Genre : Comédie drame, romance
Durée : 95’
Acteurs : Adeel Akhtar, Claire Rushbrook, Shaun Thomas...
Synopsis :
Pour des raisons différentes, Ali et Ava se sentent chacun seuls. Ils vont se rencontrer grâce à leur affection commune pour la fille des locataires slovaques d’Ali, Sofia (6 ans), dont Ava est l’assistante scolaire. La chaleur et la gentillesse d’Ava réconfortent Ali tandis qu’elle apprécie son humour et sa complexité. D’une nouvelle lune à l’autre naît un lien profond, puis une passion qui les enflamme. Mais les séquelles de la précédente relation d’Ava et le désarroi émotionnel d’Ali assombrissent ce nouvel amour.
La critique de Julien
Présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en 2021, "Ali & Ava" est le troisième long métrage de la réalisatrice Clio Barnard après "Le Géant Egoïste" (2013) et "Dark River" (2017). Cette romance sur fond de musique, et surtout de réalisme social, est sans aucun doute son film le plus lumineux, elle qui est d’ailleurs retournée ici sur ses terres natales du Nord de l’Angleterre, elle qui a grandi à Otley (dans l’Yorkshire de l’Ouest), près de Leeds et de Bradford, là où a justement été tourné "Ali & Ava". Tandis qu’elle y retrouve l’acteur britannique Shaun Thomas (Callum), dont elle avait filmé les premiers pas au cinéma dans son premier film, la réalisatrice s’est très librement inspirée ici pour le titre de son film de celui de Rainer Werner Fassbinder, "Tous les Autres s’Appellent Ali", sorti en 1974, lui dont le scénario rappel également celui de son film. Mais ce n’est pas tout, étant donné que "Ali & Ava" est né de ses rencontres faites sur ses précédents réalisations, acclamées, lui qui est ainsi l’histoire d’une rencontre amoureuse sans fard ni artifice entre deux êtres que rien ne prédestinait à se rencontrer...
Ali (Adeel Akhtar), c’est un propriétaire d’origine Bengale, toujours solaire et positif, amoureux de musique, et plus particulièrement de punk, de hip-hop lourd, et de drum and bass, lequel occupe ses journées à déposer et à récupérer à l’école les enfants de son quartier, dont Sofia, une gamine d’origine slovaque réfractaire à l’école, tandis qu’il aide sa maman à percevoir les loyers de ses propriétaires, elle qui possède plusieurs petites maisons ouvrières dans le voisinage. Pourtant séparé de sa femme, Ali fait alors croire à sa famille qu’ils sont toujours ensemble, eux qui vivent d’ailleurs toujours sous le même toit. Un jour de grande pluie, le quarantenaire proposera alors à Ava (Claire Rushbrook), l’assistance scolaire de Sophia, de la raccompagner chez elle. Âgée d’une cinquantaine d’années, Ava, une veuve d’origine irlandaise, et mère de cinq enfants, a quant à elle passé sa vie à se consacrer à ses enfants, elle qui est aujourd’hui une grand-mère comblée. Elle aussi aime la musique, mais pas exactement la même qu’Ali, soit la country, et le jazz ! Les deux adultes se découvriront alors un même atome crochu, avant de dépasser leur situation sentimentale respective, à savoir un douloureux divorce pour Ali, et la violence et le racisme d’un défunt mari skinhead pour Ava, elle qui cache toujours à son fils aîné, Callum, que son époux la battait, lui qui voue toujours un culte à son père décédé il y a une année...
Certes, "Ali & Ava" ne brille pas par l’originalité de son scénario, et s’oublie assez vite. Mais cette romance de Clio Barnard est optimiste et énergique, elle qui n’en fait jamais de trop, et ne s’apitoie jamais sur son sort. De plus, sa metteur en scène y dépeint une image positive de Bradford, ville post-industrielle souvent représentée comme divisée et pauvre, selon les dires de l’acteur Adeel Akhtar, qui y a grandi. On sent aussi que la cinéaste éprouve un réel amour et intérêt pour ses personnages, authentiques, et pour lesquels on ressent toute la difficulté pour eux de passer au-dessus de leur situation, quelque part de solitude, dans laquelle ils (se) sont enfermés, malgré eux. Ces personnages sont aussi interprétés avec beaucoup de luminosité par ses acteurs principaux, Adeel Akhtar et Claire Rushbrook en tête. Si leur couple est atypique, il n’en demeure pas moins complice, et montre l’exemple d’un amour qui ne s’arrête pas aux frontières sociales, que l’on parle ici de classe, d’origine, ou d’idéologie, qu’elle soit choisie ou subie... Enfin, la bande-originale, entre The Specials, Bob Dylan et La Roux, finit par emporter notre adhésion.