Genre : Film familial, fantastique, comédie
Durée : 122’
Acteurs : Lakeith Stanfield, Tiffany Haddish, Owen Wilson, Danny DeVito, Rosario Dawson, Jamie Lee Curtis, Jared Leto, Winona Ryder...
Synopsis :
Une mère de famille et son fils de neuf ans cherchent à commencer une nouvelle vie. Ils sautent sur une occasion à ne pas laisser passer, un manoir abordable à la Nouvelle-Orléans. Ils sont loin de se douter que la maison abrite déjà des résidents inattendus. Quand ils comprennent que le manoir est hanté, ils engagent une équipe de pseudo-experts pour les aider à chasser les différents spectres et fantômes qui hantent leur maison.
La critique de Julien
Ne vous y méprenez pas ! "Le Manoir Hanté" est bien une nouvelle adaptation de l’attraction phare de plusieurs parcs Disney, laquelle est connue à Disneyland Paris sous le nom "Phantom Manor", elle qui en est, en fait, une variante (son histoire et certains personnages sont différents de la version américaine et japonaise). Alors qu’un premier film réalisé en 2003 par Rob Minkoff, intitulé "Le Manoir Hanté et les 999 Fantômes", avec Eddie Murphy en tête d’affiche, en était déjà inspiré, cette nouvelle version s’inscrit dans la volonté des producteurs aux grandes oreilles d’exploiter leurs créations récréatives pour étendre ainsi la filmographie de Disney, et gonfler ainsi son capital boursier avec des valeurs sûres (ou presque), tel qu’on en parlait à la sortie du film "Jungle Cruise" de l’hispano-américain Jaume Collet-Serra, il y a deux ans. Or, cela fait déjà plus d’une dizaine d’années que ce projet a été lancé (juillet 2010), connaissant ainsi "l’enfer du développement". Initialement écrit par Guillermo del Toro, cette monture devait alors être réalisée réalisée par ce dernier, et obtenir une classification PG-13 (déconseillée au moins de 13 ans aux États-Unis). Mais le cinéaste a finalement quitté les lieux, tandis que son scénario a entièrement été réécrit par la scénariste Katie Dippold (on lui doit notamment l’écriture du "Ghostbuster" féminin de Paul Feig, sorti en 2016), car jugé trop effrayant pour un public familial. Le contraire nous aurait ainsi étonné, à la fois du cinéaste mexicain, mais surtout des producteurs, lesquels veulent attirer en salle le plus large des publics, et rentrer ainsi dans leurs frais...
Réalisé par le cinéaste afro-américain Justin Simien, à qui l’on doit le film satirique "Dear White People" (2014) et sa série dérivée, ainsi que l’inédite comédie horrifique "Bad Hair" (2020), "Le Manoir Hanté", n’a, chez nous, étrangement pas été beaucoup promu, comme si son distributeur ne croyait pas en lui, ou voulait tout simplement limiter les frais après toutes ses récentes déconvenues (de "La Petite Sirène" à "Elémentaire", jusqu’au dernier "Indiana Jones"). Mais c’est sans doute aussi parce que le studio ne croit certainement pas en ses chances chez nous, étant donné que son casting ne compte pas de grandes têtes d’affiche, outre pour certains seconds rôles, joués par Owen Wilson, Danny DeVito ou encore Jamie Lee Curtis, eux qui ne parleront cependant pas au jeune public, tandis qu’aux États-Unis, la première du film a été entachée par l’absence de son casting, étant donné la grève des acteurs qui se joue à Hollywood, bien qu’il ait été remplacé au pied levé par... des personnages de Disney, alors que le metteur en scène s’y est dit "déçu des conditions qui ont provoqué cette situation"... Comment se fait-il aussi que Disney ait largué ce film en pleine saison estivale, plutôt que d’attendre la période d’Halloween, propice à ce genre de production, d’autant plus que cette adaptation sort dans une période saturée en blockbusters, dont en plein rouleau compresseur "Barb-enheimer" ? On se le demande, d’autant plus que, dans le même genre, "La Prophétie des Horloges" (2018) d’Eli Roth et les deux adaptations cinématographiques "Chair de Poule" (2016 et 2018) avaient été lancée durant cette saison automnale. C’est comme si, finalement, Disney condamnait lui-même son film. Mais qu’en est-il donc, concrètement, de la qualité de cette édition, sortie vingt ans après son aînée ?
Difficile de ne pas s’ennuyer devant ce film trop juvénile, lui qui prend énormément de temps à mettre en place son intrigue, et tarde ainsi à profiter du cadre gentiment horrifique qu’offre le manoir, hanté alors par les 999 fantômes, bien que finalement assez inoffensifs, mais surtout tourmenté par l’esprit du fantôme à la boîte à chapeaux ("Hartbox Ghost", "joué" par Jared Leto), craint par tous, lequel cherche un millième esprit afin de pouvoir enfin s’échapper des lieux. Car c’est bien dans sa dernière partie que le film divertit au mieux, et surfe sur son potentiel, étant donné la manipulation de l’entité maléfique envers les résidents, lequel les pièges pendant qu’il attire sa dernière victime dans ses filets, et cela en modifiant l’architecture des lieux à sa guise, à coups de couloirs qui s’imbriquent les uns dans les autres, qui changent instantanément de direction, où les lois normales de la gravité ne s’appliquent ainsi pas, alors que certains plans rappellent le travail de l’artiste néerlandais MC Escher (1898-1972), dont "Relativity" (1953). Par contre, "Le Manoir Hanté" abuse, à outrance, d’effets spéciaux numériques et de couleurs nauséabondes, ce qui rend l’ensemble d’autant plus laid et artificiel, tandis que la sombre photographie n’aide en rien à y voir clair et à prendre plaisir face à ce divertissement, lui qui n’apporte finalement rien au film de Rob Minkoff, si ce n’est peut-être plus d’émotion, autour alors d’une double histoire de deuil, bien que celle-ci soit prémâchée. Pourtant, on pensait que le scénario allait pouvoir compter sur ses personnages, dont sur l’équipe mise en place par le père Kent (Wilson), spécialisé dans les exorcismes, et dans laquelle on retrouve Ben (Lakeith Stanfield), un astrophysicien ayant développé une caméra pour détecter la matière noire, bien que ne croyant plus aux fantômes depuis le décès de son épouse, lequel est devenu guide touristique - à visées fantomatiques - désabusé dans les rues de La Nouvelle-Orléans, ainsi que Bruce (DeVito), un professeur d’histoire n’ayant vendu que "9 livres", et d’Harriet (Tiffany Haddish), une médium illégitime du Vieux carré français, laquelle s’occupe, au mieux, de célébrer des bar-mitsva. Tout ce beau monde de bras cassés offrira alors, tant que mal, son aide à Gabbie (Rosario Dawson), médecin new-yorkaise, et à Travis (Chase W.Dillon, en surjeu total), son fils de neuf ans qui a du mal à se faire des amis, lesquels ont emménagé dans une vieille demeure située dans le bayou. Or, ces derniers, en tentant de quitter les lieux, seront hantés par ses fantômes, les obligeant - pour une raison bien précise, mais qu’ils ne savent pas encore - à y revenir...
À force donc de vouloir ainsi plaire aux enfants, "Le Manoir Hanté" n’est justement jamais effrayant, et ne trouve jamais le bon ton, entre comédie doucement frissonnante, et drame. À cet égard, certaines ruptures de rythmes n’aident pas non plus le film de Justin Simien à pleinement nous embarquer dans ce qui est censé être, à la base, une attraction, efficace, et à sensations (plus ou moins) fortes. De plus, on cherche encore également dans cette maison, bien trop grande et aux décors sous-exploités, des notes d’humour, déguisées alors ici dans les répliques - très bateau - du personnage de Danny DeVito, venu faire ici son cirque et ses grimaces (quelle tristesse !), tandis qu’on ne reconnaît aucunement le visage de Jamie Lee Curtis dans sa boule de cristal, elle qui interprète la célèbre Madame Leota. Que dire également de la présence d’Owen Wilson au casting, lui qui ne sert à rien, ou à peu de chose près ? Ainsi, malgré ses multiples présences, et artifices (dont initialement ses décors), "Le Manoir Hanté" manque cruellement d’âme. On se consolera ainsi en imaginant ce qu’aurait pu être cette nouvelle adaptation si le projet le Guillermo del Toro (ou au moins son scénario) avait abouti...
