Genre : Drame
Durée : 92’
Acteurs : Sara Giraudeau, Benjamin Lavernhe, Judith Chemla, Damien Bonnard, Olivier Rabourdin, Olivier Faliez...
Synopsis :
Franck, ferrailleur, et Mériem ont cinq enfants, un sixième en route, et de sérieux problèmes d’argent. Julien et Anna sont avocats et n’arrivent pas à avoir d’enfant. C’est l’histoire d’un impensable arrangement.
La critique de Julien
Tout fraîchement récompensé du prix du Pari d’Agnès (Prix de l’imaginaire égalitaire, témoignant un regard "original et novateur" à l’égard du film par ses votants) ainsi que du prix BeTV au 37e Festival International du Film Francophone de Namur, et cela après avoir remporté les suffrages à celui d’Angoulême (Valois du meilleur scénario, de la meilleure actrice ex-aequo pour Sara Giraudeau et Judith Chemla, du Public et de la musique du film pour Louis Sclavis), "Le Sixième Enfant" est le premier long métrage de Léopold Legrand, formé à l’école publique de cinéma belge l’INSAS après des études littéraires à Paris. Librement inspiré du roman "Pleurer des rivières" (2018) d’Alain Jaspard, publié aux éditions Héloïse d’Ormesson, ce drame moral met en scène un arrangement hors-la-loi entre deux familles, avec d’un côté des gens du voyage qui attendant leur sixième enfant, et de l’autre un couple d’avocats qui n’arrive pas à être parents. Dans le besoin d’argent, et dans l’incapacité d’avorter étant donné leurs croyances, les premiers proposeront aux autres un échange que le Code Civil qualifie de trafic d’êtres humains. Où quand suivre son désir ardent va au-delà de la raison...
Après les courts-métrages "Angelika" et "Les Yeux Fermés" au travers desquels il abordait déjà la filiation, la maternité ou encore l’abandon, Léopold Legrand s’intéresse ici à ce roman où deux femmes se retrouvent réunies autour d’un même enfant, lui qui, après avoir perdu sa mère à l’âge de six ans, a été adopté devant la loi par sa belle-mère, devenant ainsi sa deuxième maman, lequel a donc connu une double figure maternelle. Cette situation, au cœur du livre d’Alain Jaspard, l’a donc évidemment touché. Le jeune cinéaste confronte alors deux couples face à l’impensable dilemme, sans que la vie ne leur en offre véritablement pas le choix. Franck (Damien Bonnard) et Mériem (Judith Chemla) ne peuvent en effet pas élever leur sixième enfant, faute de moyens et de temps pour s’en occuper, au risque de ne plus pouvoir subvenir aux besoins des autres. Quant à Anna (Sarah Giraudeau) et Julien (Benjamin Lavernhe), ces derniers se déchireront en connaissance de cause, étant donné qu’ils sont avocats, l’une consciente des risques qu’elle prend, et l’autre incapable de prendre le risque d’outrepasser la loi, mettant dès lors à rude épreuve leur amour...
Sans jamais juger ses personnages, Léopold Legrand nous parle dès lors de leurs secrets, de leurs doutes, de leurs espoirs, de leurs mensonges, de leurs coups de folie. Ces derniers sont incarnés par un quatuor sincère, au sein duquel on retrouve la petite voix de Sarah Giraudeau, défendant pourtant quelque chose de grand, tandis que Judith Chemla est en total contre-emploi dans un rôle de composition, au visage marqué par vie. Les rôles masculins ne sont pas non plus en reste, toujours là pour suivre leur moitié, malgré parfois le chemin sinueux pour y arriver, remettant en question toute une vie passée à défendre son contraire... Leur implication et l’humanité qui se dégage de leurs personnages portent alors ce film, lequel déborde de sincérité, voire un peu trop. On ne passera d’ailleurs pas à côté des notes de piano et de violons pour appuyer l’émotion...
Dommage aussi que "Le Sixième Enfant" pêche dans son écriture, contenant de nombreuses ellipses, empêchant pleinement d’approfondir la psychologie des protagonistes, et dès lors le poids de leurs décisions. Quand est-il également de la vie sociale du couple joué par Benjamin Lavernhe et Sarah Giraudeau, elle qui apparaîtra comme une fleur, feignant d’être enceinte de plusieurs moins (vives les coussins !) à un souper entre amis ? Cette scène marquera d’ailleurs un basculement, mettant au défi ledit couple, et faisant prendre à cette histoire un point de non-retour. Alors certes, on apprend qu’Anna ne travaille plus, mais le couple n’a-t-il pas de famille proche ? De plus, les neuf mois de grossesse ne sont réduits ici qu’à quelques minutes de film. Outre quelques échanges désespérés où l’on comprend comment ils en sont arrivés en prendre ce risque, le film de Léopold Legrand manque donc de crédibilité, au regard également de la rencontre entre les deux couples, le personnage de Franck étant un client de celui de Julien, lequel proposera, avec sa femme, de le raccompagner chez lui, lesquels se verront offrir un verre à leur arrivée, faisant la connaissance de Mériem, autour d’une bonne bière. On doute en effet que cela puisse arriver dans la vraie vie, surtout vis-à-vis du code déontologique de la profession d’avocat. Qu’importe, on sent là que quelque chose cloche déjà. Sans compter sur la prévisibilité des conséquences de cet accord, qui ne pourra connaître une issue favorable, mais cependant ici moins cruelle que celle du roman...