Genre : Drame, romance
Durée : 103’
Acteurs : Paula Beer, Thomas Schubert, Langston Uibel, Matthias Brandt...
Synopsis :
Une petite maison de vacances sur la côte baltique. Les journées sont chaudes et il n’a pas plu depuis des semaines. Quatre jeunes gens se réunissent, d’anciens et de nouveaux amis. Les forêts desséchées qui les entourent commencent à brûler, tout comme leurs émotions. Le bonheur, la luxure et l’amour, mais aussi la jalousie, le ressentiment et la tension. Pendant ce temps, les forêts brûlent. Et très vite, les flammes sont là.
La critique de Julien
"Le Ciel Rouge", en plus d’avoir été - injustement - boycotté par la 73ème cérémonie de remise des Prix du cinéma allemand en mai dernier, a la particularité de filmer le Land de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, en Allemagne, là où son metteur en scène et cinéaste allemand de la nouvelle vague Christian Petzold a donc posé ses caméras. Reparti de la Berlinale 2023 avec le Grand prix du jury, ce drame nous emmène alors en plein été, bouillant, dans une maison de vacances, à proximité de la mer Baltique, alors que les flammes font rage, à quelques kilomètres de là. C’est dans ce lieu que les amis Léon (Thomas Schubert) et Félix (Langston Uibel) ont décidé de passer quelques semaines, chacun occupé à son travail respectif, le premier en pleine écriture - réputée difficile - d’un second roman, et le second - plus vagabond - dans la réalisation d’un portfolio pour son travail pour les Beaux-Arts, sur le thème de l’eau. Mais alors qu’ils pensaient être seuls dans la maison, force est de constater que l’envoûtante Nadja (Paula Beer, récompensée en 2020 de l’Ours d’argent de la meilleure actrice à la Berlinale 2020 pour son rôle dans le précédent film "Ondine" du même réalisateur, et vue également dans "Frantz" de François Ozon) s’est vue invitée dans ses murs, elle qui est travailleuse saisonnière dans un hôtel, et nièce d’un collègue de la mère de Félix. Alors que les murs de la maison sont fins, et que les ébats sexuels de cette dernière s’entendent, dehors, ce sont les avions qui luttent contre les incendies, ce qui ne laisse que très peu de répits au sommeil de Léon. Mais c’est sa rencontre avec la demoiselle qui va véritablement embraser Léon, lui qui va pourtant, dans son processus tumultueux de création, se refermer sur lui-même, s’excluant du monde, comme si la distance faisait partie du métier d’écrivain...
C’est durant la pandémie de Covid-19 que Christian Petzold a eu l’idée de cette histoire. Ou ce sont plutôt les rêves fiévreux dont il a souffert durant son infection au virus qui lui ont donné l’envie de filmer l’amour entre jeunes, et leurs corps, dans des clairières, en été. Son film, entre un regard personnel sur le processus de création de l’écrivain, et les premiers émois amoureux, est un film lancinant, qui prend son temps, et où les non-dits, l’incompréhension et l’indécision sont de mise, au regard de la personnalité frustrée de son personnage principal, Léon, perdu, et plus occupé à faire semblant d’écrire que d’écrire. Le jeune homme, peu empathique, se refuse alors de vivre, sous prétexte qu’il doit travailler, lui qui est en perpétuelle tension, tandis que la venue de son éditeur approche, alors qu’il sait que son manuscrit n’est pas bon. Pas facile dès lors de faire connaissance, et de se laisser aller au monde, d’ouvrir des portes, et de vivre pleinement son désir, qu’il enfouit en lui, pour une femme, libre d’esprit, et pourtant si cultivée, intelligente. Mais celui-ci finira bien par remonter inévitablement à la surface, à l’image des bombardiers d’eau qui tentent de contenir les flammes, avant que celles-ci emportent tout sur leur passage...
Tandis qu’il y fait référence au déchirant poème "Der Asra" (1846) du poète Heinrich Heine sur un amour irréalisable, ainsi qu’aux célèbres amants de Pompéi, le tout pour illustrer l’urgence de vivre l’amour tant qu’il brûle, Christian Petzold met aussi en garde ici sur les dangers des changements climatiques, qui nous semblent bien loin, avant qu’ils n’éclatent, sans prévenir, et fassent d’énormes dégâts. C’est d’ailleurs comme cela qu’il filme le feu, hors champ durant tout le film, avant que celui-ci ne frappe et ne laisse aucune chance sur son passage à la nature. Avec son pessimiste et des doutes, mais également sa soif ardente de cartographier - même au sein des décors d’une maison - l’existence d’un individu qui s’enchaîne plutôt que de se libérer, le réalisateur questionne ainsi sur la peur de l’abandon, à laquelle il a été confronté.
Dépourvu de musique (outre le titre "In My Mind" du groupe autrichien Wallners) est un film, hors du temps, si ce n’est celui d’un été très chaud, suspendu, entre symbolisme et intimité, dans lequel il ne se passe - il faut bien l’admettre - pas grand-chose, alors qu’on ne comprend que tardivement où veut en venir son écriture, laquelle se dessine alors au fur et à mesure des quelques échanges et réactions entre ses personnages, forcément opposés. C’est, quelque part, une lente reconnexion d’un être avec lui-même, et ce qui l’entoure, dont la nature, et ses émotions.