Genre : Thriller, comédie noire
Durée : 107’
Acteurs : Anya Taylor-Joy, Ralph Fiennes, Nicholas Hoult, John Leguizamo, Janet McTeer, Hong Chau...
Synopsis :
Un couple se rend sur une île isolée pour dîner dans un des restaurants les plus en vogue du moment, en compagnie d’autres invités triés sur le volet. Le savoureux menu concocté par le chef va leur réserver des surprises aussi étonnantes que radicales...
La critique de Julien
Faisant partie de la "Black List" regroupant les meilleurs scénarios en attente de développement, "Le Menu" devait initialement mettre en scène Emma Stone face au fictif Chef Julian Slowik (Ralph Fiennes), et cela devant la caméra d’Alexander Payne ("Downsizing", "The Descendants"). Changement de menu, puisque c’est finalement la très demandée Anya Taylor-Joy que l’on retrouve face à l’acteur britannique dans le rôle principal (pour lequel il était attablé depuis 2019), eux qui sont dirigés par le metteur en scène Mark Mylod, à qui l’on doit récemment plusieurs épisodes de la série "Game of Thrones". Intriguant projet qui éveillait nos papilles gustatives depuis le début de sa campagne promotionnelle, "Le Menu" nous emmène alors à la rencontre d’un groupe d’individus haut placés (un critique gastronomique, une star du cinéma, des commerciaux, etc.), lesquels sont invités à la table du restaurant Hawthorne, à 1250$ le couvert, n’accueillant que 12 personnes par soir, et situé sur une île privée, lui qui est détenu et exploité par ledit chef. Pour l’occasion, ce dernier a confectionné, à l’aide de ses commis (plus que) dévoués, un menu spécialement préparé pour ses invités. Sauf que l’un d’eux (Nicolas Hoult), passionné par le travail de Slowik, est venu accompagné d’une demoiselle (Taylor-Joy) qui n’est pas celle qui était prévue au départ sur la liste. Le Chef et ses invités ne sont donc pas au bout de leurs surprises...
Avec sa mise en scène raffinée, étonnamment rythmée par le service du Chef, lequel nous est alors détaillé à l’écran lorsque ses plats sont servis au compte-gouttes, tout en étant commentés par ce dernier (rappelant d’ailleurs tout le monde à l’ordre avec un sec tapage de mains), ce thriller culinaire se déguste sans mourir de faim, lui qui prend le temps d’installer ses convives, tout en mettant l’eau à la bouche du spectateur, à mesure que les monologues de Slowik, qui accompagnent ses plats, deviennent de plus en plus inquiétants, et violents. Car si tout ce beau monde est assis à sa table, c’est pour une raison bien particulière, que vous découvrirez en salles. Tout ce que l’on peut vous en dire, c’est que cette histoire - retors - parle de passion perdue par l’exploitation sans remords du travail d’artisan, ou encore par pression de la critique à l’égard de la gastronomie.
Jeu de massacre appétissant, bien que non-rassasiant et grandiloquent (plutôt que gore), "Le Menu" manque ainsi de consistance, la faute à une écriture quelque peu extrémiste, au regard du personnage humilié de Ralph Fiennes, à la mentalité manichéenne dont les facettes sont ici grossement servies. On aurait ainsi aimé plus de nuances, de face-à-face à hauteur de son geste (très) fort, qu’on a dès lors du mal à accepter avec le peu d’éléments fournis, approfondis. Cependant, on comprend au travers du jeu de l’excellent acteur et de son regard tout le mal-être qui l’a poussé à agir de la sorte, tandis que cette histoire est couplée d’un féroce commentaire social autour du consommacteur, sans respect pour la création qu’il consomme, et encore moins pour son créateur. L’avancée de l’intrigue profite alors du personnage d’Anya Taylor-Joy, lequel vient mettre un peu de piment dans ce menu, finalement vite englouti, sans qu’on ait ainsi véritablement goûté à toutes ses saveurs. De plus, les quelques péripéties oppressantes qui viennent ponctuer ce festin se révèlent nébuleuses, et aussi grossières qu’un cheeseburger, même s’il est servi avec passion et amour. On ne comprend pas toujours non plus où ce scénario veut en venir, ni même le sens caché derrière certaines scènes, et choix d’écriture. Autrement dit, la froide mise en place de Mark Mylod interroge, le menu six services s’avère sadique et sans pitié, mais son cœur ne livre pas toutes ses réponses. Ou du moins, il le fait trop rapidement, et avec trop d’assurance, sans exploiter en plus ses caractères. "Le Menu" manque donc d’assaisonnement, de motivations inachevées, de surprises venant justifier toutes ses très bonnes idées. Mais il demeure un thriller qui sort du lot, loin d’être aussi réchauffé que les récents films du genre, en plus de profiter d’un cadre innovant, et d’une photographie aux petits oignons.