaux (754-1870), ne pouvait plus rester dans sa famille juive, considéré comme apostat, étant donné qu’il interdisait à un chrétien d’être élevé par des non chrétiens. L’Église s’est dès lors donnée le droit moral de "sauver son âme", et d’en faire dès lors l’un de ses disciples. Dans son combat, la famille Mortara reçut des soutiens internationaux et de l’opinion publique, sans que l’affaire ne parvienne jamais devant un tribunal impartial, bien que l’inquisiteur de Bologne, Pier Gaetano Feletti, père dominicain et neveu du pape, fut emprisonné durant trois mois, lequel avait orchestré, sur ordre de Rome, ledit enlèvement. Mais rien n’y fit. "Non possumus" devint le leitmotiv de Pie IX. Pourtant, cette affaire allait en partie, en pleine révolution politique européenne, à l’ère du libéralisme et du rationalisme, contribuer à la chute de la souveraineté papale lors de la prise de Rome à la date du 20 septembre 1870, provoquant ainsi la fin de l’existence des États pontificaux, et du pouvoir temporel des papes...
"Rapido" est typiquement le genre de film qui ne laisse pas indifférent, et qui nous rappelle que l’Église catholique n’est en rien innocente, mais bien responsable de (nombreux) drames, au nom de sa religion et de ses dogmes. Et celui que met ici en images le cinéaste italien de 84 ans Marco Bellocchio révolte autant qu’il passionne. Car c’est véritablement d’un grave enrôlement forcé au catholicisme dont il est ici question, et d’autant plus d’un enfant, enlevé des bras de ses parents. Leur fils allait alors être endoctriné, au fil des années, tout en lui faisant croire que la faute venait de ses parents, et que la seule façon de rentrer chez lui est de se former à devenir un parfait chrétien...
Voilà un film qui invite à ouvrir un bouquin d’histoire, lequel, avec une sombre image picturale et son récit daté en lettres capitales rouges, nous plonge dans une somptueuse, baroque et lyrique reconstitution d’époque, au sein d’une Église catholique en plein abus de pouvoir, bien que vacillant, d’un peuple en pleine révolution qui souhaitait notamment être rattaché au royaume d’Italie, et voir Rome en devenir sa capitale, et d’une famille juive qui ne cessera de se battre pour qu’on lui rende l’un de ses fils, littéralement enlevé par l’Église catholique. On ressort alors particulièrement touché et remonté par cette scandaleuse histoire vraie, bien que romancée, au regard des interactions qu’Edgardo(rebaptisé par l’Église Edgardo-Pio) a ici avec les membres de sa famille, à la suite de son enlèvement, lui qui mourut en Belgique, en 1940, toujours reconnaissant envers Pie IX pour son action, dont envers lui, le considérant alors comme un saint...