Genre : Drame, thriller
Durée : 122’
Acteurs : Pierre Niney, Gilles Lellouche, Emmanuelle Bercot, Laurent Stocker, Yannick Renier, Jacques Perrin, Marie Gillain, Chloé Stefani...
Synopsis :
France, professeure de sport le jour, ouvrière la nuit, milite activement contre l’usage des pesticides. Patrick, obscur et solitaire avocat parisien, est spécialiste en droit environnemental. Mathias, lobbyiste brillant et homme pressé, défend les intérêts d’un géant de l’agrochimie. Suite à l’acte radical d’une anonyme, ces trois destins, qui n’auraient jamais dû se croiser, vont se bousculer, s’entrechoquer et s’embraser.
La critique de Julien
Inspiré de l’affaire du glyphosate, "Goliath" est le troisième film du réalisateur français Frédéric Tellier après "l’Affaire SK1" (2014) et "Sauver ou Périr" (2018), dans lequel il dirigeait déjà Pierre Niney. Engagé, ce thriller écologique nous emmène à la rencontre de trois destins qui vont se croiser autour de la puissante entreprise d’agrochimie Phytosanis. Il y a d’une part France (Emmanuelle Bercot), une ouvrière activiste, faisant partie d’un collectif anti-pesticides, elle dont le mari (Yannick Renier) est malade, tandis qu’ils habitent en pleine campagne. Patrick (Gilles Lellouche) quant à lui est un "petit" avocat solitaire, spécialiste en droit de l’environnement, lui qui essaie de rester honnête, et défend une cliente fermière et agricultrice qui vient de perdre son épouse des suites d’une maladie, après avoir manipulé des pesticides toute sa vie. Enfin, il y a Mathias (Pierre Niney), brillant et jeune lobbyiste œuvrant pour Phytosanis. Tandis que ce dernier et son équipe attendent que la licence de la Tétrazine soit renouvelée et signée au prochain Parlement européen, ils devront faire face au combat acharné de citoyens ordinaires et dévoués, prêts à la désobéissance civile pour faire éclater la vérité.
Si elle menée tambour-battant, cette guerre des tranchées joue dans la même cours que le film de Todd Haynes "Dark Waters" (2020), dans lequel Mark Ruffalo jouait le rôle d’une avocat qui enquêtait corps et âme sur l’acide perfluoro-octanoïque (PFOA), un agent de traitement du Téflon, alors utilisé consciemment à l’époque par la société américaine DuPont pour la fabrication d’ustensiles par des millions de foyers américains et mondiaux, alors que ce dernier provoquait le cancer et des malformations congénitales, tandis que la société déversait des centaines de gallons de boues toxiques dans l’Etat de Virginie-Occidentale, sans que les résultats d’aucune étude, appuyant pourtant ses effets, ne soient rendus publics. Sauf que "Goliath" n’a pas la retenue du film de Todd Haynes. En effet, le film de Frédéric Tellier joue trop sur la corde sensible du (mélo)drame pour sensibiliser. Par le profil de ses personnages principaux et secondaires, "Goliath" nous montre ainsi comment de pauvres innocents sont touchés de (très) près les conséquences de l’utilisation ici de la Tétrazine. Or, le film n’en aurait franchement pas eu besoin, d’autant plus qu’il s’agit là d’une pure fiction. Car c’est bien ici au travers de ce combat de David contre Goliath que ce film passionne, et notamment face à la position ahurissante des grandes firmes agrochimiques, malhonnêtes, privatisant la nature, et cela au détriment de la santé des individus, par obsession du profil, tandis que l’être humain, dans toute sa complexité, s’empoissonne volontairement pour s’enrichir.
Bien que les personnages d’Emmanuelle Bercot et de Gilles Lellouche, livrant des prestations plus ou moins marquantes, aient leur importante dans l’avancée de ce combat perdu d’avance, c’est bien ici Pierre Niney qui campe un excellent rôle en contre-emploi, et sans aucun doute le plus symbolique du film. Il y joue alors un lobbyste très prometteur, rongé par l’appât du gain, arrogant, détestable, manipulateur, lequel rédige lui-même les textes qui serviront à Phytosanis pour défendre ses intérêts, achetant dès lors le silence et la parole de grands scientifiques, et cela pour des milliers d’euros, afin que ceux-ci viennent notamment en télévision pour réciter ces mots. Il est donc nauséabond de voir les manœuvres réalistes utilisées ici par cette riche entreprise pour étouffer la vérité, pour mettre des bâtons dans les roues des "petits", tandis qu’elle s’appuie sans cesse sur le fait que "rien" ne prouve ici concrètement que la Tétrazine est réellement cancérogène, ou en tout cas pas "plus que les bonbons que l’on donne aux enfants". Or, tout le monde sait pourtant dans cette affaire de tous que ce produit est la source du mal en question...
"Goliath" est donc un film de nécessité publique, sur ce qui se joue au quotidien, dans les rues, en coulisse, par les activistes, afin que nous ayons des choses saines à manger dans nos assiettes. Or, ce sont bien les gros bonnets qui occupent tout le plateau, déversant leur haine et leur argent pour s’en mettre plein les poches. Et cela est d’autant plus contradictoire qu’ils doivent eux-mêmes se nourrir de cette même nourriture, l’agriculture biologique n’étant pas assez rentable, alors que nous sommes de plus en plus sur Terre, et que la production doit donc davantage s’intensifier. Bref, on ne va pas relancer le débat, même si "Goliath" l’y invite, bien qu’il manque de finesse, et souffre de pathos, de clichés.