Genre : Documentaire
Durée : 82’
Acteurs : Jean Dujardin (voix-off)
Synopsis :
Une baleine à bosse s’est échouée sur un rivage isolé. Alors qu’un groupe d’hommes et de femmes organise son sauvetage, nous découvrons l’histoire extraordinaire des cétacés, essentiels à l’écosystème de notre planète depuis plus de 50 millions d’années.
La critique de Julien
Inspiré du poème et plaidoyer "Whale Nation" (1988) d’Heathcote Williams, "Les Gardiennes de la Planète" est le nouveau documentaire du cinéaste Jean-Albert Lièvre, lequel a tourné les somptueuses images de ce film pendant la pandémie, et cela à équipe (très) réduite. Raconté par la voix-off de Jean Dujardin, ce documentaire a la particularité d’être une expérience de cinéma en lui-même, à l’image de son ouverture, plutôt métaphysique dans son approche visuelle et auditive. On y voit d’une part une sonde voyageant dans l’espace et diffusant un chant de baleine, en guise de message de paix, cela faisant bien évidemment référence à Voyager 2, lancée le 20 août 1977 de Cap Canaveral, en Floride, et voyageant depuis, avec également à son bord, la chanson "Johnny B. Goode" de Chuck Berry, ou encore du Jean-Sébastien Bach, à destination ainsi d’éventuels extraterrestres. Ces premiers plans dévoilent aussi une baleine échouée sur une plage d’un endroit inconnu, alors qu’un enfant commence à lui porter les premiers secours, tandis que la vue d’un embryon de baleine est également perceptive, le tout porté la douce voix de Jean Dujardin, qui l’est tout autant. Bienvenue ainsi dans un voyage au cœur de la vie de ces êtres dotés d’une des plus grandes intelligences sur Terre, et d’un moyen de communication hors pair, échappant encore à l’homme...
Ayant pour ancêtre un animal terrestre, les baleines sont apparues sur Terre il y a environ 50 millions d’années, alors que quatre lignées de ces mammifères, qui étaient sorties des eaux, y sont retournées, repartant ainsi à la conquête de ce milieu grâce à de multiples adaptations, notamment au niveau du système de locomotion, et pulmonaire. D’ailleurs, outre le fait que "Les Gardiennes de la Planète" nous raconte de l’histoire des cétacés et de leur (sur)vie sur Terre, le film nous parle aussi de leur rôle figuré de "poumon" de la Terre, via le phytoplancton qu’ils mangent, mais nourrissent aussi par leurs excréments, lequel absorbe le carbone en libérant de l’oxygène - indispensable à la vie - et nourrissant à son tour d’autres organismes.
Mais Jean-Albert Lièvre ne passe évidemment pas à côté du fléau de la chasse à la baleine, à une époque où "tout y était bon", alors que certaines villes du monde dépendaient entièrement de celle-ci. Chaque partie et sécrétion de son corps servaient, d’une manière ou d’une autre, à l’humain, alors qu’elles commencèrent à être chassées dès le Moyen Âge (et peut-être même dès l’Antiquité romaine), que ça soit ainsi pour l’huile qui en était extraite ou leurs sécrétions, mais également pour leurs fanons, eux qui composent la mâchoire supérieure des cétacés (surtout chez les baleines franches et grises), et autrefois utilisés pour rigidifier le soutien-gorge, le corset ou encore le parapluie, alors que ces structures, aujourd’hui remplacées par du plastique ou du métal, portent toujours le nom de "baleine", en mémoire de leur composition originelle.
"Les Gardiennes de la Planète" conscientise également quant à notre rôle et leurs conséquences sur la vie des baleines, notamment aussi au niveau de leur communication perturbée (via les sonars que nous utilisons, et qui la parasitent), la circulation maritime (collisions), la pollution (plastique), etc. Cependant, Jean-Albert Lièvre ne se montre, d’après nous, pas assez percutant dans sa manière de présenter les choses, préférant faire assister le public à plusieurs ballets aquatiques de baleines, majestueusement filmés, ou les filmer en train de littéralement glisser sous la surface de l’eau, en inversant ainsi les plans de la caméra, plutôt que de nous responsabiliser quant à leur extinction, même si celles-ci sont, aujourd’hui, majoritairement protégées.
D’ailleurs, le parti-pris du sauvetage (heureux) d’une baleine par l’humain, rythmant ainsi le métrage, joue en notre faveur, alors qu’on est bien la cause... Aussi, le cinéaste fait choix d’illustrer ses images par une bande-originale déconcertante, faite de musiques contemporaines et de classiques de la pop, venant souvent contrecarrer, étouffer le majestueux chant des baleines, et la beauté sidérante des images. Mais cela fait définitivement partie intégrante du côté expérimental du projet, auquel on ne regrette pas d’avoir assisté, alors que Jean-Albert Lièvre, malgré ses manquements et l’anthropomorphisme de ses propos, livre un bel hommage à ces gardiennes de l’humanité, desquelles, non pas nous, mais la vie ne peut se passer...