Synopsis : 1988, l’Angleterre de Margaret Thatcher. Jean, professeure d’éducation physique, est obligée de cacher son homosexualité, surtout depuis le vote d’une loi stigmatisant la communauté gay. C’est sans compter sur une nouvelle étudiante qui menace de révéler son secret…
Acteurs : Kerrie Hayes, Rosy McEwen, Stacy Abalogun
Pour son premier long-métrage de fiction, la réalisatrice Georgia Oakley (qui en est également la scénariste) situe son intrigue l’année de sa naissance, en 1988, durant les années Thatcher et particulièrement dans le cadre de l’article 28 qui prescrivait que l’autorité locale « ne devait pas promouvoir intentionnellement l’homosexualité ou publier des documents dans l’intention de promouvoir l’homosexualité » ou « promouvoir l’enseignement dans aucune école publique de l’acceptabilité de l’homosexualité en tant que prétendue relation familiale ». Il s’agit d’un amendement à un acte de gouvernement local de 1986 au Royaume-Uni. Cet article 28 a été abrogé en 2000 en Écosse et en 2003 dans le reste du Royaume-Uni (source).
Blue Jean a obtenu le Prix du Public au Festival de Venise en 2022 et obtenu au British Independent Film Awards les prix suivants : Meilleur rôle principal, Meilleur rôle secondaire, Meilleur premier film, Meilleur casting ! Ces prix sont amplement mérités !
Le film a une dimension à la fois personnelle et politique. C’est qu’il nous donne à connaître l’existence professionnelle d’une professeure d’éducation physique, à l’école publique du Tyneside, Jean (Rosy McEwen) plutôt introvertie, et les relations avec les collègues et les étudiant·e·s. Elle y révèle peu d’elle-même et se cantonne à faire son travail avec compétence, rigueur et respect. Ses élèves la respectent. Mais nous dépassons ce cadre pour découvrir une autre facette de Jean : sa vie privée et affective. C’est qu’elle a une compagne, Viv (Kerrie Hayes), extravertie, qui assume son homosexualité et n’accepte pas bien les personnes qui ne s’assument pas. Car c’est bien le cas de Jean qui fait tout pour cloisonner son existence et sa vie affective de son travail, et c’est à ce point qu’elle est toujours sur la réserve, même lorsqu’elle sort dans une boite fréquentée des, voire réservée aux lesbiennes. Elle reste donc constamment sur ses gardes, adopte un profil bas et se présente comme femme divorcée, ce qui lui assure une "couverture" ! Elle se tient en retrait lorsque des collègues ont des discours homophobes. Les deux mondes sont cloisonnés et tout devrait être pour le mieux dans le meilleur des mondes (en tout cas celui de Jean, pas celui de Viv qui en souffre) si un grain de sable ne venait gripper l’engrenage.
En effet, elle retrouvera une de ses étudiantes dans la boîte lesbienne qu’elle fréquente. Il s’agit de Lois (Lucy Halliday) qui est déjà mise au ban par ses condisciples qui ont dû prendre conscience de sa "différence" et vont l’ostraciser et la brimer. Le film nous fait découvrir cela de même que le peu d’aide qu’apporte sa professeure qui craint toujours d’être découverte. Cette relation, l’évolution de celle-ci et les divers incidents, dont l’un dans les douches [avec de Siobhan (Lydia Page), jalouse de l’attention de Joan pour Lois] vont être un des thèmes du film, d’autant que Lois sera renvoyée de l’école alors qu’elle est en quelque sorte la (mauvaise) conscience de son professeur.
Un dernier élément du film est d’ordre politique, dans la mesure où le contexte de l’article 28 est régulièrement rappelé par la BBC ainsi que le climat homophobe des institutions et de la population. Ce qui semble lointain et remonter à 35 ans apparaitra d’autant plus d’actualité au vu de l’homophobie croissante actuelle (qu’il s’agisse de la Russie, de la Hongrie, de la Pologne et même des USA et de nombreux pays d’Afrique) dont on découvre jour après jour les dégâts durables sur celles et ceux qui en sont les cibles.
La réalisatrice arrive à rendre tangible le climat de l’époque par le grain de la pellicule 16 mm, mais aussi par les décors (maisons, intérieurs, vêtements...), la BBC en toile de fond régulière, mais aussi la bande avec The Clash qui, de sa constitution en 1976 à sa dissolution en 1986, va apporter une dimension punk rock à même de rendre compte de la tension entre la politique conservatrice de l’époque Tchatcher et des forces de rébellion.
NB : affiche provisoire