Genre : Science-fiction, action
Durée : 100’
Acteurs : Amber Midthunder, Dakota Beavers, Dane DiLiegro, Stormee Kipp, Michelle Thrush, Harlan Blayne Kytwayhat...
Synopsis :
Il y a trois siècles sur le territoire des Comanches, Naru, une farouche et brillante guerrière, se fait désormais un devoir de protéger sa tribu dès qu’un danger la menace. Elle découvre que la proie qu’elle traque en ce moment n’est autre qu’un prédateur extraterrestre particulièrement évolué doté d’un arsenal de pointe des plus sophistiqués. Une confrontation aussi perverse que terrifiante s’engage bientôt entre les deux adversaires...
La critique de Julien}
Cinquième volet de la franchise "Predator" initiée en 1987 avec le film de John McTiernan (dans lequel Schwarzenegger tenait le rôle principal), suivi par "Predator 2" de Stephen Hopkins trois ans plus tard (avec Danny Glover) et récemment par les décevants "Predators" (2010) de Nimród Antal et "The Predator" (2018) de Shane Black, la franchise "Predator" est sans doute l’une des franchises qui manque le plus de cohérence à Hollywood. Et on ne parle même pas là des deux crossovers avec l’univers "Alien". Mais c’est sans compter sur le cinéaste américain Dan Trachtenberg, qui, en 2016, avait surpris son monde avec "10 Cloverfield Lane". Ce dernier met ici en scène le très primitif et bestial "Prey", qui déroule son intrigue bien avant celui du premier film, sans en être pour autant une préquelle, étant donné que ce nouvel opus ne raconte pas les origines des Predators, mais bien leur supposée première visite sur Terre, en 1719, dans les Grandes Plaines de l’Amérique du Nord...
On y découvre alors Naru (Amber Midthunder), une jeune femme comanche intrépide et persévérante, formée comme guérisseuse (grâce à l’utilisation de plantes), elle qui rêve de devenir une grande chasseuse comme son frère, Taabe (Dakota Beavers). Témoin dans le ciel de l’arrivée d’un "oiseau tonnerre" (qui est en réalité un vaisseau spatial déposant un Predator), la demoiselle prendra cela comme le signe qu’elle est prête à faire ses preuves, laquelle se lancera contre l’avis de son frère (et de la tradition ancestrale) dans le "kühtaamia", soit un rituel de passage où le chasseur chasse le chasseur qui le prend en chasse. Or, la bête qui menace sa tribu est bien plus dangereuse qu’un puma, puisqu’il s’agit d’une créature venue de l’espace, dotée d’une technologie de pointe. Heureusement, Naru, farouche et courageuse, connaît mieux les terres sur lesquelles l’extraterrestre engage la partie de chasse...
La première bonne idée de "Prey" est d’intégrer son intrigue trois siècles en arrière, à la rencontre des Comanches et leur manière de vivre. Assez authentique dans ses représentations, le film de Dan Trachtenberg a également la chance de profiter d’un casting composé d’une distribution quasiment composée de talents autochtones et des Premières Nations, tandis que Disney+ propose dans son contenu une version du film doublée entièrement en langue comanche, ce qui est une première pour un long métrage disponible sur plate-forme de streaming. "Prey" nous fait donc voyager dans le temps, à une ère où il fallait encore chasser pour se nourrir. Aussi, l’action du film, se déroulant au début du 18e siècle, en Amérique, présente une allégorie des horreurs de la colonisation, en la personne ici des Voyageurs, soient des colons français qui se sont installés au Canada à partir du 17e siècle, avant de se répandre à travers l’Amérique du Nord, lesquels se livraient notamment au transport de fourrures (de castor, voire de bison, malgré la vénération sacrée dont il faisait - et font toujours - l’objet pour certains peuples amérindiens), et donc à des massacres, comme des sauvages, eux qui considéraient pourtant les autochtones comme tels...
Bien rythmé (on ne voit pas le temps passer) et porté par une héroïne observatrice en plein apprentissage (extrême), "Prey" devrait réconcilier une bonne partie du public avec la saga "Predator", d’autant plus que le metteur en scène Dan Trachtenberg prend ici des risques en offrant le premier rôle de son film à une quasi inconnue, Amber Midthunder, d’origine amérindienne, et membre inscrite de la tribu sioux de Fort Pecket. Alors qu’elle a été vue dans plusieurs séries, l’actrice de couleur épate et porte le film avec une force de guerrière, allant à l’encontre des normes de la tribu de son personnage, et ici de la condition même de femme. Pourtant, elle réussira à mettre des bâtons dans les roues dudit Predator (Dane DiLiegro). Nul doute qu’on devrait très prochainement retrouver l’actrice dans la peau de ce personnage, maniant la hache mieux que quiconque. On l’espère, en tout cas, au vu du résultat culotté.
Parfaitement exécutées et chorégraphiées, les scènes de combats, violentes et étonnamment sanglantes, et les effets spéciaux font le boulot, tandis que le réalisateur et son directeur de la photo Jeff Cutter utilisent à bon escient les décors magnifiques dans lesquels ils nous plongent, à Calgary, au Canada, avec ces immenses étendues sauvages et son bestiaire à faire rêver les défenseurs de la nature. On est par contre un peu récalcitrant vis-à-vis du montage, étant donné certaines scènes mal découpées entre elles, avec parfois des changements de décor brusques, où les conditions climatiques et géographiques changent du tout au tout. Alors certes, on veut bien admettre que l’histoire se déroule en terres hostiles, soumises à des variations climatiques parfois brutales, mais tout ne se justifie malheureusement pas. Qu’importe, cela ne nuit pas une seule seconde à l’appréciation globale du métrage et à la cohérence du déroulé de l’intrigue, plutôt bien ficelée, et qui nous offre donc bien plus que ce qu’on était venus y chercher.
Enfin, qui dit "Predator", dit évidemment gadgets en tous genres, et surtout clins d’œil aux films qui le suivent, et notamment à "Predator 2". L’un d’eux (très amusant) signifierait d’ailleurs que la venue ici de ce Predator n’est peut-être pas la première sur Terre, tandis que cette allusion ouvre des portes quant à une suite possible...
"Prey" relève donc le niveau des derniers films, même s’il ne reste finalement qu’un divertissement à destination des fans. Cependant, le film de Dan Trachtenberg brise ici les codes préétablis de la féminité au sein notamment du film d’action, tout en faisant pour cela un intelligent bon en arrière dans le temps, à la rencontre des Comanches. Et la réussite est ici d’autant plus surprenante et remarquable que les stéréotypes sont évités, tandis que le film nous rappelle que la femme n’a pas besoin de masculinité pour s’affirmer et endosser le premier rôle, elle pour qui le combat est en marge de la société patriarcale. La proie n’est définitivement pas celle que l’on croit.