Genre : Action, fantastique, drame
Durée : 176’
Acteurs : Robert Pattinson, Zoë Kravitz, Colin Farrell, Peter Sarsgaard, Paul Dano, Andy Serkis, John Turturro, Jeffrey Wright, Barry Keoghan...
Synopsis :
Deux années à arpenter les rues en tant que Batman et à insuffler la peur chez les criminels ont mené Bruce Wayne au cœur des ténèbres de Gotham City. Avec seulement quelques alliés de confiance - Alfred Pennyworth et le lieutenant James Gordon - parmi le réseau corrompu de fonctionnaires et de personnalités de la ville, le justicier solitaire s’est imposé comme la seule incarnation de la vengeance parmi ses concitoyens. Lorsqu’un tueur s’en prend à l’élite de Gotham par une série de machinations sadiques, une piste d’indices cryptiques envoie le plus grand détective du monde sur une enquête dans la pègre, où il rencontre des personnages tels que Selina Kyle, alias Catwoman, Oswald Cobblepot, alias le Pingouin, Carmine Falcone et Edward Nashton, alias l’Homme-Mystère. Alors que les preuves s’accumulent et que l’ampleur des plans du coupable devient clair, Batman doit forger de nouvelles relations, démasquer le coupable et rétablir un semblant de justice au milieu de l’abus de pouvoir et de corruption sévissant à Gotham City depuis longtemps.
La critique de Julien
Alors que nous avons encore bien en tête la puissante trilogie de Christopher Nolan, dans laquelle Christian Bale campait le célèbre Chevalier Noir, on était à même de s’interroger sur la légitimité de ce neuvième film centré sur le personnage de Batman, créé par Bob Kane et Bill Finger, tandis que Ben Affleck reprendra une fois de plus ce rôle cette année-ci dans le film "The Flash" d’Andrés Muschietti en tant alors que douzième film de l’univers cinématographique DC. Indépendant de ce dernier, la gestation de ce "renouveau" film date pourtant de juillet 2015, avant que Matt Reeves ("Cloverfield", "La Planète des Singes : l’Affrontement") ne soit choisi en février 2017 pour le réaliser, bien qu’accaparé par la post-production de "La Planète des Singes : Suprématie", jusqu’en juin 2017. Mais après une production chaotique, ayant vu son tournage suspendu à plusieurs reprises (suite à la pandémie de COVID-19 et au décès du répétiteur linguistique Andrew Jack), "The Batman" débarque enfin dans les salles de cinéma, sous les traits de Robert Pattinson.
D’emblée, cet énième film n’est pas une origin-story, l’intrigue débutant le soir d’Halloween, alors que le milliardaire Bruce Wayne/Batman est justicier à Gotham City depuis deux années, animé par une vengeance grandissante, et jamais éteinte depuis le meurtre de ses parents, bien des années plus tôt. Sans qu’il ne puisse être partout, et alors que le lieutenant James Gordon (Jeffrey Wright) projette le faisceau lumineux de la chauve-souris dans le ciel afin de l’appeler à l’aide, le maire de la ville, Don Mitchell Jr. (Rupert Penry-Jones) sera sauvagement assassiné par un tueur en série se faisant appeler le "Ridder"/ le "Sphinx" (Paul Dano), avant de commettre d’autres meurtres visant l’élite de Gotham, tout en laissant, à chaque fois, un message aspirant à destination de Batman. A sa recherche, le Justicier se verra alors démasquer la pègre et la corruption qui sévissent à Gotham, lui qui, au fil de son enquête, se retrouvera notamment confronté à Oswald Cobblepot, dit "le Pingouin" (Colin Farrell), travaillant lui-même pour le gangster Carmine Falcone (John Turturro), tandis qu’il rencontrera rapidement en chemin Selina Kyle, alias Catwoman (Zoë Kravitz), avec qui il liera une relation particulière...
Très sombre, cette relecture, inspirée du mythe du Chevalier Noir, ne l’avait jamais autant été, la photographie de Greig Fraser ("Dune") nous plongeant dans une ville rongée par les ténèbres, tandis que le Batman de Robert Pattinson n’a sans doute jamais été non plus aussi gothique, et en proie à une solitude dévorante, et à une image effrayante, surgissant de l’ombre. Visuellement, "The Batman" tape dans l’œil pour la simple et bonne raison qu’on a l’impression d’assister à un cauchemar éveillé, tant ce Gotham City, sous des litres de pluies abondantes, transpire de noirceur. Aussi, Matt Reeves rend l’action beaucoup plus authentique, et donc moins cinétique et rapide que dans les précédentes et récentes adaptations, préférant ainsi les combats à mains nues, et jouant dès lors moins sur les gadgets propres au personnage, même si on y croisera la célèbre Batmobile. À cet égard, on regrette que l’action soit malheureusement étouffée par une enquête trop bavarde, à la limite du film de détective, tandis que le ton des dialogues est, lui, est un brin trop monocorde, tandis qu’il en est de même pour la mise en scène. Cependant, la musique de Michael Giacchino est d’une époustouflante intensité, et vient accompagner sans répits cette complexe quête, mais dont les fondements ne sont, évidemment, pas nouveaux, et donc assez redondants, d’autant plus que l’on sent ici passer les presque trois heures de film, faute notamment de temps forts. Qu’importe, cette vision de Batman est l’une des plus intéressantes et psychologiques qu’on ait vus, en plus d’être très politique.
Sous les traits du justicier, Robert Pattinson se révèle convaincant et torturé, loin de l’image habituelle du play-boy milliardaire, bien qu’il n’ait pas la carrure du personnage. À contrario, cela prouve que cet orphelin est un homme ordinaire, ayant cependant hérité d’un lourd patrimoine et de lourdes responsabilités, en plus d’avoir été témoin du meurtre de ses parents. L’acteur est ici grimé au possible, son masque laissant des marques noires sur ses pommettes et ses joues, tandis que ses cheveux retombent sur son visage, appuyant une part de mystère bienvenue à Batman. Pattinson a bien quelque chose ici à proposer, et qui lui va à ravir. Face à ce personnage stérile et bouleversant de retenue, Zoë Kravitz vient apporter une touche de sensualité et de féminité qui font du bien à l’ensemble, l’histoire liée à son personnage ayant également une place de choix dans l’enquête de l’homme chauve-souris, lesquels travailleront d’ailleurs ensemble, quand ils ne se laisseront pas envahir par leur vengeance respective. Leur duo est charnel, et joue alors sur une double identité qui fait la paire, entre espoir et fatalité. Côté antagonistes, Paul Dano s’amuse sous les traits du "Ridder", narguant Batman et les forces de l’ordre avec ses énigmes, affûté d’un masque de plastique sur le visage, et communiquant - outre que par des lettres - par visiophonie, en trafiquant sa voix. L’effet est bien là, ses enjeux plus profonds qu’ils n’y paraissent, même s’il finira comme un clown en cellule... Enfin, saluons aussi la transformation physique de Colin Farrell, dans la peau du Pingouin, méconnaissable avec son ensemble de prothèses. On regrette cependant que la force et l’importance de son personnage soit ici sous-estimée/représentée. Le casting participe ainsi à l’image lugubre de l’ensemble, aux émotions ressassées de ses intervenants, aux souvenirs du passé qui remontent à la surface, mais qui ne doivent, pourtant, pas prendre le pas sur qu’ils doivent défendre aujourd’hui, au risque donc de se fourvoyer dans leur vengeance.
C’est donc la première fois que Batman est un super-héros émotionnellement aussi meurtri, dont finalement personne ne semble ici vouloir (et surtout pas la police), dans un Gotham plus maussade que d’accoutumée. "The Batman" se regarde alors comme une adaptation à part, qui devrait livrer deux suites. S’ils renouvellent et exploitent sous un nouvel angle les tumultes psychologiques du personnage, Matt Reeves et son coscénariste Peter Craig restent finalement ici assez fidèles à l’histoire originale de Batman, bien que les thèmes récurrents liés aux justiciers soient également de retour, mais sans grande originalité, telle que la justice déguisée par le terrorisme, tandis que son enquête à tiroir, toujours liée autour des mêmes personnages, tourne un peu en rond, et aurait pu être certainement écourtée.
Crépusculaire, cette nouvelle version joue certainement dans la même cours que le "Joker" de Todd Philipps, lui qui humanise ici le mythe de Batman pour le rapprocher encore un peu plus de nous. Matt Reeves et son équipe réalise-là une relecture moderne et audacieuse, bien que moins divertissante, et plus réussie sur la forme que sur fond, surtout lorsqu’elle s’éloigne des enjeux directs de son protagoniste principal, et donc lorsqu’elle se concentre sur ceux de son antagoniste principal, déjà vus, bien que son interprète, Paul Dano, soit sensationnel (voire un peu trop).