Genre : Drame
Durée : 108’
Acteurs : Joaquin Phoenix, Gaby Hoffmann, Woody Norman, Jaboukie Young-White...
Synopsis :
Journaliste pour la radio, Johnny travaille sur un projet pour lequel il interviewe plusieurs enfants sur leurs rêves et l’avenir du monde. Sa sœur Viv, qui doit prendre soin de son mari souffrant de troubles psychologiques, lui demande de s’occuper de son fils de neuf ans, Jesse. Johnny prend son neveu sous son aile et l’emmène dans un road trip de Los Angeles à New York et La Nouvelle-Orléans. Un lien unique se tisse alors lentement entre eux.
La critique de Julien
La dernière fois qu’on a croisé Joaquin Phoenix au cinéma, c’était ni plus ni moins que pour son rôle sensationnel du Joker en 2019 dans le film de Todd Phillips, lequel lui avait permis de remporter l’Oscar du meilleur acteur. Aujourd’hui, dans une partition bien plus simple en apparence, et donc intimiste, on le retrouve dans le drame en noir et blanc de Mike Mills, lequel clôt ici sa trilogie centrée sur les relations familiales, après "Beginners" (2011) et "20th Century Women" (2017).
"C’Mon C’Mon", c’est un road movie intergénérationnel marquant les retrouvailles entre un oncle et son neveu. Johnny (Phoenix) est un journaliste radio parcourant le pays avec ses partenaires de production, et interviewant des enfants sur leur vie et leurs réflexions sur l’avenir. Malgré le fait qu’il n’ait plus parlé à sa sœur Viv (Gaby Hoffmann) depuis le décès de leur mère, cette dernière lui demandera de garder son fils de neuf ans, Jesse (Woody Norman dans son premier rôle), en plein éveil, et doté d’une personnalité très singulière, aussi curieuse que celle de son oncle. Sa mère doit en effet se rendre à Oakland pour s’occuper de son ex-mari et père de Jesse, Paul (Scoot McNairy), en prise avec une maladie mentale. La pair n’aura alors d’autre choix que d’accepter de se côtoyer, le petit étant de prime abord odieux, et le grand réticent de répondre à ses nombreuses questions, et notamment sur sa vie privée... Bref, de vrais enfants !
Tourné principalement à la Nouvelle-Orléans, à New York, à Los Angeles et à Detroit, c’est-à-dire là où s’arrêtera ce duo atypique formé d’un garçon en pleine demande d’attention lequel trouvera alors en son oncle une sorte de père de substitution, "C’Mon C’Mon" met en scène une alchimie des liens familiaux retrouvés, ainsi qu’un hommage à la génération de l’avenir, et à celles et ceux qui l’élève, qui la guide sur le droit chemin. Mais Mike Mills octroie ici le bénéfice du doute aux générations qu’il filme, et le droit de ne pas être bien, ni contentes, et de le faire savoir, les adultes n’ayant d’ailleurs pas toujours raison, eux qui ont autant à apprendre des jeunes qu’ils éduquent. Autrement dit, la balle est ici dans les deux camps, et chacun a à apprendre de la situation vécue, ainsi que du passé. Et le réalisateur sait comment filmer ici ses personnages et leurs émotions, et cela à point nommé, grâce à de subtils mouvements de caméra, accompagnés de la très aérienne bande-originale des jumeaux Aaron et Bryce Dessner, connus pour avoir fondé le groupe de rock The National. La mise en scène participe aussi à une sensation de légèreté aussi authentique que documentée, étant donné que Mike Mills y filme aussi bien des scènes quotidiennes et banales que des appels téléphoniques entre frère et sœur (au travers desquels leur passé palpable se fait sentir), ou encore des interviews non-scénarisés d’enfants témoignant de leur avenir et de celui du monde. Cependant, il manque à "C’Mon C’Mon" plus d’audace de propos, lequel s’éparpille aussi, sans ligne de conduite bien définie, quitte à ne jamais pleinement convaincre vis-à-vis de ses intentions.
Discret, généreux, à l’écoute, Joaquin Phoenix est une fois de plus impeccable dans son rôle, lequel donne ici la réplique à un jeune personnage déjà bien complexe pour son âge, joué par l’étonnant Gaby Hoffmann, lui donnant ainsi du fil à retordre, en s’inventant notamment de drôles d’histoires négatives sur sa façon de voir le monde. Voilà de quoi donner de la matière pour les interviews de son oncle ! Leur relation (et celles qu’elle soulèvera par la même occasion) portera alors ses fruits, au cours d’un road trip hors du temps, filmé en noir et blanc. Une manière ici finalement universelle et intemporelle de montrer qu’il n’y a pas d’âge pour traverser des tempêtes, mais toujours entouré des siens, même si on les pensait éloignés, et même si on ne se comprend pas toujours. Il suffit parfois de ne franchir un pas, et de ne tendre qu’un simple micro, mais surtout l’oreille...