Genre : Comédie, romance
Durée : 116’
Acteurs : Billy Eichner, Luke Macfarlane, Ts Madison, Monica Raymund, Guillermo Díaz...
Synopsis :
L’histoire de deux hommes dont la relation pourrait, peut-être, se transformer en une grande histoire d’amour.
La critique de Julien
Quelle tristesse d’apprendre, deux semaines avant sa sortie, que le film "Bros" se voit annuler en Belgique. Et c’est bien dommage, car on attendait beaucoup de cette comédie romantique, sortant quelque peu de l’ordinaire, étant donné qu’elle met en scène une romance entre deux hommes, en plus d’être portée majoritairement par une distribution ouvertement LGBTQ+, dont ses acteurs principaux. Et outre le teen movie "Love, Simon" (2018), c’est la première fois qu’une major (ici Universal Pictures) ouvre ici son regard vers d’autres frontières de l’amour, qu’il n’avait pas encore franchies. Vu en France, "Bros" évite alors majoritairement les clichés, ou plutôt en joue, avec une bonne dose de second degré et d’humour subversif à la clef, ce dernier étant co-écrit par l’humoriste gay et tout-à-tout Billy Eichner, qui en est l’un des acteurs principaux, en plus d’être producteur exécutif. Et puis, il met surtout en scène une idylle sincère et, par dessus tout, touchante, entre deux névrosés des sentiments, bien de leur époque...
Co-produite par Judd Apatow (ce qui peut effrayer, on vous l’accorde) et réalisé par Nicholas Stoller, à qui l’on doit notamment "Nos Pires Voisins 2" (2016), "Bros" est donc porté par Billy Eichner (il jouait déjà un petit rôle dans ce dernier), lequel est notamment connu aux États-Unis pour être la star, le producteur exécutif et le créateur du jeu télévisé comique "Billy on the Street", dans lequel il posait des questions sur la pop culture aux piétons des rues new-yorkaises, lui qui connaît depuis 2017 une diffusion sur plateforme. C’est d’ailleurs lui qui a eu l’idée du scénario de "Bros", à partir d’un sketch qu’il avait co-écrit avec Jason Sudeikis, il y a quelques années, pour sa web-série. Aussi, ce dernier a ressenti l’envie ici de raconter une histoire gay jouée cette fois-ci par des acteurs gays, coiffant donc au poteau l’image de l’hétéro jouant un personnage LGBTQ+, en quête donc d’un Oscar, tandis que son personnage se demande ici pourquoi les acteurs gays ne peuvent-ils pas jouer des hétéros...
Eichner interprète alors ici Bobby, fraîchement quarantenaire, star du podcast et de l’émission de radio "The Eleventh Brick at Stonewall", dans laquelle il se targue d’être un célibataire endurci, lui qui révélera avoir été approché par Hollywood pour réaliser une rom com gay, afin de montrer que les gays sont des gens comme les hétéros, et que l’amour est le même. Sauf qu’il n’en est rien pour lui, ayant dès lors répondu par la négative à la proposition. Par contre, ce dernier sera récompensé d’un prix à une remise de prix pour la communauté LGBTQ+, où il annoncera avoir accepté un poste de conservateur pour le nouveau musée national d’histoire LGBTQ+ à Manhattan, ce qui représente le premier musée de ce type au monde, alors que tous ses collègues sont loin d’être hétérosexuels. Par contre, niveau relationnel, c’est moins la réussite pour Bobby. Adepte des relations qui ne durent pas, Bobby testera une nouvelle appli de rencontre, mais sans succès (après avoir notamment dû photographier ses fesses). Jusqu’au soir où, en boîte de nuit gay, il rencontrera un certain Aaron Shepard (Luke Macfarlane, vu dans la série "Brothers & Sisters"), un avocat spécialisé dans la succession immobilière, lequel, derrière ses airs d’homme mâle secret et distant, est tout l’opposé du franc-parler excessif de Bobby. Malgré les à priori, les deux hommes apprendront pourtant à se connaître...
Parsemé de répliques qui font mouche et se moquant gentiment - mais très certainement - des stéréotypes LGBTQ+ (chacun y prend pour son grade), "Bros" aime rire de lui-même et de toute l’extravagance de la communauté (qu’il défend ici plus que tout), notamment lorsque que les membres de la direction du musée LGBTQ+ se disputent le sujet de la nouvelle exposition, entre les différentes lettres du sigle. Alors que le mois des lesbiennes (L) était en mars alors que l’intrigue du film se déroule en juin, tandis que le B de bisexuels ne pas assez légitimé pour certains, Bobby, en tant que pro-gay, espère bien quant à lui prouver que l’Amérique est prête pour son premier président gay, étant donné que Lincoln l’était, d’après lui, suite à des lettres qu’il aurait échangées avec des hommes. Mais il verra surtout ici par ce sujet une manière de "rétablir la vérité", le monde ayant "censuré l’amour gay depuis le début des temps". Bref, un véritable florilège de vannes pleines d’autodérision, jamais lancées en l’air pour faire du vent !
Par cette romance homosexuelle, Eichner et Stoller nous montrent la difficulté de vivre aujourd’hui une relation stable et sérieuse entre deux hommes, dans le sens où, pour Bobby, la peur de l’engagement et de souffrir une nouvelle fois (renforcée par la certitude de ne pas être l’homme idéal, à la hauteur) l’empêchent de sauter le pas, tandis que pour Aaron, c’est son manque de confiance en lui et le regard des autres qui le freinent, même s’il s’assume. Les deux personnages finissent ici par engendrer de l’empathie, alors que Bobby, en grand dadais, doit apprendre à ravaler sa fierté d’indépendance et se laisser embrasser (par la vie), tandis qu’Aaron, derrière sa carrure d’hétérosexuel, prouve qu’il y a bien quelqu’un, et même de la sensibilité sous un tas de muscles injectés de testostérone.
Cette comédie, sous ses airs de "sale gosse" insolent et extraverti, nous parle aussi de l’importance d’être soi-même, et non pas comme l’on voudrait que l’on soit, tandis qu’elle met en avant l’importance de croire en ses rêves, et de toujours se battre pour y arriver. "Bros", dans sa démarche, traite alors de sujets qui n’ont pas de sexualité, comme finalement l’amour, même si de nombreux pays, encore aujourd’hui, l’empêche entre des personnes de même sexe. On pourrait d’ailleurs lui reprocher quelque part de s’auto-hétérosexualiser dans sa manière d’aborder des questions universelles, bien qu’il n’en soit rien, lui qui montre à tout le monde - et surtout aux hétéros réfractaires - que le gay est un être humain comme un autre, au contraire de ses relations.
Alors oui, une histoire d’amour n’est pas l’autre, et elle n’est donc certainement pas pareille entre deux hommes qu’entre un homme et une femme. Mais celle que nous illustre cette comédie est bien plus digne et audacieuse que toutes celles qu’on a pu déjà voir dans le milieu hétérosexuel (et très récemment encore avec "Ticket to Paradise"), même si "Bros" ne nous épargne en rien les grandes étapes stéréotypées qui caractérisent le genre. On ne passe d’ailleurs pas ici à côté d’un happy end enchanté. À la différence de des modèles, "Bros" est un film qui, par le prisme de la comédie jamais (trop) bête, va de l’avant, qui ouvre des portes et tente, tant bien que mal, de passer un grand coup de balai sur les roms coms sirupeuses hétérosexuelles, qu’on a déjà vu mille fois. C’est un film qui tombe à point nommé, qui éveille les consciences, en plus d’appeler la tolérance, et cela au sein d’un cinéma de divertissement qui se regarde beaucoup trop dans le miroir, tout en faisant obstacle de la différence, comme si elle n’existait pas. Et ce n’est malheureusement l’échec du film au box-office américain qui viendra infirmer que le public s’intéresse à autre chose qu’à son nombril, et sa propre identité...