Synopsis : Judith mène une double vie entre la Suisse et la France. D’un côté Abdel, avec qui elle élève une petite fille, de l’autre Melvil, avec qui elle a deux garçons plus âgés. Peu à peu, cet équilibre fragile fait de mensonges, de secrets et d’allers-retours se fissure dangereusement. Prise au piège, Judith choisit la fuite en avant, l’escalade vertigineuse.
Avec : Virginie Effira (Judith), Bruno Salomone (Melvil), Quim Gutiérrez (Abdel), Jacqueline Bisset (Patty), Valérie Donzelli (Madeleine), Francois Rostain (Francis), Nadav Lapid (Kurt)
POINTS PARTICULIERS :
- Il s’agit du 3ème long-métrage d’Antoine Barraud
- Le scénario de « Madeleine Collins »a obtenu, avant même d’être réalisé, le prix Sopadin du jury du meilleur scénario en 2017.
- (Le prix Sopadin met en compétition des auteurs n’ayant pas eu plus de trois scénarios portés à l’écran)
A la lecture du scénario, on se dit qu’on va avoir droit à un bon thriller, classique, bien efficace. Un éternel plaisir gourmand dont on connaît la recette.
Efficace, il l’est. Mais de façon sinueuse : vous pensiez prendre l’autoroute, vous voilà sur la nationale avec ses carrefours, ses ronds-points.
Classique, certainement pas. Peut-être parce que la recette mêle différentes saveurs pour proposer un cinéma fusion : thriller et drame psychologique.
Le plan-séquence d’ouverture du film, intriguant, nous plonge d’emblée dans une sensation de malaise.
Une sensation qui ne nous quitte pas, et qui se fait oppressante, au fur et à mesure qu’on découvre Judith.
Un jour, cette traductrice internationale - le métier parfait pour justifier ses déplacements - est en Suisse aux côtés d’Abdel, présente - mais pas assez - pour la petite Ninon qui la réclame constamment, le lendemain, c’est son mari chef-d’orchestre et leurs deux fils adolescents qu’elle rejoint à Paris.
Le plus troublant, c’est que Judith semble vivre la situation ouvertement, ne se cachant pas pour répondre à son téléphone portable, même, c’est en jonglant entre ces deux foyers, qu’elle trouve son équilibre.
Un équilibre patiemment tissé de mensonges. Et pour le défendre, Judith élude les questions, improvise, brouille les pistes, dans un état de tension omniprésent.
Dans la plupart des thrillers, quand le dénouement survient - et il ne faut absolument rien dévoiler de celui-ci - il y a souvent une certaine jubilation devant le puzzle ainsi achevé. Dans « Madeleine Collins » rien de tel. L’explication nous plonge un peu plus dans les affres de cette femme insondable, complexe.
Troublant et subtil, le cinéma d’Antoine Barraud affiche des références évidentes au cinéma d’Hitchcock, « Vertigo » en tête, mais aussi à celui de Chabrol, qui lui aussi excellait à mettre en avant des personnages féminins puissants et se régalait de débusquer les zones d’ombres.
Et pour incarner aussi justement ce personnage tout en nuances et en intériorité, de femme au bord du gouffre, Virginie Efira est tout simplement l’actrice parfaite.
Elle n’est jamais aussi sublime et magnifique que dans des rôles de femme qui se bat, dévorée de l’intérieur, tourmentée, qui se fissure peu à peu.
Avec Madeleine Collins, Virginie Efira trouve là l’un de ses plus beaux rôles, tant elle y est fascinante, captivante, impressionnante.