Genre : Thriller, policier
Durée : 107’
Acteurs : Kenneth Branagh, Kyle Allen, Camille Cottin, Jamie Dornan, Tina Fey, Jude Hill, Kelly Reilly, Michelle Yeoh, Riccardo Scamarcio...
Synopsis :
Dans la Venise sinistrée de l’après-guerre, la veille de la Toussaint, un terrifiant mystère va marquer le retour d’Hercule Poirot sur le devant de la scène. En exil volontaire dans la Sérénissime, Poirot, désormais à la retraite, assiste à contrecœur à une séance de spiritisme dans un palazzo désaffecté et soi-disant hanté. Lorsqu’un des invités est assassiné, le célèbre détective se retrouve propulsé dans un sinistre monde empli d’ombres et de secrets...
La critique de Julien
Clap, troisième ! Kenneth Branagh est de retour sous les traits du célèbre détective privé belge Hercule Poirot après "Le Crime de l’Orient Express" (2017) et "Mort sur le Nil" (2022) ! Cette fois-ci, l’acteur et réalisateur adapte vaguement le roman moins connu d’Agatha Christie, "La Fête du potiron/Le Crime d’Halloween" (1969), toujours avec Michael Green au scénario, lequel débarque donc dans les salles avant les festivités d’Halloween, ce qui est quelque peu dommage.
L’intrigue se situe alors en 1947, soit dix ans après les événements survenus sur le Nil, et ayant mis à rude épreuve la souffrance du Poirot vis-à-vis du décès jadis de sa fiancée Katherine. Celui-ci savoure alors une retraite bien méritée, dans le Venise d’après-guerre, lui qui s’est retiré des yeux du monde, malgré les nombreuses demandes d’enquête dont il est assailli, lui qui emploie d’ailleurs un ancien policier comme garde du corps (Riccardo Scamarcio). Ayant perdu la foi en Dieu et en l’humanité, le détective recevra alors la visite d’une vieille amie, Ariadne Oliver (Tina Fey), une auteure de romans policiers. Sauf que cette dernière n’est pas là pour siroter avec lui une tasse de café au miel sur son toit vénitien, mais bien pour le pousser à assister, le soir d’Halloween, à une séance de spiritisme afin de dénoncer la médium Joyce Reynolds (Michelle Yeoh) comme une fraudeuse. Celle-ci sera alors organisée dans le vieux palazzo supposément hanté de la chanteuse d’opéra Rowena Drake (Kelly Reilly), laquelle souhaite communiquer avec sa fille, Alicia, qui s’est suicidée. Mais la soirée prendra une tout autre tournure lorsqu’un meurtre surviendra en pleine séance. Tandis qu’une tempête fait rage à l’extérieur, coupant les résidents du palais du reste du monde, Poirot n’aura d’autre choix que de sortir de sa retraite et d’enquêter, interviewant les invités, tandis qu’il sera, en parallèle, confronté à des voix et au fantôme d’Alicia...
D’emblée, Kenneth Branagh et son fidèle collaborateur artistique Haris Zambarloukos ont misé ici sur l’intime, et une sombre ambiance. "Mystère à Venise", outre quelques jolis plans de jour de la ville, se déroule, en effet, en huis clos (reconstitué en studio), et de nuit, alors que rôdent dans ledit vieux palazzo les âmes d’enfants morts de la peste, lui qui a été, jadis, un hôpital et un orphelinat. Davantage filmé comme un thriller surnaturel plutôt qu’une enquête policière à proprement parler, ce film profite alors de son atmosphère lugubre, des couloirs et grandes pièces de la bâtisse, éclairés à la bougie ou aux quelques lampes qui fonctionnent encore, étant donné les conditions climatiques qui s’abattent sur la ville, où les conséquences de la guerre se ressentent encore. Le jeu de lumière et d’ombre, ainsi que les mouvements de caméra en plongée, mais également des cris, des voix et apparitions (hallucinatoires) tentent ainsi de créer une tension au sein de ces murs, Poirot s’y livrant finalement à son exercice préféré, le transcendant, mais qui, dans ce cas-ci, va ébranler sa foi. Rapidement, le détective se mettra alors à interroger les invités, révélant des apparences trompeuses, des mobiles, des traumatismes, des conspirations, des manipulations, et des secrets bien gardés autour de l’étrange disparition de la jeune fille, et du meurtre survenu quelques minutes plus tôt dans le palais...
Hélas, "Mystère à Venise" manque cruellement de rythme et de rupture de ton en faisant choix de confiner son beau monde dans l’obscurité et de sans cesse bavarder, ce qui a pour effet de faire chuter inlassablement toutes les tentatives du film de créer la peur, l’effroi, et l’intérêt. Les effets spéciaux et maquillages laissent également à désirer, tandis que les explications de Poirot quant au(x) coupable(s) en question semblent tomber du ciel, sans qu’on ne parvienne à voir, comprendre et croire en son cheminement et ce qui lui a mis la puce à l’oreille, malgré ses observations et regards posés, ici et là, pendant ses neufs interrogatoires.
Si on attendait donc le sursaut, celui-ci n’a jamais eu lieu, malgré des personnages au destin plus terne, avec des histoires à raconter, mais sous-développées, au profit alors des soi-disant fantômes qui habitent les lieux. Et c’est dommage, car les acteurs (de Camille Cottin à Jamie Dornan, en passant par le petit Jude Hill et même Kenneth Branagh, plus dans la retenue) essaient, tant bien que mal, de faire exister leurs caractères, finalement bien plus hantés que le palazzo lui-même...
On espérait donc beaucoup plus de "Mystère à Venise" qu’un exercice de style, lequel demeure, à son avantage, différent de ses prédécesseurs, et moins racoleur. Mais il s’agit là d’un film bien plus mort que vivant, où l’ennui guette, alors qu’il était censé solliciter notre curiosité, notre soif de vérité, trop facilement trouvée, malgré cette surabondance de noirceur...