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CINECURE
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Cédric Kahn
Le procès Goldman : portrait d’un homme insaisissable dans un procès sous tension captivant
Sortie : 4 octobre 2023
Article mis en ligne le 3 octobre 2023

par Delphine Freyssinet

Synopsis : Ouverture à Amiens en novembre 1975 du 2ème procès de Pierre Goldman, figure iconique de l’extrême-gauche française.
Condamné en première instance à la réclusion criminelle à perpétuité pour quatre braquages à main armée, qu’il a toujours reconnus, il clame en revanche son innocence dans le meurtre de deux pharmaciennes à Paris en 1969.
Pierre Goldman risque la peine capitale - elle ne sera abolie qu’en 1981 - mais se montre ingérable et provocateur, au grand dam de son avocat, inconnu alors, Maître Georges Kiejman (deviendra ministre sous François Mitterrand)

Casting : Arieh Worthalter (Pierre Goldman), Arthur Harari (Maître Kiejman),

Points particuliers :

  • Pierre Goldman a écrit son autobiographie “Souvenirs obscurs d’un juif polonais né en France” en prison.
  • Les acteurs ont été filmés par trois caméras en permanence, à jouer des longues séquences entières, dans une salle de procès.
  • Pierre Goldman, fils d’un couple de résistants juifs polonais, est un militant révolutionnaire, parti faire la guerilla avec Régis Debray en Amérique Latine, qui a sombré dans le grand banditisme à son retour en France.

On connaît déjà l’issue - Pierre Goldman sera acquitté puis assassiné trois ans après - et pourtant Cédric Kahn arrive à nous mettre sous tension avec un suspense haletant.

La décision de se focaliser sur un seul lieu, le prétoire, et de tourner en format carré, de faire une captation de procès comme pour un documentaire, nous immerge en un huis clos sous tension et nous place dans une position de juré.

Devant nous, Pierre Goldman - Arié Worthaler intense, stupéfiant dans une prestation impressionnante - se montre tour à tour sincère, emporté, manipulateur, complexe et fascinant, il fait rire le public par son arrogance, son culot et son ironie.

Il apparaît peu sympathique, plein de morgue, de suffisance et son attitude ingérable est presque incompréhensible : il joue pourtant sa tête !

Est-ce que c’est possible de commettre un acte horrible sans s’en souvenir ?” Une question bien troublante posée par Pierre Goldman lors de son arrivée à la PJ (Police Judiciaire), selon le commissaire qui l’interroge. Une question qui illustre bien toute l’ambiguïté de ce militant d’extrême-gauche, écrivain et braqueur, qui a exercé une véritable fascination sur l’intelligentsia parisienne et l’extrême-gauche dans les années 70.

Son jugement lapidaire de Mai 68 ‘grotesque’ est d’autant plus ironique quand Goldman est soutenu par les mêmes militants qui ont cru en ces lendemains qui chantent.

En fait, c’est un affrontement à plusieurs niveaux auquel on assiste : l’extrême droite contre l’extrême gauche, Paris contre la province, l’intelligentsia contre le “petit peuple”, Goldman qui veut “être un Juif guerrier, c’est-à-dire se libérer de la meurtrissure d’être Juif” contre Maître Kiejman, son propre avocat, qu’il entend récuser parce qu’il le considère comme “un Juif de salon”.

Si Goldman manie la philosophie, la rhétorique et le verbe avec verve, se mettant dans la poche le public, c’est plutôt Georges Kiejman - Arthur Harari endosse parfaitement le rôle - qui force l’admiration avec une plaidoirie sobre et forte sur la présomption d’innocence et la charge de la preuve.

La fracture entre la France de gauche et la France de droite est éclairante, ce racisme et cet antisémitisme qui suintent par tous les pores des témoins, des policiers trouvent un écho particulier et troublant dans la situation actuelle.

Un film impressionnant, fascinant, suffocant, brut, qui aurait gagné en émotion si le contexte historique et politique avait été davantage montré.

Néanmoins, un film à voir et qui donne envie d’en savoir plus sur le mystère Pierre Goldman.

Acquitté, il sera assassiné en 1979. Plus de 40 ans après, son meurtre n’a toujours pas été élucidé, même si un obscur groupe d’extrême-droite l’a revendiqué.



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