Genre : Drame, romance
Durée : 112’
Acteurs : Fanny Ardant, Melvil Poupaud, Cécile de France, Florence Loiret-Caille, Manda Touré, Sarah Henochsberg...
Synopsis :
Shauna, 70 ans, libre et indépendante a mis sa vie amoureuse de côté. Elle est cependant troublée par la présence de Pierre, cet homme de 45 ans qu’elle avait tout juste croisé, des années plus tôt. Et contre toute attente, Pierre ne voit pas en elle “une femme d’un certain âge”, mais une femme, désirable, qu’il n’a pas peur d’aimer. A ceci près que Pierre est marié et père de famille.
La critique de Julien
Ils se sont rencontrés il y a quinze ans, respirant déjà le même air. Aujourd’hui, Shauna (Fanny Ardant) a presque 71 ans, et Pierre (Melvin Poupaud), 45. Elle, c’est une femme libre, ayant déjà fait sa vie, mère et grand-mère, tandis que lui est marié, et père de famille. Pourtant, dès le premier moment où ils se sont croisés, quelque chose s’était déjà passé. Pour son quatrième film, le dernier en date étant la comédie romantique "Otez-Moi d’un Doute" (2017), Carine Tardieu est partie d’un scénario de la réalisatrice américano-islandaise Sólveig Anspach, qu’elle n’avait alors pas eu le temps de tourner en raison de sa maladie. Dédié à cette dernière, "Les Jeunes Amants" met ainsi en scène une histoire d’amour qui ne s’explique pas, et qui n’en a d’ailleurs pas le besoin, entre une femme âgée et un homme plus jeune.
Alors que la cinéaste Sólveig Anspach avait demandé à la scénariste Agnès De Sacy deux jours avant son décès de lui faire la promesse que leur dernier projet - inabouti - voit le jour, tout en étant réalisé par une femme, cette dernière a alors décidé de faire lire cette histoire à Carien Tardieu, elle qui racontait alors l’histoire d’amour que la mère de Sólveig Anspach avait vécue tardivement avec un médecin bien plus jeune qu’elle. S’étant déjà rencontré, et appréciant réciproquement le cinéma l’une de l’autre, Tardieu a alors accepté de porter le projet de Sólveig, tout en s’appropriant le scénario, l’amenant notamment vers plus de lumière, en accord bien évidemment avec la fille de la défunte réalisatrice. C’est ainsi que s’est accompli "Les Jeunes Amants", lequel était finalement né bien avant, au même regard que l’amour que se portent ici cet homme et cette femme, rencontrés bien plus tôt, par un concours de circonstances, avant de se retrouver, et de se reconnecter.
D’une justesse improbable, le film de Carine Tardieu est une ode à l’amour, peu importe la différence d’âge, et donc les conventions sociales et contraires quelconques. Shauna est une femme angoissée, qui "traverse l’existence sur la pointe des pieds", qui n’a pas confiance en son corps, et refusera ainsi de vivre l’amour par amour, ne comprenant pas comment on peut s’éprendre pour une femme plus âgée. Fanny Ardant se révèle alors subtile dans ce rôle sur-mesure, elle qui assume pleinement son âge, tout en irradiant de beauté, de sensualité, alors insoupçonnée par son personnage. Il y a aussi sa relation avec sa fille, Cécilia (Florence Loiret-Caille), qui touche, étant donné le regard qu’elle pourrait porter sur cette idylle, qui lui est cachée, elle qui ne parvient pas à refaire sa vie, tandis que Pierre à son âge. Quant à Pierre, tête en l’air, c’est un homme sans ambiguïté, très honnête, lequel ne peut ici cacher son amour pour Shauna, bouleversé par elle, comme si elle exerçait une force d’attraction sur lui, face à laquelle il ne peut lutter. Melvin Poupaud est ici troublant de naturel dans la peau de cet homme, totalement transparent dans ses intentions, qui dépassent certes l’étonnement vis-à-vis de ses proches, tout en étant incapable d’agir autrement. Il y a dès lors aussi la place de la femme de Pierre, Jeanne, que Cécile de France interprète avec beaucoup d’intensité, en femme trompée, bien qu’ayant pourtant déjà traversé le pire. En effet, on sent bien que mari et femme ont déjà traversé ici des tempêtes, tout ayant réussi à sauver leur couple. Sauf qu’un amour (h)Ardant aura cette fois-ci raison de lui...
Au service de leurs personnages, le quatuor d’acteurs principaux (auquel vient s’ajouter le personnage de Sharif Andoura, en ami et collègue de Pierre, au rôle primordial - malgré lui - dans ladite rencontre) éblouit par sa puissance, sa force de cohésion, sa complicité, lesquels construisent alors ce destin amoureux "hors des cases", où chacun finira par concéder cet amour, justement par amour, mais également par admiration, soit celle de ne pas avoir peur de souffrir du regard, de la peur de ce qui pourrait arriver, des aléas de la vie. Carine Tardieu, tout en jouant la carte du mélodrame, mais avec des dialogues ciselés qui prennent sens, nous dit là qu’aucune existence n’est en soi facile, mais que tant qu’il y a un même air à respirer (à deux), alors la vie mérite de continuer, d’être profitée et pleinement vécue, et qu’il n’y a donc pas d’âge pour se sentir vivant. C’est beau, c’est universel, c’est fort, c’est pudique, ça donne envie de (re)tomber amoureux, et ça n’est surtout jamais "rose bonbon" devant la caméra de cette cinéaste audacieuse.