Genre : Thriller
Durée : 97’
Acteurs : Fedja van Huêt, Karina Smulders, Morten Burian, Sidsel Siem Koch, Liva Forsberg, Marius Damslev...
Synopsis :
Pendant des vacances en Toscane, une famille danoise et une famille néerlandaise deviennent amis. Ils s’entendent même si bien qu’ils décident de se rendre à nouveau visite après les vacances. Mais les retrouvailles ne tardent pas à déraper, lorsqu’il s’avère que les Néerlandais en vacances ne sont pas ce qu’ils semblent être dans leur propre environnement. La famille danoise se retrouve dans une situation difficile dans une maison de personnes qu’elle a complètement incomprises et qu’elle souhaiterait ne jamais avoir pénétrées...
La critique de Julien
"Speak no Evil" fait partie de ces films qui procurent le malaise au plus ils se dévoilent. Mis en scène par l’acteur, réalisateur et scénariste danois Christian Tafdroup, ce thriller d’horreur psychologique est sa troisième réalisation après les inédits "Parents" (2016) et "A Terrible Woman" (2017), lui qui met en scène la rencontre sympathisante en Toscane entre une famille danoise et hollandaise, avant que cette dernière n’invite chez elle la première, dans leur maison rurale aux fins fonds des Pays-Bas, afin de "boire du vin, manger et faire de longues promenades". Insatisfait par sa vie ordinaire, Bjørn (Morten Burian), qui sourit tout le temps pour faire bonne figure, parviendra à convaincre sa femme (Sidsel Siem Koch), plus réticente quant à elle à l’idée de se rendre chez des quasi-inconnus, avec leur petite fille. "C’est quoi le pire qu’y puisse arriver", tel que se le demandera le couple, s’il venait ainsi à se rendre chez ces gens ? Mais ils finiront vite par le savoir, car les voilà donc partis et arrivés chez Patrick (Fedja van Huêt) et Karin (Karina Smulders), lesquels sont les parents d’un petit garçon souffrant d’aglossie congénitale, soit d’un développement partiel ou d’absence complète de la langue, l’empêchant de s’exprimer correctement. Louise se sentira rapidement mal à l’aise face aux comportements passifs-agressifs de ses hôtes, comme l’ignorance de Patrick sur son végétarisme, sa colère incontrôlée contre son fils Abel, ou les jurons désinvoltes de Karin... Et cela ne fera qu’empirer, à l’image du bordel dans la maison des Hollandais, tel que le déclarera Karin à l’arrivée de ses invités...
Dès l’ouverture, le ton est donné. Une voiture s’avance sur un chemin durant la nuit, la caméra posée sur le tableau de bord, tandis que résonne l’inquiétante musique concoctée par le compositeur Sune "Køter" Kølster. "Speak no Evil", c’est avant tout un film d’ambiance, assez dérangeant, déstabilisant, et au travers duquel son metteur en scène filme un effroyable jeu de dupes. En effet, les apparences sont souvent trompeuses, tandis que le mensonge est une manière de faire bonne figure et d’amadouer, surtout lors des premiers contacts... C’est en tout cas comme cela que ledit couple de Néerlandais parviendra à attirer dans les mailles de ses filets leurs invités, beaucoup trop refoulés et rangés dans leur vie naïve de classe moyenne que pour se douter une seule seconde de ce qu’ils vont endurer. Ces derniers vont alors être victime d’un véritable assujettissement, une manipulation psychologique faite d’intimidations, d’agressions au sens large, de paroles de travers, d’attitudes gênantes, allant ainsi à l’encontre de leurs mœurs, les mettant dans une position de plus en plus inconfortable, et menacée. Ainsi, le son d’une brosse à dents électrique n’aura jamais été aussi tétanisant que pour cette pauvre mère de famille, en train de prendre une douche pendant que son hôte masculin entrera dans la salle de bain pour se les brosser, comme si de rien n’était, lequel ne sera pourtant pas montré à l’image, mais entendu en hors-champ. Les quatre acteurs principaux sont, en tout cas, très crédibles dans leur rôle, avec une mention spéciale pour ceux qui interprètent le couple de Danois, mis à mal ici non pas par un monstre ou un esprit, mais bien par l’horreur humaine...
Tandis qu’il a écrit ce film avec son frère, Christian Tafdrup se révèle malin et sournois dans sa manière de filmer ce film d’horreur psychologique, très réaliste dans sa première partie, moins dans la dernière, elle qui s’égare vers du pur sensationnalisme, à la fois gore et ineffable. L’autre bémol qu’on pourrait lui reprocher, c’est de pousser un peu trop le curseur de la provocation qu’exercent ces usurpateurs, eux qui, puisqu’ils sont chez eux, se permettent de faire et de dire des choses déplacées, à l’égard par exemple de la fille du couple, que Karin enguirlandera pour qu’elle ferme sa bouche en mangeant, ce qu’elle ne fera qu’à la fin du séjour, alors qu’elle aurait déjà pu le faire bien avant. Les réactions humaines sont donc ici et là poussives, et manquent pour le coup de vraisemblance, tandis que les intentions obscures des Néerlandais restent sans véritable réponse, en plus d’être également incohérentes si l’on prend du recul... Qu’à cela ne tienne, la tension monte crescendo ici, autour de conflits comportementaux et sociaux relativement pertinents, pour atteindre ainsi un niveau d’oppression très élevé, puis de cruauté sans nom, qu’on n’aurait donc pas pu imaginer, mais dont le film aurait très bien pu se passer...