Genre : Drame, thriller
Durée : 116’
Acteurs : Lars Eidinger, Devid Striesow, Luise Heyer, Kai Wiesinger...
Synopsis :
Berlin Est, 1981. Franz Walter, tout juste sorti de l’université, se voit offrir un poste au Service des Renseignements de la RDA. Loyal et dévoué, il est envoyé en mission en Allemagne de l’Ouest. Son travail se limite d’abord à rassembler des informations sur des dissidents. Mais très vite, on lui demande d’écouter, surveiller et faire chanter des innocents et leurs familles. Fidèle à ses convictions, il tente de déjouer le système. Mais son attitude critique aura des conséquences bien plus lourdes qu’il n’imagine...
La critique de Julien
Pour son second long métrage après "Vineta" (2006), la réalisatrice allemande Franziska Stünkel s’inspire de la vie de Werner Teske, recruté dès 1967 par le Ministère est-allemand de la Sécurité d’État (surnommé le Stasi) avec la promesse d’obtenir un poste de professeur s’il travaillait pour lui (il avait étudié l’économie à l’Université Humboldt de Berlin et obtenu un diplôme en économie financière). Devenu officier supérieur du renseignement de la division d’espionnage économique avant d’être accusé de complot en faisant défection de l’Allemagne de l’Est pour l’Ouest, et cela avec des informations sensibles, Teske a été condamné à mort et exécuté illégalement en République démocratique allemande en 1981. Réhabilité à titre posthume après la réunification allemande, cet homme est tristement connu pour être la dernière victime de l’Allemagne (de l’Est) avant l’abolition de la peine de mort en 1987. Tourné en partie dans les lieux où se sont déroulés les faits (l’ancienne prison de la RDA à Berlin-Hohenschönhausen et le siège du Ministère de la Sécurité d’État à Berlin), "Nahschuss : the Last Execution" revient ainsi sur cette histoire au travers de laquelle on découvre une nouvelle fois les méthodes impitoyables et répressives de la RDA afin d’anéantir l’individu. Cependant, sa cinéaste le fait par le biais de la fiction, étant donné qu’elle y a greffé des passages romancés, tandis que son film raconte en parallèle le cas suspect de la mort du joueur de football allemand Lutz Eigendorf qui, après sa défection vers l’Ouest, avait ouvertement critiqué l’Allemagne de l’Est dans les médias occidentaux, alors que son club, le BFC Dynamo, était sous le patronage de la Stasi...
Thriller historique dans lequel un homme voit éclater ses convictions, pris au piège dans un système qui l’aliène à petit feu, entre chantage affectif et cruauté morale, sans qu’il ne puisse - par contrat (empoisonné) signé - parler de quoique ce soit à ses proches, "Nahschuss, the Last Execution" est justement exécuté dans la plus pure tradition du genre, parsemé d’ellipses temporelles et de péripéties dont on ne connaîtra jamais la véracité absolue, étant donné le caractère fictionnel des propos. En effet, on doute - à titre d’exemple - que les circonstances de l’entrée de Teske au Stasi se soient déroulées de la sorte, montrant qu’il aurait ainsi été manipulé, alors que dans les faits, ce dernier a seulement commencé à remettre en question le système politique en Allemagne de l’Est au milieu des années 1970, c’est-à-dire moins d’une dizaine d’années après l’avoir intégré...
Franziska Stünkel choisit ici de nous parachuter dans l’excessive descente aux enfers de son personnage Franz Walter (troublant Lars Eidinger), lequel va passer de jeune marié et professeur au futur radieux au statut de traître, résumant dès lors trop brièvement sa vie à un thriller anxiogène et drame humain sans précédent, au travers duquel l’abus de pouvoir d’un système politique sur l’individu était total, quitte à décider de sa mort, par détournement du cours de la justice. Toute cette partie judiciaire et la reconstitution historique sont quant à elles bien véridiques, ainsi donc que le déroulé du procès du principal intéressé, s’étant quant à lui tenu dans le plus grand secret, et l’injustice totale, et que le montage nous propose de découvrir ici en découpage vis-à-vis de l’action principale. Or, on se doute que le cas de Werner Teske ne fût pas un cas isolé, d’où l’importance de se souvenir de ces victimes, dont la machination de l’ex-RDA pour assouvir ses idées, protéger son image, éliminer ses ennemis et dissidents n’avait aucune limite, et surtout pas la destruction psychologique, entraînant, pêle-mêle, la perte d’identité, la dépression mentale, ou encore le suicide. "Nahschuss : the Last Execution" nous rappelle alors que l’histoire encore récente de l’Allemagne était bien sombre...