Genre : Thriller
Durée : 119’
Acteurs : Michael Fassbender, Tilda Swinton, Sophie Charlotte, Charles Parnell, Arliss Howard, Monique Ganderton...
Synopsis :
Un tueur à gages, solitaire et froid, tue ses victimes méthodiquement, sans scrupules ni remords. Un jour, il va cependant remettre toute son existence en question.
La critique de Julien
"Respecte le plan. Anticipe. N’improvise pas. Ne fais confiance à personne. Ne mène que le combat pour lequel on te paye. Bannis l’empathie. L’empathie, c’est de la faiblesse. La faiblesse, c’est de la vulnérabilité. À chaque étape, pose-toi la question : qu’est-ce que j’ai à y gagner ? Voilà à quoi il faut t’engager si tu veux réussir. Simple."
David Ficher est donc bel et bien de retour ! Et c’est un euphémisme. Avant sa sortie le 10 novembre prochain sur Netflix, "The Killer", présenté en sélection officielle en compétition à la dernière Mostra de Venise, a donc la chance de s’offrir chez nous une courte fenêtre de sortie sur les grands écrans, et cela pour notre plus grand plaisir. Et osons dire de bonheur. Car on a retrouvé dans cette adaptation de la série de bandes dessinées policière "Le Tueur" (écrite par Matz et dessinée par Luc Jacamon, publiée chez Casterman dans la collection Ligne rouge) beaucoup d’éléments de mise en scène qui caractérisent son fascinant cinéma, et qu’on avait notamment adorés dans son excellent film "Gone Girl" (2014). Dans ce thriller méthodique, le cinéaste nous immisce dans l’esprit tordu d’un tueur à gages froid et méthodique qui, après avoir raté sa cible, va en subir les conséquences, ce qui l’amènera à se livrer à une chasse à l’homme internationale, et de surcroît contre lui-même...
Et c’est un Michael Fassbender glacial et méticuleux qui enfile le costume impersonnel d’un homme dont on ignore tout et même la véritable identité, lui qui change d’ailleurs de nom après chaque meurtre perpétré, possédant un arsenal de passeports, de documents et d’armes en lieu sûr dans chaque État qu’il visite. Affûté d’une chemise à fleurs, d’une paire de lunettes et d’un Fédora lorsqu’il ne s’apprête pas à enlever la vie d’un individu, et d’une tout autre combinaison dans le cas contraire (gangs noirs en latex, veste noire à capuche, socquettes blanches (!), etc.), son personnage est un loup solitaire dont on entend plus la voix en pensées que sortant de sa propre bouche. Fincher nous plonge alors littéralement dans sa psyché, dans ses murmures les plus profonds, en témoigne la longue et exceptionnelle séquence d’ouverture, dans laquelle il se prépare à abattre une cible, tout en attendant (très patiemment) qu’elle arrive dans le viseur, en se répétant toujours à soi-même pourquoi il est là. Et autant dire que Fassbender est particulièrement troublant et troublé dans la peau de cet individu complexe, sans scrupule ni remord, dont le métier qu’il exerce n’est, pour lui, qu’un gagne-pain comme un autre, lequel nécessite cependant une grande concentration (aidée par sa montre qui mesure sa fréquence cardiaque, et de ses écouteurs), et une absence totale d’empathie. Or, ce summum d’absence totale d’humanité de la part de ce personnage déconcerte, que ça soit dans sa manière d’être et dans ses ruminations, ce qui amène ainsi l’amusement. On prend donc plaisir à suivre les manières de cet homme, et la vengeance impitoyable et, de prime abord, organisée qu’il mettra en place, en réponse à ce que ses supérieurs lui feront subir, faute d’avoir raté sa cible...
Comme à son habitude, David Fincher s’amuse avec sa mise en scène, qui sied ici à merveille à cette intrigue, découpée en plusieurs chapitres ("La cible", "La planque", "L’Avocat", "La Brute", "L’experte", "Le client" et l’épilogue), et regorgeante de joyeusetés, dont de découpages très stylisés. Dès les premières images, le savoir-faire du cinéaste est alors évident, et parfaitement exécuté, pointilleux, réfléchi, à l’inverse de la traque dudit tueur, à mesure qu’elle se restreint, et approche de son but, elle qui bascule vers plus d’imprévisibilité, tandis que la musique originale de Trent Reznor et d’Atticus Ross s’impose de plus en plus, laissant planer une tension grandissante. Déjà à l’œuvre de la bande-originale de "Gone Girl" (2014), le duo retrouve ainsi le metteur en scène pour la musique gutturale de ce film, elle que l’on entend venir de loin, voire des entrailles du tueur, collant ainsi parfaitement à l’atmosphère froide et glauque de l’ensemble. "The Killer" aime alors déstabiliser son antihéros névrosé, ce qui nous rend la mission d’autant plus ludique, et divertissante. On constate d’ailleurs que Fincher ne le laisse plus aller au bout de ses monologues intérieurs, étant donné une action de plus en plus envahissante, imprévue, et violente. Et le réalisateur sait comment filmer ces scènes d’action, que ça soit une fuite en scooter dans les rues de Paris, une course à pied en travelling latéral parallèlement au déplacement du tueur au travers de la végétation, ou encore une bagarre très musclée et sanglante dans une habitation de Floride.
"The Killer" ne manque dès lors pas sa cible, et s’avère être un thriller anxiogène aussi original qu’efficace, voire galvanisant par ce qu’il nous propose de vivre. C’est du David Fincher tout craché, qui décontenance autant qu’il satisfait à suivre une personnalité pour le moins particulière, laquelle s’adonne à une activité qui l’est toute autant ! Bref, un film net et précis (sans doute trop), et qui tire dans le mille. Bref, c’est de la balle !