Genre : Drame
Durée : 89’
Acteurs : Celeste Cescutti, Ondina Quadri...
Synopsis :
Italie, 1900. Agata perd sa fille à la naissance et ne peut se résoudre à l’idée que son âme soit condamnée à errer dans les limbes. Il existerait un endroit dans les montagnes où son enfant pourrait être ramené à la vie, le temps d’un souffle, pour être baptisé. Avec l’aide de Lynx, Agata se lance dans un voyage à la recherche du miracle.
La critique de Julien
Pour son premier long métrage, lequel est filmé en dialectes frioulan et vénète, la cinéaste italienne Laura Samani a d’une part voulu rendre hommage aux langues de sa région (le Frioul-Vénétie Julienne), lesquelles y étaient autrefois parlées avant que l’italien ne soit créé en 1861, afin d’unifier le pays. Se déroulant au XIXème siècle, et précisément en 1901, "Piccolo Corpo" parle une nouvelle fois de miracle, après son court métrage "La Santa che Dorme", sélectionné à la Cinéfondation à Cannes en 2016. Or, c’est à la suite d’une rencontre à Cannes avec un serveur en provenance de sa région que Laura Samani a pris connaissance de l’existence des "sanctuaires du souffle", qui, jusqu’au XIXème, auraient été des lieux de miracles. Sauf qu’après-recherches, cette dernière a constaté que tous ces périples pour les rejoindre étaient toujours entrepris par des hommes. La cinéaste, sans être ni historienne ni anthropologue, s’est alors penchée sur la plausibilité qu’une femme en entreprenne un, d’autant plus que le sujet de ces voyages la touchaient au plus profond d’elle...
"Piccolo Corpo" met alors en scène le périple d’une mère qui vient de perdre son enfant, mort-né, elle qui n’a pu le voir. Or, la tradition voulait à l’époque que les mort-nés ne puissent être baptisés. Il fallait en effet qu’un nouveau-né ait respiré pour être enterré dans une sépulture chrétienne, et porter un prénom. A contrario, enterré dans le bois, l’enfant d’Agata (Celeste Cescutti) erre ici dans les Limbes, comme le proclamait l’Église. C’est alors qu’elle prendra connaissance d’un sanctuaire, dans les montagnes, à Val Dolais, où les enfants mort-nés ressuscitent, le temps de respirer, afin de pouvoir être baptisé. En sacrifice de tout, sauf de son amour maternel pour sa fille, la jeune femme partira alors en solitaire, alors qu’elle vient jusque d’accoucher, elle qui fera la rencontre de Lynx (Ondina Quadri), dont l’identité est incertaine (sans patronyme), mais souffrant tout comme elle de révolte, sans qu’il ne s’agisse pour il/elle de la première...
Chemin de croix vers la rédemption d’une mère cherchant à donner un nom à sa fille mort-née, et dès lors incapable à mettre un terme à la relation symbiotique qui l’a liée à elle durant neuf mois, "Piccolo Corpo" est un drame âpre, et naturaliste en apparence, tourné dans les décors sauvages et enneigés du nord-est de l’Italie, à la frontière avec l’Autriche et la Slovénie. Deux femmes déterminées se cherchent ici, et tentent de trouver une issue à l’abandon qui les a frappé toutes deux, au sein d’une société trop conventionnelle, et traditionnelle. Le film de Laura Samani est riche d’une multitude de passages symboliques (la mer joue ici un rôle clef), elle qui nous embarque dans ce récit - inédit - au travers d’un voyage sensoriel, où le froid, la lumière, les ténèbres, la faim, l’espoir, la foi et, bien sûr, la mort se côtoient, aux frontières du réel, et ici du conte. Un film féministe, aussi, où le passé frappe à la porte du présent pour mieux nous rappeler la place et la force de la femme dans la société.