Genre : Comédie dramatique
Durée : 87’
Acteurs : Justine Lacroix, Benoît Poelvoorde, Steve Tientcheu, Pablo Pauly, Sofian Khammes...
Synopsis :
Lucie a 15 ans et une imagination débordante. Elle vit seule avec William, son père, qui, sous ses abords d’adolescent attardé, lutte contre la sclérose en plaques. Entre le collège, un petit boulot et la charge du quotidien, Lucie gère tant bien que mal, et s’échappe dans l’écriture d’un roman autobiographique fantasque, qui navigue entre rêve et réalité... L’annonce de la visite d’une assistante sociale va bousculer cet équilibre précaire. Lucie et son père vont devoir redoubler d’inventivité pour donner l’illusion d’une vie normale.
La critique de Julien
Libre adaptation de la pièce de théâtre "Monster in The Hall" (2010) de David Greig, "Normale" est la nouvelle réalisation du cinéaste français Olivier Babinet, trois ans après "Poissonsexe". Brouillant les pistes, ce métrage se veut être un teen-movie, parsemé de touches de fantastique, et de chronique sociale. Or, ce n’est pas la première fois qu’il s’attaque ici à l’adolescence, lui qui en avait fait le sujet principal de son documentaire à succès "Swagger" (2016), né d’une série d’ateliers cinéma qu’il avait animé dans un collège d’Aulnay-sous-Bois, mettant dès lors en scène une dizaine d’enfants et adolescents issus de cités les plus défavorisées de France, aux personnalités surprenantes et débordantes d’imagination...
Le film suit alors le quotidien de Lucie (Justine Lacroix, l’une des filles de Bouli Lanners dans le film de Claire Burger "C’est ça l’Amour", sorti en 2018), une adolescente de quinze ans, connectée à l’imaginaire, laquelle s’emploie à s’éloigner de sa condition en écrivant un roman d’heroic fantasy autobiographique, elle qui s’occupe (et non le contraire) de son veuf père William (Benoît Poelvoorde), atteint d’une maladie dégénérative, et fan de zombies. C’est simple : c’est elle qui s’occupe de tout, dont de préparer les médicaments de ce dernier, mais également des factures, du ménage (etc.), tandis qu’elle a un petit boulot en dehors du collège. C’est alors que l’une de ses CPE (Conseillère Principale d’Education), inquiète par la chute de ses résultats, ses arrivées tardives et sa fatigue, lui annoncera la visite prochaine d’une assistance sociale à domicile. Heureusement, la jeune demoiselle sera aidée par le bel Étienne (Joseph Rozé), dont elle est bleue...
Pour "Normale", Olivier Babinet a puisé dans ses propres souvenirs, lequel se raconte, en partie, à bien des égards, au travers de son personnage principal, adolescent, qu’il a été un jour. Or, son film, ponctué d’onirisme, se veut ancré dans une réalité déconnectée de notre propre réalité. Et pour cause, on ne sait rien de la temporalité de cette histoire ni de son cadre spatial, si ce n’est qu’elle a lieu en France (dans la ville de Chelles, située à côté de Paris). Le fond et la forme ne se ressemblent dès lors pas dans cette curieuse histoire qui tend une grande part de son intrigue à l’amour filial. La demoiselle fait d’ailleurs tout pour protéger son père et leur relation, elle qui ne souhaite aucunement être placée en foyer, malgré les complications inéluctables de la sclérose en plaques de ce dernier, laquelle touche le système nerveux central, et a, par exemples, pour conséquences des paralysies ou faiblesses musculaires, ou des problèmes de vue. Mais le cinéaste fait choix ici de ne pas apitoyer son héroïne sur son sort, ni d’ailleurs celui de son père, loin donc de tout misérabilisme. Bien que le quotidien que vivent ses personnages ne soit dès lors pas des plus heureux, Olivier Babinet, offrant à la mise en scène de son film un soupçon de fantastique, que ça soit par le biais de certains personnages, ou de certaines péripéties, permet à l’ensemble d’exister au-delà de ce qu’on pourrait penser de la situation vécue en son sein. En résulte alors un étrange mélange des genres, assez déstabilisant, mais duquel on reste, faute d’émotion et d’éclat, à l’extérieur.
Qu’il le veuille ou non, "Normale" se regarde comme un tendre ovni, bien aidé par la complicité entre ses acteurs, dont un Benoit Poelvoorde mesuré, ayant pour l’occasion laissé pousser ses cheveux. Ainsi, malgré les manquements de son personnage en tant que père, le fait qu’il fume (encore) des pétards pour soulager ses douleurs et tremblements, ou encore son allure peu flatteuse, l’acteur revient à un rôle plus sensible, loin des frasques et de l’expressivité qu’on connaît du personnage qu’il est, bien qu’il soit un homme extrêmement angoissé dans la vraie vie ; d’où l’authenticité qui se dégage de son interprétation. Face à lui, Justine Lacroix peine cependant à convaincre, la faute à l’écriture de son personnage, faisant trop longtemps du surplace, ce qui est quelque peu ici à l’image du récit, qui ne raconte finalement pas grand-chose, et manque d’entrain que pour réussir à nous entraîner avec lui dans sa folie douce-amère, et fable sociale voulue comme atemporelle...