Synopsis : Une jeune Finlandaise prend un train à Moscou pour se rendre sur un site archéologique en mer arctique. Elle est contrainte de partager son compartiment avec un inconnu. Cette cohabitation et d’improbables rencontres vont peu à peu rapprocher ces deux êtres que tout oppose.
Acteurs : Seidi Haarla, Yuriy Borisov, Yuliya Aug
Compartiment n°6 est le deuxième long-métrage de Juho Kuosmanen, après le très beau Olli Mäki (2017), un film de boxeur sans quasiment de boxe, car Olli cherchait l’amour et pas la gloire. Il s’agissait d’un film en noir et blanc (tourné en vraie pellicule 16 mm) de toute beauté ! Une véritable surprise. Et le réalisateur nous surprend aussi agréablement avec ce voyage en train (mais pas que). Mais il faut reconnaître aussi que tout comme un bon vin doit décanter pour en saisir toutes les saveurs, le film ne se donnera pleinement au spectateur qu’un certain temps après sa vision. C’est qu’au premier abord, ce voyage en train n’a vraiment rien de lumineux, en tout cas à première vue, nous sommes une bonne partie du temps dans un train peu lumineux, dans un environnement tout aussi sombre et, s’ajoute à cela, l’exiguïté des wagons dans lesquels le film est tourné et lui donne une atmosphère oppressante, voire angoissante.
Si le film se déroule essentiellement dans un train, en forme de road movie, il débute cependant à Moscou où l’on découvre Laura, étudiante finlandaise (Seidi Haarla qui avait surtout joué dans des séries jusque là), et son amante russe, Irina. Il est question, outre leur relation amoureuse, d’un voyage que Laura désire accomplir avec elle pour aller voir d’anciens pétroglyphes datant de plus de dix mille ans. C’est finalement seule que Laura prendra le train de Moscou de Mourmansk, trajet durant lequel, elle profitera des haltes pour téléphoner à Irina. Mais l’on comprend peu à peu que son amoureuse ne l’est plus autant que cela et que peu lui chaut la relation avec Laura. Lorsque le train sera arrivé à bon port, il sera bien difficile d’aller sur le site archéologique et il se pourrait bien qu’une des personnes rencontrées dans le train pourra l’aider.
Et, justement ce trajet en train sera l’occasion de haltes, comme signalé plus haut, mais aussi de rencontres dans le compartiment couchette. L’une d’entre elles ne sied guère à Laura qui tente de trouver une place dans un autre compartiment. C’est que Ljoha le jeune homme qu’elle découvre dans le compartiment n°6 (brillamment interprété par Yuriy Borisov, qui jouait dans Elena d’Andrey Zvyagintsev, lui parait désagréable et inquiétant. Ljoha est un ouvrier russe, qui travaille dans une mine et rejoint le lieu de son boulot. Une rencontre banale, comme d’autres encore au cours du voyage, dont la contrôleuse, peu amène, presque une caricature de la matrone russe, mais aussi un guitariste désargenté, très sympathique et très voleur ! Ce sont aussi les rencontres lors des haltes (bien plus longues que celles des trains de nos gares), ainsi des ouvriers qui boivent et offrent de l’alcool — dans un vieil entrepôt dont on se demande comment il pourrait revendiquer la salubrité — ou encore la maison (pas de première fraicheur) d’une grand-mère. Toutefois, malgré ces haltes qui nous détournent du train, c’est vers celui-ci et ses couloirs que la caméra nous ramène.
L’on se doute bien que toute l’intrigue, ou plutôt, le cœur du film (qui pourrait lorgner du côté du feel good movie si ce n’était la conclusion... dont on ne vous dira rien !) tiendra dans cette improbable rencontre entre Laura (lesbienne faut-il le rappeler) et Ljoha et l’évolution de leur relation. Sans en faire trop (que du contraire), sans bavardages inutiles, Compartiment N°6 nous fait découvrir une très belle aventure qui est aussi une ode à ce que l’humain peut avoir de meilleur en lui, une ode au temps qui passe, une ode aux occasions qu’il faut saisir, fussent-elles sans lendemain. Le kairos donc !