Genre : Drame
Durée : 87’
Acteurs : Rabah Naït Oufella, Antoine Reinartz, Sofian Khammes, Sarah Henochsberg...
Synopsis :
Qui est Karim D. ? Ce jeune écrivain engagé au succès annoncé ou son alias, Arthur Rambo, qui poste des messages haineux que l’on exhume un jour des réseaux sociaux...
La critique de Julien
Non, Arthur Rambo n’est pas le fils du célèbre personnage de fiction créé par David Morrell pour le roman "Rambo" (1972), interprété au cinéma par Sylvester Stallone dans pas moins de cinq films. C’est ici le pseudonyme Twitter - dérivé du nom du poète Arthur Rimbaud - sous lequel se faisait passer l’écrivain fictif Karim D. (Rabah Naït Oufella, pour son premier rôle-titre au cinéma), lequel vient tout juste de connaître un succès littéraire avec son premier roman, lui qui questionne dedans l’immigration en France, et renvoie violemment et profondément la responsabilité politique sur ceux qui en ont la charge. Sauf que des tweets extrémistes, écrits quand il était plus jeune, et qu’il n’a jamais pensé effacer, vont refaire surface sur la toile, ce qui va irréversiblement entacher son roman, et ses débuts de carrière prometteurs. Une rapide descente aux enfers va alors commencer pour le jeune homme, promis il y a encore si peu à un bel avenir, après avoir démarré au bas de l’échelle sociale...
"Arthur Rambo", c’est la nouvelle réalisation de Laurent Cantet, à qui l’on doit notamment "L’Atelier" (2017) et surtout la Palme d’Or "Entre les Murs" (2008). Fidèle à son cinéma, le cinéaste questionne une fois de plus la jeunesse d’aujourd’hui, face ici aux dérives des réseaux sociaux. Ancré dans l’air du temps, son film s’inspire librement du cas de l’écrivain, réalisateur, blogueur et chroniqueur français Mehdi Meklat. Ce dernier avait suscité une polémique à partir de février 2017 suite à la découverte d’une série d’anciens tweets ouvertement racistes, antisémites, homophobes et misogynes, qu’il avait alors publiés depuis plusieurs années sous le pseudonyme de Marcelin Deschamps, afin de questionner la notion d’excès et d’exciter, de provoquer la fachosphère (ce que beaucoup appellent l’extrême droite sur Internet), de laquelle il se sentait la cible.
C’est par le biais de cette histoire que Laurent Cantet dresse un impact réaliste, sidérant et démonstratif dans sa démarche de l’utilisation des réseaux sociaux et de leur mécanique perverse, vers la popularité, sous-jacente. Il y parle évidemment aussi de notre connectivité instantanée, et du tribunal social qui s’y joue à chaque instant. Certes, ce n’est pas une révélation, mais il est quand même assez fou ici de se rendre compte à quel point le monde numérique peut autant régir la vie des individus et, dans certains cas, la détruire.
Alors que ces messages immatures ont été postés à l’époque par ce Karim de manière consciente dans les faits, mais inconsciente vis-à-vis de leurs conséquences pour ceux qui les liront au premier degré, mais surtout pour lui et son entourage à posteriori, la réapparition de ceux-ci feront boule de neige sur sa vie actuelle, lui qui est le prota-antagoniste de l’histoire, puisqu’il est ici son propre ennemi, avec pour "double maléfique" quelqu’un qui n’était pas lui, mais qui a quand même fait beaucoup de dégâts considérables, dont blessé beaucoup de monde. Mais Internet est sans doute le plus grand danger que nous montre ici Laurent Cantet. Dès lors, faut-il que Karim présente ses excuses, et donc quelque part assumer avoir pensé (in)consciemment ces mots, ou plutôt se taire et se faire passer pour un monstre ? Telle est la question, l’une des questions qu’ouvre au débat "Arthur Rambo", lui qui est une enquête sur soi-même, une douloureuse ouverture d’esprit, une remise en question au moment où l’on s’y attend le moins, forcée par les réseaux sociaux et l’emprise qu’ils ont sur nous.