Genre : Action, aventure, science-fiction
Durée : 119’
Acteurs : Chris Hemsworth, Natalie Portman, Christian Bale, Tessa Thompson, Chris Pratt, Karen Gillan, Dave Bautista, Vin Diesel, Bradley Cooper, Jeff Goldblum, Russell Crowe, Pom Klementieff...
Synopsis :
Thor s’engage dans une quête inédite, celle de sa propre sérénité. Mais sa retraite est interrompue par l’apparition de Gorr le Boucher, un tueur galactique qui s’est donné pour mission d’exterminer les dieux. Pour affronter cette menace, Thor fait équipe avec Valkyrie, Korg et son ex-petite amie, Jane Foster, qui – à sa grande surprise – manie son marteau, Mjolnir, aussi bien que lui. Nos héros vont se lancer ensemble dans une aventure cosmique éprouvante pour tenter de cerner les causes de l’acharnement de Gorr, le Boucher des dieux et l’arrêter avant qu’il ne soit trop tard.
La critique de Julien
Vingt-neuvième film de MCU, sixième de sa phase IV, "Love and Thunder" est déjà la quatrième aventure "solo" pour Thor (Chris Hemsworth), toujours mise en scène par Taika Waititi, laquelle situe son intrigue entre "Avengers 4 : Endgame" (2019) et avant "Les Gardiens de la Galaxie Vol. 3" (2023). Largement inspiré par les comics "Mighty Thor" écrits par Jason Aaron, cet épisode, aussi décalé que le précédent, voit d’une part Natalie Portman (Jane Foster) enfiler le costume du dieu du Tonnerre et manier le Mjöllnir (elle qui était d’ailleurs apparue avec le marteau de Thor en mains lors de l’annonce du film au Comic-Con de 2019), et d’autre part Christian Bale enfiler celui de l’antagoniste Gorr, le Boucher des dieux (dans une version physique plus humaine, afin d’éviter la ressemblance avec un certain Lord Voldemort), lequel s’est juré de massacrer tous les êtres divins à l’aide de sa nouvelle copine ; la Nécro-lame. Or, tel que son titre nous l’annonce, cet opus est bien celui de l’amour et du tonnerre, ou plutôt celui des orages de l’amour. Et force est de constater qu’il y a un peu de tout et rien dans ce film, lequel part dans tous les sens, sans décrocher les étoiles, mais la tête sur une autre planète...
Dans "Love and Thunder", Thor n’est plus qu’un lointain souvenir du Dieu asghardien qu’il était (même s’il se remet une fois de plus ici en selle), tandis que le film de Taika Waititi encaisse plutôt mal les ruptures de ton, entre humour super-héroïque parodique et provocateur, et drames au premier degré. En effet, entre le retour de Jane Foster - comme un cheveu dans la soupe – espérant échapper à l’impensable en titillant Mjöllnir (enchanté pour l’occasion), et un méchant finalement pas vraiment méchant, cherchant à punir les dieux après que le sien ait rejeté nonchalamment son sort et celui de sa petite fille, cet énième come-back de Thor cherche à combler le vide, à l’aide d’ellipses narratives, et passe maladroitement d’une émotion à l’autre, tout en gardant en ligne de mire une certaine impertinence, qui avait fait joliment son effet dans "Ragnarok" (2017). On reproche donc exactement au film du cinéaste australien le même son de cloche déjà perçu dans son précédent film, "Jojo Rabbit" (2020), à savoir son incapacité à manier les émotions, elle qui est malheureusement assez flagrante ici. Mais on comprend que l’exercice soit d’autant plus difficile avec un tel film, qui joue énormément la carte du second, voire du troisième degré dans son humour, avec, par exemples, la jalouse de la hache de Thor – Stormbreaker – à l’encontre de son ex-marteau, des boucs géants et très bruyants offerts en cadeau, une mise à nu de Thor devant une foule de déesses et de dieux bouche-bée, ou encore la destruction d’une citée précieuse par Thor alors qu’il était censé l’en débarrasser de ses ravisseurs, sans oublier quelques caméos assez rigollots… Le spectateur venu chercher ici une bonne tranche de délire y trouvera donc son compte, tandis que "Love and Thunder" fait toujours usage d’une ambiance bon enfant, baigné de rock’n’roll (Guns N’ Roses), de musique populaire (Abba), ou encore de hip-hop (Mary J. Blige, Ciara), tandis que l’univers cartoonesque dans lequel évolue ses personnages est toujours aussi coloré, et donc fun, même si répétitif, et lourdingue par moments...
Visuellement et scénographiquement, la marque de fabrique d’un bon Marvel, c’est d’offrir un super-spectacle héroïque digne de ce nom, et d’en mettre plein les yeux. Mais cet épisode, aussi divertissant soit-il, ne parvient jamais à faire émerger et durer une scène clef, lequel propose en plus ses plus existantes et attendues séquences d’action majoritairement dans le noir, en parallèle des forces ténébreuses que manie son antagoniste, Gorr, lequel se cache ainsi dans le Royaume des ombres, tout en étant capable de les manipuler. Ce parti-pris rend dès lors les effets spéciaux souvent illisibles, bien qu’on en salue les trouvailles visuelles liées audit royaume (dont on ne dira rien). Car oui, Taika Waititi fourmille d’idées (et sans doute trop) dans sa mise en scène, lui qui interprète ici le rôle de Korg (le gladiateur Kronien ami de Thor, ou plus communément le personnage composé de pierre volcanique), dont l’écriture lui révèle une curieuse et poétique manière de se reproduire. Mais outre le Royaume des ténèbres, le film voyage toujours autant d’une planète à l’autre, offrant ainsi des décors aussi somptueux les uns que les autres, en particulier à Omnipotence City, le Royaume des dieux, où abrite d’ailleurs un certain Zeus (Russel Crowe), mais d’opérette, à jupettes et bouclettes, et à l’accent assez ridicule, lequel ne sera pas très content du passage express de Thor, après s’être fait ridiculiser par lui-même... On suppose que le cachet de l’acteur en valait la chandelle !
Si "Love and Thunder" ne crée pas ainsi une grande satisfaction chez le spectateur, c’est parce qu’il s’égare sans doute dans toutes les directions, tout en essayant de se rattacher à son prédécesseur, alors que un curseur dramatique est pourtant ici plus appuyé. Aussi, on sent que le montage final du film est loin de ressembler à l’initial, lequel a tendance à couper net ses scènes en termes d’action, voire à en débuter certaines avec le sentiment qu’elles avaient déjà commencées bien avant. On pense notamment à la bataille de nuit dans la Nouvelle Asgard, où abritent les derniers Asgardiens, là où Gorr va déployer ses forces pour tenter d’anéantir Thor, lequel sera pourtant aidé par son ancien petite copine, ou encore de Valkyrie (Tessa Thompson), dont le segment narratif n’est malheureusement pas ici d’une grande utilité, malgré les promesses faites dans "Ragnarok" quant à son potentiel. Et on ne vous parle même pas des Gardiens de la Galaxie, qui ne servent à rien ! Chez Marvel Studios, les promesses, c’est donc de la poudre aux yeux qui ne sert qu’à vendre, et à attirer dans leurs toiles ! Christian Bale est quant à lui convaincant dans la peau de son personnage maudit, habité par une rancœur à l’encontre de ceux qui l’ont méprisé, lequel est physiquement tout de gris vêtu, et affiche une peau morte arborée de cicatrices et de chéloïdes, tandis que le prothésiste Adam Johansen et son équipe lui aurait injecté de la glu noire dans la bouche et sur la langue afin de lui cacher sa couleur rose. En tout cas, force est de constater que son physique n’est pas très frais, tout comme semble l’être son haleine ; ce que ne manquera pas de lui faire remarquer son homologue de combat ! Mais globalement, son personnage est générique, et manque ici de consistance et de place à l’écran pour marquer le coup, lequel n’est dès lors ici que l’ennemi d’une seule aventure, même si sa rencontre avec Thor changera les responsabilités de ce dernier à vie. Qu’à cela ne tienne, une version du film de près de quatre heures existerait d’après son metteur en scène, révélant bien plus de choses quant eux origines de Gorr, mais également de trop nombreuses scènes humoristiques, aux goûts variables ; la version finale du film n’en ayant gardé ainsi que les "meilleures", évitant ainsi de ralentir la progression de l’intrigue. Pourtant, "Love and Thunder" ne brille pas par un rythme des plus efficace…
Alors que le personnage usé et rebooté toutes les deux aventures de Chris Hemsworth est le dernier des Avengers d’origine encore en activité au cinéma, on se demande ce que lui réserve la suite du MCU. Taika Waititi et sa coscénariste Jennifer Kaytin Robinson partent en tout cas ici vers des contrées inédites, en témoigne le final du film, qui nous laisse impassible, et l’une des deux scènes post-générique. En d’autres termes, le MCU devient un véritable bordel ! Et c’est peu de le dire ! On doute en tout cas que la suite des aventures de Thor soient écrites à l’avance, étant donné les précédents traitements narratifs nébuleux et indécis infligés au personnage, dont ses créateurs ne semblent pas quoi en faire... Pas de Valhalla donc ici pour le dieu du tonnerre, ni de coup de foudre, mais plutôt un retour incessant en arrière, avec la mauvaise impression de gâcher l’aura d’un super-héros pour un divertissement décomplexé qui, lorsqu’il tente une volte-face, se prend les pieds dans le tapis. Et son metteur en scène, et donc la direction du film, n’y est clairement pas pour rien...