Genre : Animation, familial
Durée : 102’
Acteurs : Leah Lewis (Adèle Exarchopoulos en VF), Mamoudou Athie (Vincent Lacoste en VF), Wendi McLendon-Covey, Catherine O’Hara...
Synopsis :
Dans la ville d’Element City, le feu, l’eau, la terre et l’air vivent dans la plus parfaite harmonie. C’est ici que résident Flam, une jeune femme intrépide et vive d’esprit, au caractère bien trempé, et Flack, un garçon sentimental et amusant, plutôt suiveur dans l’âme. L’amitié qu’ils se portent remet en question les croyances de Flam sur le monde dans lequel ils vivent...
La critique de Julien
27e long métrage d’animation des studios Disney Pixar, "Élémentaire" a tièdement enflammé en Sélection officielle hors compétition le 76e Festival de Cannes, lors de sa fermeture en mai dernier, huit ans après que "Vice-Versa" de Pete Docter et Ronnie del Carmen y fut présenté. Dans ce film doublé en version française par Vincent Lacoste et Adèle Exarchopoulos, Pixar embrasse des thèmes qui lui sont habituellement chers, ainsi que d’autres, plus d’actualité, tels que le racisme et la xénophobie. Or, force est de constater que la flamme de la créativité et de l’émotion brille encore (relativement) chez Pixar, malgré l’échec cuisant l’année dernière de "Buzz L’Éclair", lequel était le premier film du studio à bénéficier d’une sortie en salles depuis "En Avant" (2020), étant donné la pandémie, tandis que "Luca", "Soul" et "Alerte Rouge !", sorti entre temps sur Disney+, n’avaient pas eu cette chance...
C’est à Peter Sohn que l’on doit ce film, lui qui est né dans le Bronx de parents immigrants coréens, et a grandi à New York. Tandis qu’il travaille pour les studios Pixar depuis vingt ans, on lui doit également la réalisation de "Voyage d’Arlo/The Good Dinosaur" (2015), reconnu comme étant le premier échec de Pixar. Or, "Elémentaire" vient tristement de réaliser le pire démarrage au box-office américain pour un film signé Pixar, bien qu’il semble formidablement bien se stabiliser depuis, ce qui prouve que le bouche-à-oreille a bien lieu. Et on comprend pourquoi, tant ce film d’animation s’avère irrésistible, malgré sa bouillonnante prévisibilité...
En quelques mots, c’est dans un monde peuplé d’êtres anthropomorphes prenant la forme des quatre éléments de la nature [1] que prend part cette histoire où le jeune couple formé de Brul et Sandra Lumen, des éléments de feu, immigrent à Element City, lesquels ont dû fuir leurs terres de Fireland, mais sans la bénédiction de leurs parents. Ces derniers, confrontés au rejet vis-à-vis de la part des autres éléments, trouveront, tant bien que mal, un logement. De fil en aiguille, d’année en année, le couple se fera alors une place dans la ville, permettant aux autres flamboyants d’y trouver refuge aux alentours. Les Mulen réaliseront d’ailleurs leur rêve, c’est-à-dire ouvrir une boutique, appelée le Foyer, lesquels y feront brûler une flamme bleue, symbolisant leur héritage et leurs traditions. Naîtra de leur amour la petite Flam, une fille au tempérament fougueux, et surtout volcanique, elle qui a bien du mal à contenir sa colère, surtout face aux clients difficiles. Or, cette dernière espère reprendre un jour le flambeau de la boutique familiale, que lui léguera évidemment son père lorsqu’elle sera "prête", plaçant de grands espoirs en elle. C’est alors qu’il lui confiera le jour de l’ouverture des "soldes d’enfer". Sauf que tout ne se passera pas comme prévu pour Flam. En résultera - dans les grandes lignes - sa rencontre impromptue avec Flack, un jeune aquatique et inspecteur des eaux pour Element City, qui enverra un rapport à la ville concernant la plomberie du Foyer, et qui risquerait d’engendrer sa fermeture. Bien que trop tard, Flack sera pris de remords lorsqu’il se rendra compte de la situation de Flam, et du risque que représente celle-ci pour elle et les siens. Le feu et l’eau peuvent-ils alors réussir à s’unir pour éviter que cela n’arrive, malgré le fait qu’ils ne peuvent - en théorie et en pratique - pas être "en couple" ? En jouant ainsi avec le feu, Flam se retrouvera embarquée dans une aventure et des sentiments qui remettront en question ce à quoi elle était destinée...
Baigné dans un univers très coloré, malgré des décors peu exploités, "Élémentaire" est un film d’animation tout feu tout flamme, lui qui embrasse la lumière tant qu’elle brûle ! On s’attache ici inévitablement au duo formé par ses deux personnages principaux, Flam et Flack, la première étant vive d’esprit, refusant de trop s’éloigner du Foyer, elle qui attend d’ailleurs impatiemment le jour où elle pourra hériter de l’étincelle du lointain pays de son papa, lequel est son modèle, qu’elle ne peut donc décevoir. Le second, plus décontracté et... fluide que Flam, vit librement sa vie, lequel est très émotif et pleure en un clin d’œil. Or, s’ils se touchaient, elle s’éteindrait, et lui s’évaporerait. On se doute évidemment que ceux deux-là sont âmes-sœurs, et vont ressentir l’un pour l’autre feu feu sacré, s’attirant comme deux gouttes d’eau. Pourtant, le spectateur n’y verra ici que... du feu, étant donné une animation rondement divertissante, tandis que l’émotion est au rendez-vous, elle que l’on sent monter en nous, tout en se matérialisant par une petite larmichette. Le film de Peter Sohn, écrit à trois mains (celle de Jean Hoberg, Kat Likkel et Brenda Hsueh), n’en oublie cependant pas l’humour, avec quelques situations cocasses qui nous éclaboussent de rire et mettent le feu aux poudres. Malgré le caractère convenu de son écriture, "Élémentaire" fait quelque peu preuve d’inventivité dans ses péripéties, et utilise parfois à bon escient cette idée des quatre éléments de la nature rassemblés, notamment dans ses dialogues, qui ne tombent jamais à l’eau, et au travers desquels ont peut y entendre de savoureux jeux de mots contextuels.
Touche-à-tout, cette histoire de mixité, d’affirmation de soi et de ses propres rêves est parsemée de plusieurs niveaux de lecture et de thèmes fédérateurs qu’aime tant Pixar. On y parle alors autant du poids de l’héritage que du lien père/fille, mais aussi d’amour malgré les frontières préétablies que d’émotions contradictoires, etc. Bien que la recette ne brûle pas sur le feu, on regrette tout de même qu’elle soit trop épicée en ses seuls personnages principaux, alors que les aériens et les terriens n’ont - par exemple - rien à y faire (ou presque). Aussi, Element City et ses visuels ne sont ici que trop peu exploités, ce qui est (très) décevant. Mais le seul véritable bémol de ce film d’animation est sans aucun doute son écriture, pour le coup assez élémentaire au sein du catalogue Pixar. Ainsi, si le savoir-faire des studios n’était pas au rendez-vous pour créer une nouvelle fois une bulle d’oxygène bienveillante et d’émotions tous azimuts, amenées alors par une idée des plus originales, alors le film de Peter Sohn aurait vite fait d’éteindre sa flamme. Car "Elémentaire" est un film d’animation dont on voit trop facilement à travers, quitte à donc être transparent, lequel ne parvient jamais à surprendre... Pourtant, on s’incline, une fois de plus, devant ce dernier né des studios Pixar (mourant à petit feu ?), touché par ses messages et leurs évocations (moins par son doublage, assez antipathique). Mais jusqu’à quand ? Réponse peut-être avec "Elio" en février prochain, et sans doute davantage avec la suite de "Vice-Versa", en juin de la même année...