Genre : Drame
Durée : 110’
Acteurs : Oulaya Amamra, Lina El Arabi, Niels Arestrup, Zinedine Soualem, Nadia Kaci...
Synopsis :
A 17 ans, Zahia Ziouani rêve de devenir cheffe d’orchestre. Sa sœur jumelle, Fettouma, violoncelliste professionnelle. Bercées depuis leur plus tendre enfance par la musique symphonique classique, elles souhaitent à leur tour la rendre accessible à tous et dans tous les territoires. Alors comment peut-on accomplir ces rêves si ambitieux en 1995 quand on est une femme, d’origine algérienne et qu’on vient de Seine-Saint-Denis ? Avec détermination, passion, courage et surtout le projet incroyable de créer leur propre orchestre : Divertimento.
La critique de Julien
Après avoir fait polémique avec son dernier film - et gros échec - "A Good Man" (2020) pour le casting de l’actrice cisgenre Noémie Merlant dans le rôle d’un personnage transgenre, Marie-Castille Mention-Schaar revient à du cinéma plus conventionnel dans ses intensions, et sans doute moins sensible, avec "Divertimento", lequel s’intéresse au parcours de la cheffe d’orchestre française d’origine algérienne Zahia Ziouani, ayant grandit dans le 93, mais étudié la musique au lycée Racine dès l’âge de dix-sept ans, laquelle a du y faire face, avec sa sœur jumelle (devenue violoniste) Fettouma Ziouani, au sectarisme et à la misogynie du milieu, alors que seulement 4% des chefs d’orchestre sont actuellement des femmes en France, contre 6 dans le monde... Alors qu’elles ont toutes deux participé au film et encadré ses jeunes actrices, la cinéaste française Marie-Castille Mention-Schaar, ayant vécu dans une famille passionnée de musique classique (père pianiste et chef d’orchestre, grand-mère violoniste, tandis qu’elle joue elle-même du piano), met ici en scène une inspirante histoire vraie de surpassements et d’accomplissement de soi et de ses rêves, malgré les (nombreux) obstacles.
Avant d’être un film, "Divertimento" est le nom de l’orchestre symphonique que Zahia Ziouani dirige depuis ses vingt ans, réunissant 70 musiciens issus de milieux les plus divers, elle qui a toujours visé l’accès à la musique classique au plus grand nombre, et plus globalement la diffusion de la culture, face à la société projetant de l’auto-censure, restreignant ainsi les chemins des possibles. Alors qu’elle fut élève du Maestro intransigeant Sergiu Celibidache (ici Niels Arestrup), à Munich, quant à lui persuadé - d’expérience - que les femmes n’avaient pas la persévérance de devenir cheffe, avant de rencontrer Zahia, son parcours est ici interprété par Oulaya Amamra (révélée dans le superbe film "Divines" d’Houda Benyamina), vue récemment dans la savoureuse comédie romantique estivale "Fragile", elle qui n’affiche pas ici un visage aussi solaire que dans ce dernier film, voire fermé. Cependant, l’actrice (qu’on espère voir davantage percer), sans aucune formation musicale classique, a dû redoubler d’efforts pour parvenir au résultat escompté, elle qui épouse ici les gestes chirurgicaux du métier de chef d’orchestre, notamment indispensable à la coordination et à la cohérence du jeu des instrumentistes. L’actrice française Lina El Arabi, qu’on a vue chez nous dans le percutant "Noces" (2017) de Stephan Streker, campe de son côté la sœur jumelle de Zahia, Fettouma, violoncelliste professionnelle, alors que son interprète a quant à elle d’excellentes bases en violon, bien que les deux instruments ne se jouent pas de la même façon. Dans leurs rôles de jeunes demoiselles infatigables (elles n’arrêtent pas) et déterminées malgré les humiliations, les deux actrices donnent en conviction, face à un casting de jeunes - et véritables - musiciens, sans que rien (ou presque) ne soit simulé, dont Marin Chapoutot (dans le rôle ici de Dylan, pianiste et clarinettiste avec qui répète Zahia), tandis que leurs parents sont joués par Zinedine Soualem et Nadia Kaci, desquels les deux filles ont reçu une éducation stricte, où ponctualité et respect sont maîtres.
Emmené par "La Bacchanale" de Camille Saint-Saëns, mais également par "Le Boléro" de Ravel, sans oublier Schubert ou Prokofiev, "Divertimento" est un film duquel on ressent la musique comme la vie, venue depuis un élan de bruits du quotidien, à l’image des nombreuses scènes où son interprète principal écoute les sirènes ou les voitures passer sous un pont, les transformant en musique, tandis qu’il dirige un orchestre imaginaire sur le toit de son immeuble. D’après une histoire écrite par Clara Bourreau, Marie-Castille Mention-Schaar réalise un récit d’émancipation qui tente de faire corps avec le métier qu’il met en scène, et son importance vis-à-vis de l’orchestre qu’il dirige, afin que le miracle ait lieu. Mais "Divertimento" suit une trame toute tracée, sans force de poigne dans sa réalisation, et avec des longueurs à la clef, mais sans cependant sortir le feu d’artifice final auquel les films du genre se sentent obligés, en apothéose, comme "Au Bout des Doigts" (2018) de Ludovic Bernard, ou "Ténor" (2022) de Claude Zidi Jr. Et cela est une bonne chose. La démarche est ici plus subtile, sociale, alors que la réussite de Zahia Ziouani n’est en rien le sujet principal de "Divertimento", au contraire de la musique comme vitalité, du féministe en son sein et, en filigrane, de son accessibilité malgré les préjugés établis dans notre société.