Genre : Romance, drame
Durée : 90’
Acteurs : Karin Viard, Alex Lutz, Jérôme Pouly, Kenza Fortas, Nicole Calfan...
Synopsis :
Paris, métro bondé, un soir comme les autres. Une femme bouscule un homme, ils se disputent. Très vite le courant électrique se transforme... en désir brûlant. Les deux inconnus sortent de la rame et font l’amour dans la cabine d’un photomaton. La nuit, désormais, leur appartient. Dans ce Paris aux rues désertées, aux heures étirées, faudra-t-il se dire au revoir ?
La critique de Julien
Présenté en clôture de la section Un certain regard du Festival de Cannes 2023, "Une Nuit" est le troisième film mis en scène par Alex Lutz, après son faux documentaire "Guy" (2018), dans lequel il incarnait un chanteur de variétés françaises acceptant de se prêter à l’exercice de l’interview, alors qu’un journaliste le suivait sur les routes de France suite à la parution d’un double best-of. Filiation, temps qui passe, nostalgie, ou encore conséquences de la vie d’artiste étaient au programme de ce métrage singulier et portraitiste, lui ayant valu le César du meilleur acteur. C’est aujourd’hui aux côtés de Karin Viard qu’on le retrouve dans "Une Nuit", dans lequel ils interprètent un homme et une femme qui vont se bousculer dans le métro parisien bondé, "s’égueuler six minutes, et baiser les six autres", se comportant dès lors "comme des bonobos", avant de déambuler ensemble, en surface, dans les rues de la capitale, et vivre ainsi ardemment leur rencontre, comme si ce n’était finalement pas la première, mais bien la dernière, elle qui ne pourra ainsi durer que le temps de cette nuit, où les gens dorment, mais pas eux...
L’alchimie, le type de partenaire, la disponibilité, le mariage (par amour ou convenance), le lâcher-prise, le grand amour ou encore la famille vont être au cœur des longues discussions que vont s’échanger les deux amants, que ça soit sur un banc, dans une fête dans laquelle ils se sont invités, dans les coulisses d’une représentation théâtrale, dans un restaurant asiatique, dans un magasin de meubles, dans un club échangiste, ou encore un parc. Alex Lutz filme ici une forme de nostalgie poétique, où des êtres, chacun de leur côté, au crépuscule de leur vie sentimentale et conjugale, cherchent à sauver ce qu’ils ont construit. Ainsi, qu’est-ce qu’on fait quand il n’y a plus rien à se dire ? Et bien on peut faire preuve, par exemple, d’imagination... Aymeric et Nathalie vont alors s’abandonner l’un à l’autre, et se partager, sans avoir encore véritablement partagé. Ils vont jouer à un drôle de jeu, faillible, avec leur vie, déguisés face à la mort, sans se préoccuper encore du lever du jour. Alex Lutz emmène alors ses personnages non pas "au bout du monde", mais là où ils "trouveront" sans doute une paix intérieure, tout en se racontant, tout le long de ce trajet, des mots pour comprendre, pour réparer, pour retrouver, pour franchir un premier pas...
Malgré des dialogues à la fois langoureux, crus, profonds, vulgaire, indécis, spirituel, mais surtout très parisiens dans l’âme et leur manière de nous questionner, "Une Nuit" cache quelque chose de terriblement beau sous ses marivaudages à la fois éphémères et intemporels sur le couple, mais que l’on sent ici gênés, comme si quelque chose n’était finalement pas si naturel que ça en a l’air, et même plutôt familier, dans cette idylle passagère. Et puis, comme si de rien n’était, par quelques images greffées à cette rencontre, quelques répliques en voix-off et des étreintes de plus en plus transparentes, le cinéaste fait basculer son récit, où tout prend sens. Le cinéaste offre ainsi une autre lecture que celle qu’on s’en était faite depuis le début, rebattant ainsi les cartes, et surtout l’intérêt qu’on éprouve(ra) pour son film, et ses personnages qui, si la nuit leur appartient, ne maîtrisent aucunement le jour, ni l’avenir...
"Une Nuit" n’est peut-être pas le genre de film qui s’apprécie sur le moment, lui qui est très bavard et sans péripétie. C’est bien sa double lecture, inédite, qui fait chavirer le cœur, lui qui nous mène vers une histoire qui n’est finalement pas celle que le film déroulait devant nos yeux, depuis cette échauffourée. On ressort alors particulièrement touché, vivifié par cette rencontre très mélancolique, où le temps, suspendu, se joue encore plus, au cours d’une seule et unique nuit, qui pourrait tout changer...