Genre : Horreur, thriller
Durée : 103’
Acteurs : Bill Skarsgård, Justin Long, Georgina Campbell...
Synopsis :
Une jeune femme se rend à Détroit pour un entretien d’embauche, loue une maison, le temps de son séjour. Mais lorsqu’elle arrive tard dans la nuit, elle découvre que la demeure est occupée par deux personnes et qu’un homme étrange y réside déjà... N’ayant pas d’autre choix, elle décide de passer la nuit sur place, à ses risques et périls...
La critique de Julien
Réjouissante petite sensation aux États-Unis, "Barbarian" débarque directement chez nous sur Disney+, précédé d’une excellente réputation, lui qui a raflé dix fois sa mise de production au pays de l’Oncle Sam. Film d’horreur tordu pointant ici et là des scandales actuels, ce dernier est mis en scène par Zach Cregger, pour lequel il s’agit ici de sa première réalisation en solo (on lui doit notamment "Miss March" partagé avec Trevor Moore), lui qui est plutôt habitué à la comédie. L’humoriste et acteur s’est alors inspiré ici du livre "The Gift of Fear" (1997) de Gavin de Becker, tiré d’une histoire vraie, lequel démontre que chaque individu doit apprendre à faire confiance à son "don" d’intuition inhérent, lui permettant de reconnaître divers signes avant-coureurs et précurseurs de violence dans notre rapport à autrui, afin d’éviter ainsi tout traumatisme et préjudice potentiel. Cregger a dès lors placé ici la femme dans la peau dudit individu, et l’homme dans celui d’autrui, son film lui permettant dès lors d’aborder, par le prisme du genre, la violence faite aux femmes, mais pas que...
"Barbare" (titre en version française), suit ainsi l’histoire d’une jeune femme, Tess Marshall (l’actrice britannique Georgina Campbell), laquelle est en voyage à Detroit pour un entretien d’embauche. Cette dernière arrive alors de nuit à son Airbnb, dans le quartier - très délabré - de Brightmoor, avec la mauvaise surprise que la maison isolée est déjà occupée par un jeune homme mystérieux nommé Keith (Bill Skarsgård, le clown maléfique "Ça" dans les deux récents films d’Andrés Muschietti), lequel l’a louée par une autre application. Alors que tous les hôtels de la ville la plus proche sont complets étant donné un congrès, tandis qu’une tempête fait rage dehors, Tess n’aura d’autres choix que de passer la nuit en ces lieux, elle qui occupera la chambre, et lui le canapé. Malgré la maladresse de celui-ci, Tess baissera alors la garde, en sympathisant avec lui, autour de plusieurs verres de vin rouge. Après une soirée arrosée, les deux inconnus passeront alors la nuit dans cette maison. Sauf que la porte de la chambre de Tess s’ouvrira toute seule durant la nuit, tandis qu’elle entendra quelqu’un/quelque chose se déplacer dans la maison, alors que Keith, lui, semble en proie à une terreur nocturne... Tel est donc le point de départ de ce thriller horrifique retors, cachant, tel l’Airbnb, des secrets enfuis, que son héroïne ne tardera pas à découvrir, malgré elle...
Tandis qu’il était parti d’une histoire d’une trente de page "pour s’amuser", Zach Cregger s’est finalement mis à en écrire toute une, laquelle l’a alors emportée, avant d’y incorporer des twists imperceptibles pour le spectateur. Divisé en trois parties, la première est un pur plaisir de mise en scène, reposant d’une part sur la suspicion et le malaise à l’encontre de l’inconnu, ici une femme envers un homme, lequel lui a alors ouvert la porte pour la laisser entrer, alors que le contraire n’aurait pas été vrai, tel qu’ils se le disent au cours de leur long échange. D’autre part, le réalisateur plonge son personnage féminin dans les abîmes de cette maison, aux passages et pièces secrets, faisant remonter à la surface la terrible histoire qui habite ce quartier, qu’on devine alors sans trop d’efforts, mais qu’un court flashback très succin viendra nous confirmer. Cregger s’amuse alors à malmener cette rencontre, le spectateur - comme son personnage principal - se retrouvant confronter à l’horreur que cache cet endroit, devenant dès lors maître de sa propre imagination, alors que le metteur en scène joue de la lumière dans l’obscurité pour y faire apparaître des ombres. "Barbarian" se révèle alors des plus efficaces et terrorisant, dosant l’angoisse avec une musique sournoise, tandis que son personnage avance, dans le noir, sans y être pourtant seule...
Mais au bout d’une heure assez intense, et sans prévenir personne, le film prend un virage inattendu (et ce ne sera pas le seul), au travers duquel - sans ne rien en révéler de premier degré en termes de contenu - Zach Cregger s’accorde avec les combats de notre époque, en illustrant le harcèlement sexuel et le mouvement MeToo (immonde personnage de Justin Long), le racisme systématique (notamment aux yeux des forces de l’ordre ; BlackLivesMatter, vous avez dit ?), et bien évidemment la masculinité toxique. Alors certes, c’est un peu facile et fourre-tout, mais force est de constater que son cinéaste s’est retourné la tête pour pouvoir, tant bien que mal, agrémenter son récit d’épaisseur, même s’il ne fait ici que présenter ces problèmes de société, sans en éprouver le moindre point de vue. Malgré cela, "Barbarian" parvient à retomber sur ses pattes, au terme donc de pirouettes scénaristiques et d’une mise en scène plutôt réussies, même si peu approfondies pour les unes, et trop généreusement hachée pour l’autre. Dommage également pour le final, moins convaincant que le reste, Zach Cregger donnant l’impression de ne pas avoir su mener à terme ses idées, étant donné l’aspect chaotique et brouillon de celui-ci.
S’il ne convainc donc pas dans son entièreté, tout en restant décent, "Barbare" est bien une petite frousse que l’on ne peut que conseiller, en plus de mener le spectateur vers des zones d’insécurité, et cela aussi bien dans ses ambiances très stressantes que d’un point de vue scénaristique, ne présentant finalement que des démons que l’humain (se) crée par lui-même...