Genre : Drame, action
Durée : 116’
Acteurs : Michael B. Jordan, Tessa Thompson, Jonathan Majors, Florian Munteanu, Wood Harris, Phylicia Rashad...
Synopsis :
Idole de la boxe et entouré de sa famille, Adonis Creed n’a plus rien à prouver. Jusqu’au jour où son ami d’enfance, Damian, prodige de la boxe lui aussi, refait surface. A peine sorti de prison, Damian est prêt à tout pour monter sur le ring et reprendre ses droits. Adonis joue alors sa survie, face à un adversaire déterminé à l’anéantir.
La critique de Julien
Quatre ans déjà qu’Adonis « Donnie » Johnson (Michael B. Jordan), le poulain de Rocky Balboa (Sylvester Stallone) mettait KO Viktor Drago (Florian Munteanu), le fils de l’antagoniste principal de « Rocky 4 » (1985), Ivan Drago (Dolph Lundgren), lequel était venu chercher une revanche face à Rocky, à la suite de sa propre défaite, bien des années plus tôt, et cela via son jeune protégé, le fils d’Apollo Creed (Carl Weathers), lui-même victime sur le ring d’Ivan Drago. Aujourd’hui, Creed a pris sa retraite, lui qui est à la tête d’un empire, et dirige une académie de boxe, prenant sous son aile de jeunes boxeurs, et organisant des combats à forts enjeux médiatiques, tout en s’occupant de sa famille, dont sa femme Bianca (Tessa Thompson), ayant abandonné pour raison de santé sa carrière de chanteuse pour devenir productrice, et leur fille, Amara, sourde de naissance, tandis que la mère d’Adonis vient d’être victime d’un accident vasculaire cérébral (Phylicia Rashd). Le film s’ouvre alors sur une scène de flash-back où l’on y découvre, à LA, vingt ans plus tôt, le jeune Adonis fuir une agression dont il était l’auteur, mais à la suite de laquelle son ami Damian « Dame » Anderson (Spence Moore à 18 ans, et Jonathan Majors de nos jours), aspirant à devenir professionnel et champion du monde, allait, en le défendant, être emprisonné. Sorti maintenant de prison, ce dernier va dès lors refaire apparition dans la vie de Creed, lequel s’en veut toujours de l’avoir abandonné, quitte à le prendre sous son aile, au grand dam de l’entraîneur Little Duke (Wood Harris), ne le considérant, quant à lui, pas comme un boxeur. Pourtant, Adonis fera de Dame le sparring-partner de Felix Chavez (Jose Benavidez), soit de son propre chouchou, et futur champion du monde des poids lourds. Mais à la suite d’une blessure infligée volontairement par un inconnu au prochain rival (Drago) de ce dernier à une soirée pour le label de Bianca, Adonis n’aura d’autre choix que de choisir Dame comme adversaire de Felix, ne voulant pas perdre l’argent dépensé pour l’organisation de l’évènement que tout le monde attend, ayant de plus une confiance aveugle en la victoire de Felix. Sauf qu’il en sera tout autre...
Une question pour commencer : où est Stallone ? L’acteur, pourtant bien présent dans « Creed : l’Héritage de Rocky Balboa » (2016), lui ayant valu le Golden Globes du meilleur acteur dans un second rôle dans un film dramatique, tout comme il jouait également dans « Creed II » est absent ici pour deux raisons. La première est liée à la trajectoire prise par cette suite, laquelle se concentre davantage sur les traumatismes de jeunesse d’Adonis, et comment ceux-ci vont se répercuter sur son présent. L’acteur a ainsi pointé du doigt, en novembre 2020 au Hollywood Reporter, la sombre direction de la saga, qu’il n’aurait pas prise. Mais surtout, Sylvester Stallone est en conflit avec le producteur Irwin Winkler (91 ans), à qui il avait vendu les droits de « Rocky » au moment de la sortie du premier film, en 1976, sans se rendre compte du potentiel de son personnage. On comprend qu’il ait encore au travers de la gorge ! Virulent sur les réseaux (avant de supprimer chacun de ses posts), ce dernier s’en est même aux fils de Winkler, Charles et David, lesquels, d’après lui, « dévorent les os » d’un autre personnage qu’il a créé. Or, sans être producteur exécutif, au contraire desdits enfants, ou encore de William Chartoff, Stallone n’a aucun mot à dire sur la tournure de la franchise. C’est donc bien triste, mais c’est comme ça, d’autant plus que le film est cette fois-ci réalisé par Michael B. Jordan lui-même, tout comme il est un autre producteur du film, souhaitait que son personnage « tiennent sur ses deux pieds », et que cette histoire parle d’Adonis, avançant au côté de sa famille. Pourtant, entre nous, Adonis a bien eu besoin des services de Rocky pour devenir le champion qu’il est, mais également pour l’aider à venger sur le ring - avec un sentiment de devoir - la mort de son père (qu’il n’a pas connu), et ainsi se libérer d’un poids... lourd. Faire ainsi mine de ne plus avoir besoin de lui, alors que Rocky était tel un père de substitution pour ce dernier, est un peu lâche, et facile. Qu’importe. Force est de constater que l’absence du père de Rocky ne fut pas un frein pour les spectateurs, lesquels ont parlés. En effet, « Creed III » a réalisé le meilleur démarrage des six films aux Etats-Unis, tandis qu’il suit la même mouvance dans le reste du monde. On doute dès lors ainsi du retour de Sylvester Stallone. Mais le combat n’est pas perdu...
Alors qu’on reprochait à « Creed 2 » de ne pas prendre de risques, tout en empruntant au répertoire de la saga avec maturité (sans avoir donc à en rougir), ce troisième épisode et spin-off vise les uppercuts. Alors que son mentor grimpait les escaliers donnant sur la façade sud du Philadelphia Museum of Art de Philadelphie (les Rocky Steps), Creed gravi quant à lui cette fois-ci le mont Lee, soit la colline surplombant Hollywood, avec ses immenses lettres, tandis que les différents combats filmés le sont avec une certaine maîtrise, donnant à redouter les coups entre adversaires, que Michael B. Jordan filme au ralenti pour les plus douloureux d’entre eux, histoire de nous faire appréhender les prochains, et ressentir, au passage, la douleur, en silence, dans notre siège de cinéma. On ne va dès lors pas vous mentir, et dire que « Creed III » est d’une efficacité redoutable, où son acteur et réalisateur, en plus de porter (et d’encaisser) les coups, offre à son film une certaine classe, alors que Ralph Lauren a fourni une série de costumes portée justement par Adonis Creed, dont un modèle vert olive décontracté porté avec un hoodie, un ensemble à veste croisée grise à rayures ou encore un costume-cravate noir cintré. Rien que ça. Sur le ring, c’est tout autre chose, puisqu’on a droit aux torses (volontairement ?) mouillés des acteurs (avant même qu’ils combattent), dont celui de Jonathan Majors, dans le rôle ici de l’antagoniste, d’une grande animosité, et à la carrure impressionnante, venu retrouver celui qui, jadis, l’a abandonné, et n’a jamais répondu à ses lettres, afin d’orchestrer sa vengeance, et à l’intimider quant à sa revanche à prendre sur le titre de champion de boxe poids lourds, qu’il revendique. Et entre nous, si on sait tous comment le film commence, on sait surtout également comment il va se terminer...
« Creed III » ne renouvelle dès lors aucunement le film de boxe, lequel exorcise ici sur le ring un traumatisme d’enfance et la culpabilité qui va avec, Adonis, hanté, se sentant coupable pour ce qu’il a fait subir à son ami (lesquels étaient tout deux dans la même maison d’accueil), tandis que ce dernier lui retournera la tête, et l’aiguillonnera, en public, le traitant de lâche. Ainsi, plutôt que d’affronter le présent, et de laisser le passé derrière lui (alors qu’il était pourtant bien trop jeune à l’époque pour prendre les bonnes décisions), Adonis va sortir de sa retraite pour affronter Dame. Mais on aura - bien évidemment - droit avant cela à un long entraînement bodybuildé, à grand renfort d’une bande-originale urbaine. Le film nous offre ainsi un combat de gladiateurs, filmé au Dodger Stadium, et surnommé la « Bataille de Los Angeles », tandis que Michael B. Jordan ne manque pas d’inventivité pour tourner sa séquence, alors qu’on y verra, dans ses derniers retranchements, les deux adversaires s’affronter comme s’il n’y avait pas de public autour d’eux, et sans musique, alors que des barreaux de prison remplace les cordes de « l’enceinte », en clin d’œil à la psychologie actuelle de leurs personnages, et à leur histoire commune. En parallèle, « Creed III » ne lésine pas non plus sur l’émotion, puisque son héros sera également confronté à la maladie de sa mère, alors que sa petite fille, muette, aspire à devenir comme lui, quitte à s’attirer des ennuis à l’école, tandis qu’il aura bien du mal à s’ouvrir à son épouse quant au passé qui le lie à Dame...
Alors que « Creed III » est en train de déclencher des bagarres dans certaines salles de cinéma en France, lesquelles les retirent dès lors de l’affiche (ce qui ne l’empêche pas d’être un grand succès), on est à même de se questionner sur la nécessité de ce film, qu’on a ainsi l’impression d’avoir déjà vu à plusieurs reprises, alors que l’absence de Sylvester Stallone, soit le sel de cette franchise, et à qui l’on doit l’existence d’Adonis Creed, se fait ressentir. Et ce ne sont pas les rares clins d’œil à Rocky qui nous consoleront. Cependant, les fans du genre apprécieront, alors que « Creed III » suit un cahier des charges bien rempli, tout en traçant son propre chemin. Reste à savoir maintenant où celui-ci le mènera...