Genre : Drame, romance, film historique
Durée : 115’
Acteurs : Ashley Shelton, LaDainian Crazy Thunder, Iona Red Bear, Woodrow Lone Elk, Jojo Bapteise Whiting...
Synopsis :
Deux jeunes hommes de la tribu Oglala Lakota vivent dans la réserve amérindienne de Pine Ridge. A 23 ans, Bill cherche à joindre les deux bouts. Que ce soit en faisant des livraisons ou en élevant des caniches, il est déterminé à se frayer un chemin pour atteindre le “rêve américain”. Matho, 12 ans, est quant à lui impatient de devenir un homme. Cherchant désespérément à obtenir l’assentiment de son jeune père, Matho prend une série de décisions impulsives qui bouleversent sa vie et ne lui permettent pas de faire face aux dures réalités du monde. Liés par leur quête d’appartenance à une société qui leur est hostile, Bill et Matho tentent de tracer leur propre voie vers l’âge adulte.
La critique de Julien
Caméra d’or au Festival de Cannes 2022, récompensant le meilleur premier film de toutes les sections du festival, "War Pony" est coréalisé par Gina Gammell et Riley Keough, qui n’est autre que la fille de Lisa Marie Presley (et donc l’une des petites-filles d’Elvis et de Priscilla Presley), elle qu’on a déjà pu voir jouer au cinéma, dont notamment dans le film "American Honey" (2016) d’Andrea Arnold (Prix du Jury au Festival de Cannes 2016). C’est justement durant la production de ce film que Riley Keough s’est liée d’amitié avec Franklin Sioux Bob et Bill Reddy, deux figurants Lakota originaires de la réserve indienne de Pine Ridge, jusque-là sans aucune expérience d’acteur, avant qu’Arnold ne les enrôle. C’est à la suite de leur rencontre et de la naissance de leur amitié qu’elle les a présentés à sa meilleure amie, Gina Gammell. C’est alors à quatre qu’ils ont commencé à réfléchir à une histoire tournant autour des expériences de vie et des souvenirs des deux hommes. Après sept ans de gestation, le film a (enfin) fini par émerger, lequel a reçu l’opportunité de concourir dans la sélection "Un Certain Regard" du Festival de Cannes, dont le jeune acteur principal LaDainian Crazy Thunder n’avait jamais entendu parler. Aidé par le producteur local et tribal de la tribu Oglala Sioux qu’est Willi White, les cinéastes, se retrouvant devant trop de matériel, ont finalement décidé de diviser l’histoire autour de deux protagonistes, évoluant en parallèle dans la réserve...
On y suit d’une part Bill (Jojo Bapteise Whiting), un jeune homme laconique de 23 ans fuyant ses responsabilités, lui qui est père de deux bambins nés de mères différentes, lequel ne s’occupe pas d’eux et les a laissés à ces dernières. Lui vit alors de petits boulots pas très catholiques et de pillages, et essaie de gagner de l’argent en tant qu’éleveur de chien. L’autre jeune homme, c’est Matho (LaDainian Crazy Thunder), 12 ans, fils d’un trafiquant de drogue, livré à lui-même, et qui manque ainsi de repères, bien qu’il aille encore à l’école. Mais une fois que son père quitte le domicile, Matho y retrouve ses amis, avec lesquels il fume, tout en vendant aussi la marchandise de son père, avec les risques qu’il encourt...
Au travers du portrait de ces deux garçons, "War Pony" nous parle de la longue quête d’appartenance de toute être à un monde où les (mêmes) chances sociales ne sont données à tout le monde, et où l’horizon est ici sauvage, et poussières. Car Bill et Matho ne possèdent - à proprement parler - rien, et l’avenir leur est bien incertain, eux qui tentent ainsi d’exister, de s’en sortir comme ils peuvent, même si leurs combines sont illégales. Riley Keough et Gina Gammel les filment alors au plus près de leur réalité, et de celles de leurs coscénaristes, à Pine Ridge, étant l’un des endroits les plus pauvres d’Amérique, alors que la population y souffre notamment de malnutrition, de dépression ou encore d’alcoolisme, tandis que la toxicomanie y est un véritable fléau (notamment pas la vente de méthamphétamine). Là-bas, le taux de mortalité et de suicide y est bien plus élevé que la moyenne nationale, et on comprend malheureusement pourquoi, tandis qu’un tiers de sa population n’a même pas accès à tout service de raccordements (électricité, téléphone, égout, etc.) ou de soin de santé (médecin, hôpital, eau courante, etc.). "War Pony" et sa sublime photographie nous montrent ainsi le sort des minorités ethniques, laissées-pour-compte, après avoir pourtant déjà vécu l’oppression et les traumas. Sans fard ni paillettes, ce long métrage n’en oublie pourtant pas la vie, au travers du quotidien de ces enfants et jeunes adultes qui ne se laissent pas faire, ni abattre, alors qu’on se doute ici que leurs chemins finiront bien par se croiser, à un moment (tardif) ou à un autre, au sein d’une intrigue fictive baignée de réalisme, avançant au compte-goutte, et sans véritables enjeux. La résistance prime alors sur l’abandon de soi, et la force de résilience des personnages l’emporte finalement sur les mirages que la vie leur réserve, à l’image d’un imposant bison qui leur apparaît, avant de disparaître aussitôt...