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CINECURE
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Cinécure est un site appartenant à Charles Declercq et est consacré à ses critiques cinéma, interviews sur la radio RCF Bruxelles (celle-ci n’est aucunement responsable du site ou de ses contenus et aucun lien contractuel ne les relie). Depuis l’automne 2017, Julien apporte sa collaboration au site qui publie ses critiques et en devient le principal rédacteur depuis 2022.

Frédéric Tellier
L’Abbé Pierre - une vie de combats
Sortie : le 8 novembre 2023
Article mis en ligne le 21 novembre 2023

par Charles De Clercq

Synopsis : Né dans une famille aisée, Henri Grouès a été à la fois résistant, député, défenseur des sans-abris, révolutionnaire et iconoclaste. Des bancs de l’Assemblée Nationale aux bidonvilles de la banlieue parisienne, son engagement auprès des plus faibles lui a valu une renommée internationale. La création d’Emmaüs et le raz de marée de son inoubliable appel de l’hiver 54 ont fait de lui une icône. Pourtant, chaque jour, il a douté de son action. Ses fragilités, ses souffrances, sa vie intime à peine crédibles sont restées inconnues du grand public. Révolté par la misère et les injustices, souvent critiqué, parfois trahi, Henri Grouès a eu mille vies et a mené mille combats. Il a marqué l’Histoire sous le nom qu’il s’était choisi : l’Abbé Pierre.

Casting : Benjamin Lavernhe (Abbé Pierre), Emmanuelle Bercot (Lucie Coutaz), Michel Vuillermoz (Georges), Malik Amraoui (Ahmed), Xavier Mathieu (Paul de Normandie)

Points particuliers :

  • Il y a 34 ans, c’est Lambert Wilson qui incarnait l’Abbé dans “Hiver 54”
  • “L’Abbé Pierre - Une vie de combats” a été présenté Hors Compétition au Festival de Cannes 2023
  • Dans la dernière ligne droite du film, Frédéric Tellier a choisi d’intégrer des plans de SDF dans la rue d’aujourd’hui pour signifier que cette histoire reste malheureusement d’actualité

Tout le monde le connaît, mais quelle était la part d’Henri Grouès dans l’Abbé Pierre ?

Ce film fend un peu la robe de cette personnalité charismatique, admirable, qui a combattu auprès des plus pauvres toute sa vie en s’oubliant lui-même. Il montre que tout prêtre qu’il soit, il n’en est pas moins homme, sensible à l’attrait de la chair.
Un homme qui a connu l’amour physique - pendant la Guerre - et qui sait que désormais, toute sa vie “renoncer à la tendresse d’une femme sera une souffrance”.
C’est dans cette confession poignante que se trouve peut-être l’une des clés de cet homme, révolutionnaire mystique, épris d’absolu.

Un film soigné, un peu académique - mais en quoi est-ce mal ? - mais pas hagiographique, car le récit n’élude aucunement les doutes, et le combat intérieur de l’Abbé contre un péché d’orgueil très présent, lui qui se rêve St François d’Assise.

Le film embrasse tous les moments marquants de sa vie : son rôle de maquisard dans le Vercors, sa position de député en 1947, l’achat de la maison en ruines à Neuilly-Plaisance (en Seine Saint Denis) qu’il veut transformer en lieu d’accueil et qui deviendra la communauté d’Emmaüs, après sa rencontre déterminante avec Georges, le bagnard, l’appel du 1er février 1954…

Cet Abbé dont on a tous plus ou moins en tête, une image, une parole revit de façon impressionnante grâce à Benjamin Lavernhe, totalement habité par son rôle. Sa gestuelle, ses gestes un peu impérieux, sa voix chevrotante sur la fin, tout y est. Du grand art.

La réplique face au préfet "de l’argent en temps de guerre, y en a, pourquoi pas en temps de paix ? Quand un travailleur, avec un salaire légal ne peut pas abriter le berceau de son enfant, ce n’est pas de construire sans permis qui est illégal, c’est la loi qui est illégale " résonne très fort, de même que l’appel à la générosité sur les ondes de RTL, du 1er février 54 aussi : “Mes amis, au secours ! Une femme vient de mourir gelée cette nuit à 3 heures sur le trottoir du boulevard Sébastopol”. Impossible de ne pas avoir la gorge serrée ni de frissonner d’émotion, à la réécoute de ses paroles.

Le film rappelle les dangers de la récupération médiatique, son combat auprès des sans-papiers à l’église Saint-Bernard à Paris et aussi les attaques, justifiées, pour son soutien au révisionniste Roger Garaudy.

Un film important, fort, bouleversant, qui nous rappelle à quel point son engagement, son authenticité, sa personnalité, ses coups de gueule manquent dans notre époque où le nombre de sans-abri a explosé ces dernières années.

Un film sur le combat de toute une vie d’un homme et qui réhabilite aussi le rôle essentiel, crucial, d’une femme : Lucie Coutaz.

Sans elle, pas de nom Abbé Pierre, pas d’Emmaüs non plus (qu’elle a co-fondé et dont elle a été la secrétaire). C’est grâce à elle qu’il change de cap et donne toute sa raison d’être à ce lieu d’accueil qui commençait à devenir une “auberge de jeunesse pour bourgeois en mal de sens".

Notons que La Fondation Abbé Pierre a été reconnue d’utilité publique en 1992 et que Emmaüs compte à ce jour :
300 structures en France dont 120 communautés
+ de 100 dans 40 pays dans le monde
+ de 40 mille compagnons, salariés et bénévoles y sont engagés

Aujourd’hui, en France, la pauvreté gagne du terrain.
Près de 15% de la population, soit plus de 9 millions de personnes vivent sous le seuil de la pauvreté.
Le mal logement concerne 4 millions de personnes en France et 330 mille personnes sont SDF.

Alors, on se dit que, de Là-Haut, enfin où qu’il soit, ça doit le démanger de redescendre sur Terre, l’Abbé, pour botter les fesses des politiques et pour nous montrer comment on met les mains dans le cambouis.
Lui qui a été la voix des sans-voix et a fait résonner cette maxime pleine de générosité et d’altérité : "Servir avant soi qui est moins heureux que soi".

Enfin, ce n’est pas un hasard du calendrier mais bien une volonté de la Fondation Abbé Pierre de faire mieux connaître cette personnalité hors du commun : une BD retraçant la vie de l’Abbé Pierre est sortie aux éditions Casterman.

Elle s’intitule :
“L’Abbé Pierre Une vie pour les autres”
Scénario : Vincent Cuvellier
Dessins : Abdel de Bruxelles

A l’occasion de cette sortie vous pouvez écouter l’interview de Vincent Cuvellier et de Abdel de Bruxelles réalisée par Delphine Freyssinet pour RCF Bruxelles :



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