Genre : Biopic
Durée : 138’
Acteurs : Benjamin Lavernhe, Emmanuelle Bercot, Michel Vuillermoz, Antoine Laurent, Chloé Stefani, Alain Sachs, Jan Oliver Schroeder...
Synopsis :
Né dans une famille bourgeoise, Henri Grouès a été à la fois résistant, député, défenseur des sans-abris, révolutionnaire et iconoclaste. Des bancs de l’Assemblée Nationale aux bidonvilles de la banlieue parisienne, son engagement auprès des plus faibles lui a valu une renommée internationale. Pourtant, chaque jour, il a douté de son action. Une vie intime inconnue et à peine crédible. Révolté par la misère, les inégalités et les injustices, souvent critiqué, parfois trahi, Henri Grouès a eu mille vies et mille combats. Il a marqué l’Histoire sous le nom qu’il s’était choisi : l’abbé Pierre.
La critique express de Julien
Le biopic est un exercice des plus périlleux. Car résumer la vie d’une personnalité sur deux heures de film est un pari aussi fou qu’audacieux, et frustrant. Une année après son thriller écologique "Goliath", Frédérick Tellier, sous l’impulsion du producteur français Wassim Béji, s’est ainsi lancé sur les traces du co-fondateur d’Emmaüs, l’Abbé Pierre. Ainsi, du début des années 30, au couvent des Capucins de Crest, jusqu’à son décès en 2007, "L’Abbé Pierre - une Vie de Combats" pointe du doigt les grands épisodes de la vie de cet homme "qui a aimé les hommes", ayant œuvré toute sa vie contre l’exclusion, la pauvreté, et pour la dignité de tout en chacun, avec, évidemment, en prime, le mouvement Emmaüs, cocréer avec sa secrétaire particulière Lucie Coutaz, lesquels sont respectivement incarnés avec mimétisme et émotions par Benjamin Laverhne et Emmanuelle Bercot. Le premier ne devrait d’ailleurs pas passer à côté d’une nomination au César du meilleur acteur, tant sa prestation, puissante, assidue et dense, est à la hauteur de ce que représentait le Monsieur, et de ce qu’il représente encore aujourd’hui, tandis que la seconde rend ses lettres de noblesse à cette femme réfléchie et trop longtemps restée dans l’ombre, laquelle n’a jamais cessé pourtant d’être les yeux et la tête administrative d’Emmaüs.
En prenant le pli d’une mise en scène chronologique, le film de Frédérick Tellier ne sort ainsi pas des sentiers battus du biopic, bien que le réalisateur apporte quelques variations visuelles à son œuvre, notamment dans sa manière de présenter le scénario qu’il a co-écrit avec Olivier Gorce. En effet, l’image se présente souvent sous différentes focales, également fragmentée, avec même quelques évocations très bibliques (il s’est rêvé Saint François d’Assise), en témoigne les extrêmes narratifs dudit film. Tout aussi engagé que l’était sa figure, le film se suit avec une certaine force de poigne, ne passant également pas à côté des quelques controverses et prises de position de l’Abbé, ayant parfois entaché ses propres combats. Cependant, lorsque l’âge des personnages se fait ressentir dans la dernière partie du film, celui-ci se ramollit en parallèle, lequel fait ainsi le choix de les accompagner jusqu’à leur dernier souffle.
Pour le spectateur ne connaissant pas l’histoire de l’Abbé Pierre dans les grandes lignes, alors ce film est un honnête compte-rendu de ses combats marquants, et de l’aura qu’il dégageait, laquelle prenait définitivement de l’ampleur à l’hiver 1954, lors d’un appel radiophonique sur les antennes de Radio-Luxembourg, ayant d’ailleurs fait l’objet d’un film, "Hiver 54" (1989), de Denis Amar, avec Lambert Wilson dans le rôle-titre. Ici, le film y fait écho lors d’une séquence frissonnante, qui en appellera d’autres, et bien plus encore de dialogues et paroles si caractéristiques de la personnalité forte de l’Abbé Pierre, qui manque.
La justesse avec laquelle Frédéric Teller filme alors cette histoire, mélangée au jeu des acteurs, lui confère une profondeur de taille, et toute notre empathie. On est, en effet, touché par la sincérité de l’ensemble, lequel ne cherche pas à jouer sur le sensationnalisme, mais juste sur ce qu’il faut pour nous rappeler que le combat, aussi bien à l’extérieur (sur le terrain) qu’à l’intérieur (avec les politiques), continue. Et ce moment d’après-séance, où l’on croise un SDF dans la rue, vient terriblement nous le rappeler, avec honte, mais détermination.