Synopsis : Deux personnes solitaires se rencontrent par hasard une nuit à Helsinki. Chacun tente de trouver en l’autre son premier, unique et dernier amour. Leur chemin vers ce but louable est obscurci par l’alcoolisme de l’homme, la perte d’un numéro de téléphone, l’ignorance de leur nom et de leurs adresses réciproques. La vie a tendance à mettre des obstacles sur la route de ceux qui cherchent le bonheur...
Casting : Alma Pöysti (Ansa), Jussi Vatanen (Holappa), Janne Hyytiäinen (Huotari), Nuppu Koivu (Liisa)
Points particuliers :
- “Les feuilles mortes” a reçu le Prix du Jury au festival de Cannes 2023
- Alma Pöysti et Jussi Vatanen tournent pour la première fois devant la caméra de Kaurismäki.
- Les cinéphiles s’amuseront à reconnaître des références à Jarmusch, Bresson, Godard, Visconti, Vadim, Chaplin
Avertissons tout de suite celles et ceux qui ne sont pas familiers du cinéma de Kaurismaki : si vous aimez les films d’action où il y a 10 plans par seconde, bon, dans celui-ci, c’est plutôt l’inverse : un plan dure 10 secondes.
Rien de mal à ça, surtout quand on a la caméra aussi magnifiquement esthète qu’Ari Kaurismäki.
Mais ne soyez pas décontenancé par la lenteur et acceptez de vous laisser aller, doucement, dans cette histoire d’amour entre deux écorchés de la vie, malmenés au quotidien.
Et leur quotidien, il n’est vraiment pas folichon : dans le supermarché où elle trie les produits périmés, Ansa prend un sandwich destiné à la poubelle et se voit accusée de vol, sermonnée comme une gosse - montre ce monde ubuesque où on préfère jeter que donner - et se fait virer sans préavis. De toute façon, qu’est-ce que ça peut faire, elle n’a pas de contrat, employée à l’heure…
Holappa, lui, sur son chantier, se fait engueuler pour 4 minutes de retard.
Les couleurs délavées, sont très “kaurismakiennes”, Helsinki n’a rien de sexy sous la grisaille, et surtout rien d’identifiable - il pourrait s’agir d’une autre ville du Nord.
On se croirait dans les années 50, mais non, nous sommes bien en 2023, les infos quotidiennes, déprimantes, sur la guerre en Ukraine diffusées à la radio, en font foi.
Bref, “Les feuilles mortes”, c’est un peu les Dardenne à Helsinki, mais Kaurismaki insuffle à ce réalisme social, une poésie rafraîchissante.
Il y a un charme fou, suranné, dans ce film, qui nous touche au coeur.
Un charme qui tient aux non-dits, à la timidité, la maladresse des personnages, qui s’accrochent pourtant pour que quelque chose arrive dans leur vie.
Un charme qui tient aussi à l’humour un peu décalé, car on ne sait pas toujours sur quel pied danser notamment pour ce dialogue :
“Qu’est-ce qui va pas chez toi ? t’es soporifique
– Je suis déprimé
– Pourquoi ?
– Parce que je bois trop.
– Pourquoi tu bois ?
– Parce que je suis déprimé”
Et puis un charme qui tient aussi à la bande-son magnifique, de ce film - qui rend hommage à l’acteur chanteur Olavi Virta, le “Yves Montand finlandais” - et à l’utilisation de la musique : chaque chanson répond à une émotion suggérée par un personnage, et continue de raconter l’histoire par d’autres biais.
Dans la morosité ambiante, assister à l’étincelle qui naît entre ces deux écorchés de la vie, tient du miracle.
Ce film est une histoire d’amour entre deux écorchés de la vie mais c’est aussi une formidable histoire, déclaration d’amour au cinéma. Je vous laisse reconnaître toutes les références ; et même si vous ne les avez pas, cela n’entrave en rien le déroulement de l’histoire.
Voilà ce que sont ces “Feuilles mortes” qu’il ne faut surtout pas écarter de son chemin.